Face à la crise, la communication militaire
devra partir en quête de plus d'horizontalité
Par Romain Mielcarek, journaliste et dotorant en sociologie
Article paru dans :
Prospective : Horizon 2020
Numéro spécial 15 ans
N°23 du Magazine de la communication de crise et sensible,
Décembre 2015
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17 juillet 2020. A Balard, au ministère de la Défense, une
équipe s'est réunie en urgence. Plusieurs opérationnels sont là
pour faire la liaison avec l'équipe de communication de
l'Etat-major des armées (EMA) et celle du ministre. Tout le monde
est sur les dents : plusieurs soldats ont été tués dans une
embuscade dans les montagnes du nord du Mali. Alors qu'ils
participaient à une patrouille, dans une zone à priori
relativement calme, ils ont été pris sous un feu particulièrement
violent. Des soucis de disponibilité des moyens ont empêché
l'arrivée rapide de renforts. Les combats ont duré plusieurs
heures, entre l'explosion d'un kamikaze au début de l'engagement,
jusqu'au repli des combattants avec l'arrivée de deux compagnies
de réserve. Au moins deux soldats, à cours de munitions et
blessés, ont probablement été achevés à coups de couteau. Une
rumeur d'égorgement commence à circulé, initiée par le site
d'information russe Sputnik. Sur Twitter, une personne se
présentant comme un soldat a déclaré que plusieurs de ses
collègues ont vu un employé malien de leur base militaire passer
plusieurs coups de fil au départ de la patrouille. Plusieurs
éditorialistes ont déjà commencé à évoquer, dans différents
médias, l'enlisement de l'armée française au Sahel, présente
officiellement dans la région depuis maintenant six ans sans que
l'on comprenne bien pourquoi. Personne n'en a fait état pour
l'instant, mais il est fort probable qu'un soldat ait été tué dans
la panique par un camarade. Le ministre de la Défense attend un
plan de communication dans l'heure, afin de faire face à la crise.
La mécanique étant parfaitement huilée, les participants à
cette réunion proposeront les solutions suivantes :
• Le ministre de la Défense donnera une conférence de presse,
retransmise en direct sur Internet à travers le monde, afin de
spécifier le contexte et les faits. Insistant sur le besoin de
faire preuve de patience, le temps de réunir des éléments concrets
et surtout vérifiés, il rappellera l'importance de cette mission
menée contre le terrorisme, au service de la sécurité de la France
et du soutien des pays amis de la région. Il communiquera ensuite
en temps réel, en toute transparence.
• A l'Etat-major des armées, une équipe préparera un
argumentaire complet sur les différents sujets évoqués ou non. En
liaison avec leurs officiers présents sur le théâtre d'opérations,
ils anticiperont les différents points. Ceux évoqués par la presse
: exécution à l'arme blanche, contexte des combats, polémique
politique. Ceux qui ne le sont pas encore : conséquences sur la
mission, moral des soldats survivants, relève des morts, tir
fratricide.
• L'argumentaire sera mis en ligne sur l'Intranet, au profit
des officiers de communication des différents organismes qui
pourraient être impliqués.
• Un argumentaire avec des idées clefs (éléments de langage),
sera mis à disposition de tout le personnel de l'institution sur
l'Intranet.
• Une équipe de spécialistes des opérations militaires
d'influence préparera deux réponses. La première, adressée aux
médias d'influence concurrents (Sputnik en l'occurrence), sera
chargée de contrer les discours négatifs sur la mission de l'armée
française. Elle se chargera également de combattre les rumeurs. La
seconde, adressée à l'opinion publique française, profitera d'un
logiciel récemment adopté qui permet à tous les comptes amis de
multiplier à l'infini les messages de l'armée, afin de défendre la
mission et de rendre hommage aux disparus.
• Un officier sera nommé chef de mission pour préparer
l'invitation de plusieurs influenceurs, journalistes et blogueurs,
qui seront conviés à accompagner le ministre et à suivre les
militaires français en opération dans les jours qui viennent.
Uzbin, cas d’école de la non-communication de crise…
Les plus au fait des affaires militaires trouveront peut-être
dans cette réflexion fictionnaire, des analogies avec l'embuscade
d'Uzbin. Le 18 août 2008, dix soldats français étaient tués en
Afghanistan. Un combat laborieux, de plusieurs heures, qui voit
s'accumuler les problématiques : manques matériels, déficiences
organisationnelles et opératives, absence de soutien aérien,
exécution d'un soldat français à l'arme blanche, sous-estimation
de la menace... Plusieurs éléments avaient alors filtré dans la
presse. Certains seront vérifiés. D'autres resteront de simples
rumeurs . La communication fût particulièrement calamiteuse.
Incapable de réagir en temps réelle, elle sera totalement dépassée
par la situation. Au fiasco opérationnel, sur le terrain, s'ajoute
un fiasco communicationnel.
Le 21 août, on peut lire dans Le Monde le témoignage d’un
blessé : « Nous n’avions plus de munitions pour nous défendre avec
d’autres armes que nos Famas ». Le même journal s’interroge le 27
août : « La France est-elle « en guerre » en Afghanistan ? » Le 4
septembre, le journal Libération note que « les talibans sont bien
à l’offensive contre la France et ils ont compris que la guerre se
gagnait aussi sur le terrain de la communication », dans un
article titré « après l’embuscade militaire, l’embuscade
médiatique ».
Le ton est le même dans l’ensemble de la presse française.
Cette embuscade marque une rupture franche dans le traitement
médiatique du conflit en Afghanistan. Jusqu’en 2007, le sujet est
relativement peu suivi. La décision du président Nicolas Sarkozy
d’envoyer des renforts cette année-là fait émerger un débat
équilibré sur la légitimité de cette décision. A partir d’Uzbin,
plusieurs polémiques émergent : faut-il se retirer, quelles sont
les motivations de l’intervention, les soldats sont-ils
correctement fermés et équipés, la hiérarchie fait-elle les bons
choix, la stratégie de l’Otan est-elle efficace… Dans ces
échanges, les militaires sont largement absents. La discussion est
monopolisée par les politiques, dans un bras de fer qui relève
plus de la politique intérieure que de l’analyse géostratégique.
… et déclencheur d’une accélération des réformes
Au début des années 2000, l'armée française, en pleine
professionnalisation, prend conscience du besoin d'évoluer sur le
plan de la communication. A travers son "schéma directeur
pluriannuel de la communication de la Défense pour la période
2000-2002", l'institution cherche à en finir avec son image de
"Grande Muette" . Le document propose d' "améliorer le "style" de
la communication, à en garantir la "cohérence" et la "clarté",
tant et si bien que les énonciateurs militaires se trouvent
aujourd'hui confrontés au paradoxe d'une liberté d'expression tout
à la fois promue, valorisée, et enserrée dans un réseau étroit de
contraintes et de normes ". Un "paradoxe" sur lequel s'est
notamment penchée Claire Oger, afin de comprendre l'articulation
entre communication, devoir de réserve, besoin et droit légitime
de s'exprimer.
Toujours est-il qu'en 2008, au moment d'Uzbin, la plupart des
chefs militaires restent peu au fait des enjeux liés à la
communication. Il s'agit en général d'une corvée dont ils se
désintéressent. La vitesse de circulation de l'information, suite
à l'embuscade, les dépasse. Ils pensent pouvoir prendre le temps
de préparer une stratégie et une réponse adaptée, en temps et en
heure. Il est déjà trop tard. "Ce qui posera problème est la
nature même du traitement de cette information. Dramatisée,
relayée uniquement sous l’angle de l’émotion et du fait divers,
l’événement a été traité au-delà de ce que l’ennemi escomptait" ,
se souvient l'ancien patron de la communication de l'armée de
terre, le général Benoît Royal. Impossible, pourtant, d'adapter
les médias et leurs attentes à celles de l'institution.
Le fiasco permet de faire passer des doctrines d'influence plus
pro-actives. Dès 2009, se mets en place une nouvelle organisation
des outils liés à la communication, sur le théâtre d'opération
afghan . Elle sera officialisée dans un document publié en 2012,
"L'Influence en appui aux engagements opérationnels ". La
communication devient l'un des quatre grands axes de l'influence,
de même que les opérations militaires d'influence (appelées aussi
opérations psychologiques / il faut bien distinguer stratégie
militaire d'influence, à savoir l'ensemble, d'opérations
militaires d'influence, l'une des composantes), les actions
civilo-militaires et les actions indirectes (opérations
d'influences menées par les forces spéciales).
Réactivité et permanence du discours, une communication
d'aujourd'hui
Sur d'autres crises, par la suite, notamment lors des attaques
"green on blue" (soldats français tués par des soldats afghans,
probables insurgés infiltrés) ou lors d'attentats majeurs,
l'institution se montre plus réactive. Des communiqués, même
minimalistes, sont publiés très en amont. Le porte-parole de
l'Etat-major des armées se montre toujours disponible pour répéter
le peu d'informations à disposition et réclamer de la patience.
Une logique s'instaure : les informationss, ce sont les militaires
qui les ont, pas les autres. Et le résultat est là : la
communication militaire est de plus en plus systématiquement
citée, sur tous les dossiers concernant l'Afghanistan .
Ainsi, une bonne partie des points suggérés dans le cas
prospectif proposé en ouverture de ce papier sont déjà
d'actualité. L'armée française s'est en cela inspirée largement de
ce que font les Américains ou les Britanniques. La communication
est un exercice coordonné dont les tâches sont réparties. Tout ce
qui relève du territoire national (entraînement et préparation des
forces) relève des Sirpa, les Services d'information et de
relations publiques des armées. Le ministre de la Défense dispose
d'un communicant propre. Le théâtre d'opérations, lui, est géré
par l'état-major des armées. La Dicod, la Délégation à
l'information et à la communication de la Défense, assure le lien.
En cas de crise, ces différents services vont mobiliser leurs
ressources de manière coordonnée pour relayer un message cohérent,
chacun à son niveau. La Dicod et les Sirpa expliquent pourquoi et
comment les forces sont calibrées et entrainées comme il se doit.
L'état-major des armées décrit les faits dans lesquels s'est
déroulée l'action. Le ministre répète pourquoi la mission donnée
par le politique au militaire fait sens. On retrouve ici les trois
registres rhétoriques d'Aristote : le genre épidictique (le beau –
l'armée est une institution qui fonctionne bien), le genre
juridique (le juste – les faits, le déroulement des événements,
dans un cadre spécifique et contrôlé) et le genre délibératif (le
bien – la mission est motivée par des valeurs morales,
humanitaires et au profit de l'intérêt national) .
Horizontalité et communication en réseaux, demain
Si l'armée française a su correctement moderniser son outil de
communication depuis l'embuscade d'Uzbin, elle est encore loin,
aujourd'hui, d'être en pointe dans ce domaine. Les journalistes
restent globalement frustrés de l'approche très verticale de la
communication. S'il est devenu facile d'avoir une réponse de
l'institution, il reste complexe d'accéder à ceux qui l'animent.
La parole des simples soldats reste très contrôlée. Tant et si
bien que lorsqu'elle est récoltée, souvent hors du champ de vision
de la communication, elle est présentée comme un acte de
rébellion. Le résultat est alors souvent négatif. Le soldat qui
s'exprime est celui qui en a gros sur la conscience. "Dans cette
guerre d’influence, force est de constater que pour beaucoup de
journalistes, les mots d’un caporal valent ceux d’un général",
note d'ailleurs le général Royal. "Dès lors, la parole d’un soldat
obtient une crédibilité certes excessive, mais qu’il convient
d’exploiter. Pour ce faire, il s’agit d’éduquer autant que
possible l’expression médiatique à tous les échelons de la
hiérarchie." Il faudrait dans ce domaine s'inspirer de ce que font
les Américains ou les Israéliens. Leurs communicants s'appliquent
à mettre en relation les journalistes avec les soldats qui
pourraient avoir des choses à dire. Ils ne contrôlent par la
parole mais donnent les outils aux militaires pour exprimer leur
pensée, souvent très favorable à l'institution… Puisqu'ils en font
partie !
Dans ce domaine, beaucoup d'efforts restent à fournir. La
communication française met ainsi souvent un temps relativement
long pour proposer des mises en contacts, sans transmettre les
coordonnées de leurs interlocuteurs aux journalistes. A l'inverse,
les communicants britanniques ou américains ne sont même plus
joignables par mail : le seul lien se fait par un numéro de
téléphone direct, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours
sur sept. Ces derniers mettent en copie des échanges numériques à
la fois les journalistes et leurs futurs interlocuteurs, en toute
transparence.
Dans la crise, la principale qualité d'une organisation pour
bien communiquer est une forte capacité de résilience. Or le
principal moteur de cette résilience reste la mobilisation de tous
les maillons de la chaîne, y compris le plus modeste des soldats.
Les Israéliens ont commencé à mettre ce genre de logiques en
œuvre, notamment en optimisant l'utilisation naturelle des réseaux
sociaux par une jeune génération de soldats très connectés, lors
de différentes opérations sur le territoire de Gaza. Plus
efficaces qu'un communiqué de presse, ce sont des dizaines de
milliers de témoignages qui ont ainsi pu rassurer les familles et
l'opinion publique nationale tout en noyant les avis
contradictoires dans la masse .
L'une des pistes de progression reste une meilleure
coordination entre les différentes spécialités. En particulier en
ce qui concerne la relation entre communication et opérations
militaires d'influence : les deux peinent encore souvent à
dialoguer alors qu'ils participent à la même logique . Comme nous
l'avons vu dans les suggestions faites pour notre cas d'étude, les
opérations militaires d'influence seront de plus en plus
systématiquement mobilisées en situation de crise pour répondre
aux rumeurs intéressées d'acteur d'influence adverse. Ces médias
publics de pays concurrents (Russie , Iran, parfois Etats-Unis)
mélangent souvent information et propagande. Leur impact sur
l'opinion publique, en particulier dans le cas des médias russes,
ne pourra plus être négligé.
Enfin, une exploitation technique des réseaux de communication,
notamment via les réseaux sociaux, deviendra probablement
incontournable. On le voit déjà dans certains drames, comme
l'exploration des cartes satellitaires océaniques pour retrouver
des traces du MH-370 ou encore la recherche de l'aventurier craché
Steve Fossett : mobiliser des dizaines de milliers d'Internautes
permets de démultiplier la puissance de travail. En matière de
communication d'influence, les djihadistes de l'Etat islamique ont
parfaitement compris cette logique. Ils ont ainsi développé une
application, Dawn , qui permet aux sympathisants de mettre leurs
comptes Twitter à disposition pour répercuter automatiquement et à
un rythme aléatoire les messages de la propagande djihadiste.
L'armée américaine poursuit une réflexion similaire et a passé
plusieurs appels d'offres, sur lesquels nous avons peu de détails,
pour cette fois fabriquer des milliers d'avatars chargés de
répercuter des messages d'influences.
La communication française reste largement empreinte d'une
volonté d'action démocratique, humaniste et transparente dans la
mesure du possible (les seules limites fixées restant le secret
des opérations et des moyens de renseignement). De ce fait, elle
doit continuer de chercher les bons outils. Plutôt que des astuces
techniques, c'est à travers une mobilisation de la communauté
qu'elle doit chercher à investir. Le suivi des réseaux sociaux et
la bonne image de l'institution lui offrent un vrai potentiel dans
ce domaine. Un potentiel qu'il faut très certainement chercher à
exploiter avant que la crise ne survienne.
Romain Mielcarek est Journaliste indépendant, spécialiste
des questions de défense et de relations internationales (RFI, DSI,
La Vie, Slate, TTU…)
Doctorant en sociologie à l'Université de Strasbourg :
"L'influence de la communication militaire française sur le récit
médiatique de la guerre en Afghanistan".
Son blog:
www.guerres-influences.com
Télécharger - pdf - 60 pages,
Références :
MERCHET Jean-Dominique. "Mourir pour
l'Afghanistan". Editions Jacob-Duvernet. 2010. 200p.
L'expression désignait à l'origine l'armée
française car entre 1872 et 1945 les militaires n'avaient pas le
droit de voter. Elle est cependant rester pour qualifier un
contrôle très coercitif de l'expression. Son sens a tout de même
largement évolué puisqu'aujourd'hui encore, malgré des progrès
considérables, on n'hésite pas à continuer d'appeler les armées
française par ce terme.
OGER Claire. "Communication et contrôle de la
parole : de la clôture à la mise en scène de l'institution
militaire". In. Quaderni Vol.52. Automne 2003. Pages 77 à 92.
ROYAL Benoît. "La guerre pour l'opinion
publique". Economica. 2012. 112p.
JANKOWSKY Barbara. "War Narratives in a World of
Global Information Age : France and the War in Afghanistan". In.
Paris Papers Vol. 8. Institut de Recherche Stratégique de l'Ecole
Militaire. 2013.
Centre interarmées de concepts, de doctrines et
d'expérimentations. "L'influence en appui aux engagements
opérationnels". CIA-3.10(A). 2012.
Tendance illustrée par les premiers résultats
des travaux menés par l'auteur dans le cadre de la préparation de
sa thèse, "L'influence de la communication militaire française sur
le récit médiatique de la guerre en Afghanistan", entamée en 2012
sous la direction de Philippe Breton au Collège Doctoral Européen
de l'Université de Strasbourg.
ARISTOTE. « La Rhétorique ». Collection Pocket
Agora, numéro 291. Pocket : Paris. 2007.
MIELCAREK Romain. "Israël : guerre et
communication 2.0". Défense et Sécurité Internationale numéro 93.
Juin 2013.
MIELCAREK Romain. "L'armée française se remet
progressivement à l'action psychologique". Défense et Sécurité
Internationale Hors-Série numéro 41 "Pénétrer le cerveau adverse".
Avril 2015.
MIELCAREK Romain. "Russie: militaires,
diplomates et médias unis dans la stratégie d'influence". Défense
et Sécurité Internationale numéro 111. Février 2015.
COGNE Gaël. "Comment des milliers d'Internautes
traquent le Boeing disparu de la Malaysia Airlines".
Francetvinfo.fr. 19 mars 2014.
POUYAT Alice. "Les Internautes à la recherche de
Steve Fossett". L'Express. 11 septembre 2007.
BERGER J.M. "How ISIS games Twitter". The
Atlantic. 16 juin 2014.
Voir les différentes éditions du baromètre de la
confiance politique réalisé par le Cevipof. Février 2015, l'armée
est créditée de 83% de confiance et arrive ainsi deuxième dans
l'opinion française, derrière les PME et devant les hôpitau
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