Les biais cognitifs en gestion
de crise : les comprendre pour mieux décider
Didier Heiderich
Cet article vise à sensibiliser sur l'importance de
connaître et de déjouer les biais cognitifs en gestion de crise,
offrant des pistes pour une prise de décision avec plus de
discernement.
Dans le tourbillon des crises, qu'elles soient naturelles,
technologiques ou humaines, les décideurs sont confrontés à une
pression immense pour agir rapidement et efficacement. Cependant,
la prise de décision dans de telles circonstances est loin d'être
simple. Elle est souvent entravée par des biais cognitifs, des
tendances psychologiques innées qui façonnent notre réflexion et
peuvent conduire à des erreurs de jugement. Cet article explore
les biais cognitifs les plus courants en gestion de crise et
propose des stratégies pour les atténuer.
Biais de confirmation : Le piège le plus courant
Ce biais nous pousse à privilégier les informations qui confirment
nos croyances préexistantes, occultant celles qui les
contredisent. En gestion de crise, cela peut mener à ignorer des
signaux d'alerte cruciaux ou à persister dans une stratégie
inefficace.
Stratégie d'atténuation : Encourager activement des points de
vue divergents et analyser de manière critique toutes les données
disponibles, même celles qui contredisent l'opinion majoritaire.
Biais d'ancrage : La première impression compte trop
L'ancrage nous rend dépendants de la première information reçue,
influençant indûment nos décisions subséquentes. En temps de
crise, un ancrage initial erroné peut dévier la stratégie de
réponse sur une mauvaise trajectoire.
Stratégie d'atténuation : Prendre du recul pour réévaluer
régulièrement la situation avec de nouvelles informations,
permettant de corriger le cap si nécessaire.
Effet de cadrage : Le diable est dans le détail
La façon dont un problème est formulé peut drastiquement
influencer notre décision. Un effet de cadrage négatif peut
induire une aversion excessive au risque, tandis qu'un cadrage
positif peut mener à un excès de confiance.
Stratégie d'atténuation : Examiner les situations sous
différents angles et cadres pour obtenir une perspective plus
équilibrée avant de prendre une décision.
Biais de disponibilité : Ce qui vient facilement à l'esprit
Ce biais nous fait surévaluer la probabilité d'événements récents
ou marquants, ce qui peut déformer notre perception des risques
réels pendant une crise.
Stratégie d'atténuation : S'appuyer sur des données et des
analyses factuelles plutôt que sur des impressions ou des
expériences anecdotiques.
Biais de sur confiance : L'excès de confiance peut être dangereux
La sur confiance dans nos capacités et jugements peut nous rendre
aveugles aux risques et fermer la porte à des avis extérieurs
précieux.
Stratégie d'atténuation : Promouvoir une culture de l'humilité
et de l'apprentissage continu, en valorisant les retours
d'expérience et les critiques constructives.
Biais de groupe : Quand l'harmonie l'emporte sur la raison
La recherche de consensus peut mener à des décisions médiocres si
le groupe évite de confronter les réalités difficiles ou
d'explorer des alternatives.
Stratégie d'atténuation : Instaurer des mécanismes de 'défense
du diable' où des membres du groupe sont désignés pour contester
les idées reçues et tester la solidité des plans d'action.
Biais de statu quo : La sécurité trompeuse du connu
Ce biais favorise le maintien de l'existant et résiste au
changement, même lorsque la situation exige une adaptation rapide.
Stratégie d'atténuation : Encourager l'innovation et la prise
de risque calculée, en reconnaissant et en récompensant les
initiatives qui sortent des sentiers battus.
Biais rétrospectif : La sagesse de l'après-coup
Après une crise, il est facile de croire qu'on aurait pu la
prévoir ou la gérer différemment. Ce biais peut fausser l'analyse
post-crise et empêcher l'apprentissage effectif.
Stratégie d'atténuation : Adopter une approche systématique de
l'analyse post-crise, en reconnaissant les limites de la
prévisibilité et en se concentrant sur les leçons apprises.
Biais d'optimisme : L'espoir irréaliste
L'excès d'optimisme peut conduire à sous-estimer les risques et à
négliger la préparation nécessaire.
Stratégie d'atténuation : Équilibrer l'optimisme avec une
évaluation réaliste des défis, en se préparant à différents
scénarios, y compris les plus pessimistes.
En somme...
La gestion de crise est intrinsèquement difficile, mais une prise
de conscience des biais cognitifs et l'adoption de stratégies pour
les contrer peuvent améliorer considérablement la qualité des
décisions prises dans l'urgence. En développant une culture de la
réflexivité, de l'ouverture et de l'adaptabilité, les
organisations peuvent renforcer leur résilience face aux crises
inévitables.
Didier Heiderich
Didier Heiderich est ingénieur CESI, président de
l’Observatoire International des Crises, auteur de « Rumeur sur
Internet » (2004) et de « Plan de gestion de crise » (2010).
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Février 2024, tous
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