Sécurité et souveraineté alimentaire : enjeux
majeurs, risques multiples
Par Didier Heiderich et Julie Penanguer
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Élaborée dans les années 1970, la définition de la sécurité
alimentaire s’est originellement inscrite sous le prisme de
l’économie. Accompagnant les évolutions de la société, ce concept
changea de paradigme en plaçant les besoins des individus en son
centre. Aujourd’hui, il est considéré que la sécurité alimentaire
existe « lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un
accès physique, social et économique à une nourriture suffisante,
saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins
énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie
saine et active ». Celle-ci repose sur 4 dimensions principales :
l’accès physique, économique et social à la nourriture, la
disponibilité physique de celle-ci, mais aussi la qualité
sanitaire et nutritionnelle des aliments et régimes alimentaires.
La quatrième dimension demeure en la régularité des 3 dimensions
précédentes. Ce n’est que par le respect simultané de ces 4
dimensions que la sécurité alimentaire est atteinte.
Pour cette étude, nous avons envisagé les risques liés au
changement climatique, la gestion de chocs exogènes tels que le
Covid-19 ou encore la guerre. Pour la compléter, nous avons
également travaillé sur l’importance de l’incertitude dans les
comportements humains, pouvant avoir un impact sur la sécurité
alimentaire.
La sécurité alimentaire, déjà au cœur des réflexions politiques
sous l’Ancien Régime, demeure encore aujourd’hui un enjeu majeur
autour duquel transitent les États. L’élargissement de ce concept
a démontré, outre son importance significative, le levier
d’influence qu’il peut être dans le cadre de l’interdépendance des
États et l’aspect dévastateur que pourrait avoir sa
déstabilisation pour la souveraineté alimentaire. Les sources
d’approvisionnement pour un État sont variables, les chaînes
complexes et fragiles. Du fait de leur interdépendance, tout
impact aura des conséquences sur la chaîne agroalimentaire et, à
terme, sur la sécurité alimentaire.
Les impacts du changement climatique sur le
secteur agricole
Le climat est un point névralgique du secteur agricole. Ses
perturbations de plus en plus extrêmes et aléatoires exigent de
l’agriculture de s’adapter tout en naviguant à vue. La
multiplication par deux en 20 ans des catastrophes naturelles fait
de l’agriculture une victime du changement climatique. Cela se
caractérise par une baisse des récoltes selon les épisodes
climatiques, ainsi qu’une volatilité des prix, de plus en plus
difficile à contrôler.
La publication du 6e rapport d’évaluation du GIEC en 2021 fait un
état des lieux inquiétant. Selon ce groupe d’experts, en l’absence
de mesures concrètes pour contrer le changement climatique, les
rendements de grandes cultures pourraient perdre en moyenne 2% par
décennie. Cependant, parallèlement à cette baisse des récoltes, la
demande mondiale conduirait à une hausse de 14% de la production
par décennie. Le GIEC tire ainsi la sonnette d’alarme en affirmant
que la sécurité alimentaire connaîtra un impact négatif.
Cette prévision scientifique fait suite à une hausse ces
dernières années, des phénomènes naturels extrêmes, aux
conséquences néfastes sur les productions agricoles. Parmi elles
se trouve le gel tardif des vignes françaises en avril 2021. Après
une période de grande douceur ayant favorisé le bourgeonnement, ce
gel eut pour conséquence la perte d’un tiers de la production
viticole française soit 2 milliards de chiffres d’affaires.
Reconnue comme une calamité agricole par le ministère de
l’Agriculture et de l’Alimentation, la probabilité d’un gel
endommageant les vignes a pourtant augmenté de 60 %. C’est la
conclusion faite par les scientifiques pour le World Weather
Attribution venus étudier ce phénomène dans certains vignobles
français. Les vignes ne sont pas les seules affectées, car cette
vague de froid a également touché les récoltes de fruits,
enregistrant parfois des baisses de plus de 50%.
Outre le domaine viticole français, c’est le secteur agricole
dans son ensemble qui est chamboulé. Face à cela, il apparaît plus
que jamais nécessaire de s’adapter en mettant en place les
conditions de résilience permettant de faire face à des évènements
météorologiques aléatoires. Ces actions s’illustrent par de
nouvelles techniques telles que la limitation des labours qui
permet de capter le carbone de façon plus durable dans les terres,
l’augmentation des ventes de produits phytosanitaires en France ou
encore le développement de l’agritech.
L’impact du dérèglement climatique sur les prix
Cette diminution, et ainsi que la raréfaction des produits
agricoles ont conduit à une augmentation de leurs prix. Ce
phénomène s’illustre par la hausse du prix du blé dur en novembre
2021. Les épisodes de forte vague de chaleur et de sécheresse au
Canada, un des principaux pays exportateurs de blé, provoquent une
baisse de 39% des récoltes par rapport à 2020. Les États-Unis
ayant souffert des mêmes épisodes météorologiques, le Canada
exporta une partie du blé dur vers son voisin, baissant les
quantités exportées vers l’Europe.
La disponibilité des céréales ainsi que l’accès économique sont
directement affectés. Pour la campagne 2020/2021, la France a
produit 35,2 millions de tonnes de blé tendre et en a exporté 13,4
millions de tonnes. Si la France exporte quasiment la moitié de sa
production de blé et n’est donc pas directement affectée par cette
hausse, les conséquences de ces épisodes climatiques remettent le
sujet des stocks alimentaires sur la table.
La situation alimentaire mondiale est analysée chaque mois par
l’organisation onusienne pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO) qui publie un indice du prix des denrées alimentaires. Sa
dernière publication le 3 février 2022 démontre une augmentation
de 1,1% par rapport à décembre 2021.
Le rôle du secteur agricole dans le changement climatique
Si la dépendance du secteur agricole aux phénomènes climatiques
est ainsi mise en lumière, l’agriculture joue également un rôle
dans les dérèglements climatiques. En effet, les modes de
production agricoles dégagent un fort taux de gaz à effet de
serre. En 2019, il représentait le deuxième secteur le plus
polluant en France après les transports, avec l'émission de 19% de
gaz à effet de serre. L’agriculture se voit donc attribuer un
nouvel enjeu en plus la sécurité alimentaire : devenir un réel
acteur luttant contre le changement climatique. La séquestration
de carbone dans les biomasses et les sols est un moyen qui ne
cesse de gagner en pertinence.
Les phénomènes climatiques extrêmes altèrent de plus en plus
les récoltes et deviennent un risque de plus en plus important
pour la sécurité alimentaire. Face à ces changements
irréversibles, il est nécessaire d’adapter la production pour la
rendre davantage productive et résistante aux conditions
météorologiques, tout ayant une attitude respectueuse de
l’environnement.
Les conséquences de la crise sanitaire sur les
chaînes d’approvisionnement
L’ampleur de la crise sanitaire a mis à rude épreuve les
capacités de résilience des chaînes d’approvisionnement. Le
Covid-19 a permis de mettre en lumière certaines lacunes face à un
choc exogène d’une telle ampleur. En effet, l’ensemble des
maillons des chaînes d’approvisionnement a été affecté :
agriculteurs, transports ou encore la transformation. Les
confinements, fermeture des frontières, ainsi que le manque de
main-d’œuvre, ont donc été des enjeux importants à prendre en
compte dans la lutte contre l’insécurité alimentaire.
L’approvisionnement est perçu différemment par l’État,
l’agriculteur et le consommateur. Ainsi, une baisse de demande
finale pour certains produits aura un impact différent selon les
secteurs. En amont de la chaîne d’approvisionnement, la récolte,
notamment des fruits et légumes en Europe, fut directement
affectée. En effet, la fermeture des frontières empêcha l’apport
de main-d’œuvre par les travailleurs saisonniers, représentant une
part importante du travail dans le secteur agricole. Une baisse
des récoltes s’est ainsi fait ressentir sur certains produits tels
que les fraises et les fruits à noyau. Les récoltes céréalières ne
nécessitant pas d’un grand nombre de main-d’œuvre n’ont pas été
affectées par les mesures prises en réponse à la crise sanitaire.
À un autre niveau, les différentes mesures étatiques ainsi que les
forts taux de contamination au COVID-19 au printemps 2020, ont
porté atteinte à la sécurité alimentaire. Aux États-Unis, pays
fortement affecté par la crise sanitaire, de nombreuses usines de
transformation de viande ont dû fermer temporairement suite au
recensement de cas positifs au Covid-19. L’approvisionnement en
bœuf et en porc enregistra une baisse de 25% en trois semaines.
Les modifications de la demande finale ont eu différents impacts
selon les secteurs. Si les entreprises du secteur de la boisson
ont enregistré de fortes baisses de chiffre d’affaires du fait de
la fermeture des bars et restaurants, une crainte de pénurie des
denrées non périssables s’est fait ressentir. Pour d’autres
secteurs, cette évolution de la demande a démontré un manque de
souplesse dans les chaînes d’approvisionnement. L’adaptation n’a
pas pu se faire rapidement faisant que les structures d’écoulement
se sont retrouvées submergées. Cela a conduit à un fort gaspillage
des fruits et légumes invendus.
Accompagnées d’une baisse de production de certains produits
intérieurs, les restrictions à l’exportation d’un ou plusieurs
produits ont également été un frein à la sécurité alimentaire. En
effet, du 18 mars au 11 mai 2020, 22 pays ont mis en place de
fortes restrictions à l’exportation dont le Kazakhstan, pourtant
un des plus importants exportateurs de blé dans le monde. En
mettant des restrictions sur des denrées alimentaires aussi
nécessaires que le blé, des impacts significatifs se sont fait
sentir auprès des pays à faible autonomie.
La crise sanitaire fut une source de remise en question des
chaînes d’approvisionnement et de leur résilience face à un choc
exogène d’une telle ampleur. La solution d’adaptation qui s’est
grandement distinguée fut la numérisation. Grâce à une meilleure
interconnexion des données, la gestion se fait en temps réel et
permet d’anticiper sur les stocks. Cependant, si l’interconnexion
fait entrer les chaînes d’approvisionnement dans un nouveau
paradigme, le risque de cyberattaque devient une menace sérieuse,
contre laquelle il est primordial de se préparer.
La sécurité alimentaire comme arme
géopolitique : le cas de la guerre en Ukraine
La mondialisation a pour conséquence une forte interdépendance
entre les États. Ainsi, toute crise diplomatique peut avoir un
impact direct ou indirect sur le commerce international. Très
souvent c’est le pétrole qui est mis en lumière. Outre l’or noir,
il est important de se rappeler que l’agroalimentaire est
stratégique et s’avère être un levier diplomatique majeur.
Actuellement, la communauté internationale suit de très près le
conflit russo-ukrainien aux « conséquences durables profondes »
d’un point de vue tant économique qu’énergétique, comme le
soulignait Emmanuel Macron dès le 24 février. Mais la sécurité
alimentaire prend également une place primordiale dans ce conflit
et pourrait en être grandement affectée.
En effet, la Russie et l’Ukraine sont des exportateurs majeurs de
grains et d’oléagineux. À elle seule, l’Ukraine représente 16% des
exportations mondiales de blé, occupe la 5e place des plus grands
exportateurs mondiaux et la première place dans l’exportation
d’huiles alimentaires. La Russie demeure la première exportatrice
de blé depuis 2016. L’Ukraine, le « grenier de blé de l’Europe »
trouve ses zones de production à l’Est notamment dans la région du
Donbass qui produit à elle seule 40% du blé ukrainien.
Les ambitions russes tendent le marché agricole et produisent une
forte volatilité des prix. Les craintes que les cargaisons soient
retardées ou même stoppées ont provoqué une hausse record du cours
du blé, suivi de près par le maïs. Mais ce ne sont pas les seuls
secteurs, le colza, le soja, le tournesol voient également leur
cours bondir au fur et à mesure que la guerre s’intensifie.
La France, qui est un pays exportateur, ne sera pas la plus
affectée par cette crise, contrairement à l’Égypte qui importe 90%
de son blé de l’Ukraine et de la Russie. Les pays travaillent
activement pour diversifier les sources. De nouveaux appels
d’offres ont été lancés ces derniers temps par l’Égypte, la
Jordanie, mais également la Corée du Sud et le Japon. Se tourner
vers l’Union européenne et les États-Unis serait une option
envisageable, mais demande de s’interroger sur les limites des
stocks alimentaires. Cependant, rien n’est moins sûr concernant le
maïs importé en Europe dont la moitié proviendrait d’Ukraine. Si
cette dernière ne parvient plus à sortir les 23,5 millions de
tonnes de maïs, dont il lui reste actuellement 9 millions de
tonnes, peu de pays pourraient prendre le relais.
Autre secteur clé de ce conflit est celui des potasses. En effet,
la Russie ainsi que son voisin et allié le Belarus représentent
chacun 20% des exportations mondiales de potasse. Ce fertilisant
est grandement utilisé pour l’agriculture brésilienne qui en
importe jusqu’à 95%. Selon les décisions politiques et sanctions
infligées à ces pays, la solution de se tourner vers des pays
exportateurs secondaires serait plus difficile. En effet, le
secteur de la potasse est bien plus fermé que celui du blé et son
scénario d’avenir pourrait être aussi aléatoire que celui du maïs.
La stratégie autour de la mer d’Azov
Outre le secteur agricole, c’est celui du transport qui peut
être sérieusement affecté. En effet, Moscou envahit l’Ukraine,
sous couvert d’ambitions politiques et idéologiques, mais connaît
pertinemment les conséquences qu’auraient les prises de contrôles
des infrastructures logistiques. La prise de l’Est de l’Ukraine où
se trouve la majorité des zones de production de blé ukrainien par
la Russie permettrait à Moscou de contrôler un tiers du marché
international du blé.
Cette région est également importante pour sa géographie ainsi que
pour les ports de Berdiansk et Marioupol sur la mer d’Azov.
Représentant à eux deux 20% des exportations ukrainiennes, les
navigations dans ces ports étaient déjà rendues difficiles avec,
outre des exercices, des contrôles de plus en plus fréquents par
les autorités russes. Ces contrôles s’effectuent au niveau du
détroit de Kertch séparant la péninsule de Kertch en Crimée,
aujourd’hui contrôlée par les Russes, et celle de la péninsule de
Taman en Russie. Reliant la mer d’Azov à la mer Noire, ce détroit
est un point important dans les exportations ukrainiennes.
Le 2 mars 2022, les troupes russes ont conquis les côtes
ukrainiennes de la mer d’Azov faisant de celle-ci une mer
intérieure russe. La stratégie russe non pas communiquée, mais
imaginée selon les directions prises par les troupes russes, tend
vers la ville d’Odessa. Suite à la prise de contrôle de la ville
de Kherson le 3 mars, le port d’Odessa, plaque tournante du
transport de marchandises, se trouve sérieusement menacé. En
s’emparant du premier port d’Ukraine, Moscou supprimerait la
majorité des flux maritimes ukrainiens et étendra sa position sur
la mer Noire. Cette dernière a toujours été source de rivalité
entre les nations, et à une importance cruciale tant sur le plan
économique que militaire.
Il est donc possible de distinguer un double enjeu dans le conflit
russo-ukrainien. Les moyens de porter atteinte à l’Ukraine et à
ses défenseurs sont multiples. La Russie le sait et ne se retient
pas d’utiliser, en plus de ses munitions, son blé comme arme
géopolitique pour assouvir sa domination. Mettre en péril la
résilience alimentaire serait toucher à l’ordre public et pourrait
facilement mettre un État à genoux, notre histoire nous le
rappelle constamment.
La souveraineté alimentaire : point d’intérêt du conflit
russo-ukrainien
Ainsi la sécurité alimentaire, mise de côté par la communauté
internationale, devient un levier d’influence et un enjeu majeur
de ce conflit. Porter atteinte à la sécurité alimentaire, mais
également la souveraineté alimentaire d’un État est le toucher en
plein cœur. Ce dernier concept demeure en la capacité d’assurer
tous les besoins de la population par la production agricole et
alimentaire. Elle ne se place, non pas en complémentarité de la
sécurité alimentaire, mais en différence, car elle ne fait pas
recours au commerce international pour favoriser la production
locale. Nécessitant des terres productives, elle est très sensible
aux conditions environnementales.
Si la France parvient à une certaine souveraineté notamment dans
le domaine des céréales, elle importe de ses voisins européens,
20% de ses fruits et légumes. Dans ce conflit et les conséquences
qu’il aura, la France sera en partie épargnée. Mais il n’en est
pas de même pour les pays d’Afrique de l’Ouest qui dépendent des
exportations de la mer Noire. Leur sécurité alimentaire serait
fortement fragilisée. De par ce conflit sont ainsi mises en
lumière, les difficultés de certains pays à assurer leur
souveraineté alimentaire, source de puissance étatique.
L’incertitude et la peur, un risque
sous-estimé de la sécurité alimentaire
Trop souvent sous-estimée, l’incertitude demeure pourtant un
réel risque pour la sécurité alimentaire. Elle peut se
comprendre par le biais de l’État et ses décisions, par le
commerce international, mais également par le consommateur.
Sous couvert d’anticipation, ce sentiment pourtant imprécis,
permet la création de grandes tendances mondiales, mêlant
décisions politiques et économiques. L’incertitude d’un risque
d’approvisionnement augmente automatiquement la demande
intérieure. La production ne répondant plus suffisamment, et la
raréfaction provoquent ainsi une augmentation des prix.
Le cas de l’Indonésie est intéressant. Premier exportateur
mondial de l’huile de palme, le pays prévoit de suspendre ses
exportations. Si cette volonté est actée, les autres pays
producteurs auront du mal à répondre à la demande. Suite à la
communication de ce qui est à cette heure une option, la FAO a
enregistré une hausse record des prix des huiles végétales en
janvier 2022 avec une augmentation de 4,2% en un mois. Cette
hausse traduit une inquiétude qui se fait fortement ressentir
sur le prix. Pourtant à ce moment l’Indonésie n’a pas stoppé sa
production d’huile de palme ce qui n’a pas empêché son cours
d’exploser.
L’ancien secrétaire général de l’OCDE , Ángel Gurría
l’affirmait, « Un système commercial international prévisible et
qui fonctionne bien peut concourir à assurer la sécurité
alimentaire à l’échelle mondiale et permettre aux producteurs
des pays exportateurs de prospérer ». Mais si de nombreux
risques peuvent porter atteinte à l’approvisionnement sont
étudiés, le facteur humain dans la prise de décision demeure le
plus difficile à contrôler.
Ne pas oublier l’importance de la psychologie du
consommateur
La volatilité des prix est parfois une réponse aux réactions du
consommateur. En effet, en cas de mauvaise perception du
contexte actuel, le consommateur sujet à la peur, peut stocker
dans des proportions, parfois irraisonnées. Nous pouvons nous
souvenir de la crise du beurre en 2017, avec un effet boule de
neige lorsque les consommateurs ont constitué des stocks. Ce
phénomène étendu à plus grande échelle peut provoquer une
altération de l’équilibre entre approvisionnements alimentaires
et la demande. La hausse des prix ou leur volatilité prend ainsi
place.
Nous avons connu dans le passé des paniques similaires qui
peuvent se reproduire. Le premier confinement et les nombreuses
pénuries de produits de première nécessité dans les rayons des
magasins peuvent en témoigner. C’est pour cela que l’État se
voit incomber l’obligation de rassurer sa population pour,
notamment, maintenir la stabilité des prix. Cependant, pour
certains pays la psychologique des populations n’est pas mis à
la même contribution. Nous pouvons nous souvenir du gouvernement
chinois qui fin 2021, a appelé sa population à faire des
réserves dans un communiqué sans aucune explication.
Dans un contexte de multiplication des crises et des menaces, il
apparaît de plus en plus dur de se détacher du sentiment
d’incertitude. De plus, face à des risques terroristes,
politiques, et surtout militaires, le risque d’insécurité
alimentaire peut parfois être sous-estimé.
Pourtant aujourd’hui, face à la diplomatie du blé russe ainsi
que le recul des bourses provoqué par la guerre, il est
nécessaire d’identifier les risques envers la sécurité
alimentaire pour pouvoir y répondre. Adapter la capacité de
résilience des chaînes d’approvisionnement et gérer les stocks
alimentaires, pour compenser les futures sanctions envers la
Russie, deviennent des enjeux primordiaux. Des enjeux qui nous
remémorent les évènements passés et rappellent que la
problématique de sécurité et la souveraineté alimentaire ont
toujours accompagné les crises. À la
sortie de la Seconde Guerre mondiale, alors que nombre de
paysans ont été tués avec outil de production ravagé,
l’indépendance nationale est devenue une priorité.
Rappelons-nous que le pain fut rationné jusqu’au 1er décembre
1949.
De par ces épisodes, l’enjeu de la sécurité alimentaire a permis
à la France et plus généralement l’Europe d’avoir une
agriculture moderne, de diversifier les moyens de protection et
d’anticiper au maximum les risques. Cependant, l’évolution du
contexte international de plus en plus soumis à des chocs
exogènes d’origines diverses oblige les puissances à sans cesse
revoir leurs plans.
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Didier Heiderich est ingénieur, président de l’Observatoire
international des crises. Il est auteur de nombreux articles,
études et ouvrages. Il dirige depuis 20 ans un cabinet
international spécialisé en gestion des enjeux sensible et des
crises.
Julie Penanguer est une spécialiste des Relations
Internationales plus particulièrement en gestion des programmes
internationaux. Elle possède également une Double-licence Droit -
Sciences politiques. Elle a été notamment chargée de mission
Services Interministériel de Défense et de Protection Civile (SIDPC).
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