Management de crise ou crise du management et si
notre regard changeait ?
Par Carole Dautun, Ph.D et Brigitte Lacroix, docteur en
médecine
Par Thierry Libaert
Article paru dans :
Prospective : Horizon 2020
Numéro spécial 15 ans
N°23 du Magazine de la communication de crise et sensible,
Décembre 2015
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Entreprises, agences, administrations d’État, collectivités
territoriales, il n’existe plus aujourd’hui une seule structure
qui n’ait posé une réflexion sur la crise et sa gestion. Parce que
les conséquences d’une absence de gestion ou d’une prise en charge
inadap-tée sont très coûteuses en termes de pouvoir, d’image de
marque et de pertes finan-cières, les organisations publiques ou
privées portent un regard beaucoup plus attentif à l’analyse de
leurs risques et au processus de crise lui-même [1]. Ces sujets
sensibles sont peu à peu investis, bien qu’à des degrés divers,
par les instances dirigeantes qui en confient en général l’étude
et la prise en charge à des équipes spécialisées, mais se
ré-servent le plus souvent le pilotage stratégique lorsque la
crise survient, sans avoir tou-jours une connaissance approfondie
des dispositifs retenus ou mis en place du fait de leurs autres
fonctions.
Ce paradoxe managérial n’est pas sans poser des questions de
fond sur la mise en cohérence de la démarche de préparation et de
planification avec la gestion de la situation de crise proprement
dite. Au cours des trente dernières années, les modèles
développés, en France en particulier, ont considérablement évolué
en termes de planification comme de prise de décision mais ils
montrent aujourd’hui clairement leurs limites : obsolescence
rapide de plans trop minutieux et trop contraignants, pilotage mal
conçu, lent et parfois incertain, prise de pouvoir « sauvage » des
médias voire des citoyens, autant d’éléments nouveaux qui
devraient nous amener à modifier notre regard sur le management de
crise, à dépasser les stéréotypes rodés par l’habitude pour
s’ouvrir à des modes de fonctionnement souples, collaboratifs et
responsabilisant. Une vraie révolution dans notre pays, en général
peu enclin à abandonner le modèle dominant d’un pouvoir
hiérarchisé dont les instances et personnels dirigeants sont
convaincus par des années de pratique du bien-fondé, voire même
parfois de la primauté que cette pratique peut représenter sur
d’autres formes d’organisation. L’opportunité de développer des
points forts d’une gestion de crise efficace, tels que la
créativité, la solidarité et la coo-pération au sein des équipes,
s’offrirait pourtant à nos instances dirigeantes.
Une approche managériale française traditionnelle
Le centralisme décisionnaire est une caractéristique de la
société française à tous les niveaux, aussi bien dans le secteur
public que dans les entreprises, entre lesquels les décideurs font
d’ailleurs de fréquents allers-retours. Caractérisé par une prise
de déci-sion individuelle, solitaire, parfois autocratique,
hautement valorisée et très hiérarchisée, ce management inscrit
dans une « culture de l’élitisme », offre peu de place à la
recherche du consensus et à une approche collective et partagée de
la décision, issue d’un travail d’équipe ouvert et décentré. Ce
modèle très anciennement implanté, re-pose sur la personnalité et
les compétences de ses décideurs et a montré son efficacité dans
des périodes de plein-emploi et de ressources humaines et
matérielles abondantes. La gestion de tels décideurs est cependant
soumise aisément aux critiques et les fragilisent. Même si
l’analyse fait apparaitre des défaillances techniques ou
matérielles observables, le jugement portera toujours directement
ou indirectement sur l’homme, car il est vrai que les défauts
observés reviennent souvent sur des erreurs de jugement ou
d’évaluation, des comportements inadaptés et bien sûr une
communication absente, in-suffisante ou mal orientée. Placé au
somment de la pyramide, le décideur reste souvent bien seul et
démuni devant la difficulté
Ce management traditionnel repose également sur l’existence de
structures de « pilotage » très standardisées telles que les COMEX
ou CODIR : groupes restreints de cadres supérieurs choisis qui
détiennent les compétences et le pouvoir et sont censés exprimer
les besoins et déterminer les capacités de toute(s) la(les)
structure(s) dans leur champ d’action. Ces structures collégiales
occupent dans le management de la structure des positions très
variables qui dépendent fortement de leurs capacités à investir
l’espace de pouvoir qui leur est offert et de l’usage que souhaite
le décideur en fonction des situations, de sa propre sensibilité
et/ou de la culture de la structure. Elles constituent alors, soit
des forces d’expertise et d’appui soit de simples chambres
d’enregistrement.
Enfin le troisième pilier du management repose sur la culture
et le mode d’organisation des activités de la structure, qui
restent aujourd’hui largement conçus sur une cascade de niveaux
hiérarchiques, une faible concertation avec les personnels, un
partage millimétrique des champs de compétences et des tâches qui
en découlent et sur l’imposition par le manageur à son « service »
des décisions retenues, grâce à son pouvoir de persuasion ou au
poids de son autorité. La démarche de projet est une composante de
cette organisation du travail prévue et inscrite dans les
principes de gestion. Pourtant, même lorsqu’elle est présentée
sous cette forme, l’organisation repose en très grande part sur
l’investissement et la prépondérance du « chef » du projet par
rapport à une commande de l’échelon supérieur plus que sur la
co-construction collective d’une décision qui engagerait l’équipe
toute entière. Cette organisation place chacun dans une position
précise et cadrée avec peu de réel dialogue au sein de la
communauté de travail. Surtout, en fonction des personnalités,
elle génère une forme de démotivation et de déresponsabilisation
ou au contraire exacerbe l’esprit de compétition, réactions qui
freinent dans tous les cas la création d’un esprit d’équipe et à
un niveau plus large d’un esprit « d’entreprise » ou de service
public.
Management de crise
Il serait illusoire de penser que, lorsqu’ils réfléchissent ou
agissent au cours du proces-sus de crise quelle qu’en soit la
phase (prévention, préparation, gestion et RETEX), le politique ou
le décideur puissent adopter des attitudes managériales
différentes de celles qu’ils pratiquent au quotidien et qui leur
ont été inculquées dès leur formation (Écoles de commerce ou
institut de management, École Nationale d’Administration ou École
Polytechnique) et/ou au cours de leur carrière par l’exemple de
leurs pairs. Pré-fet, directeur de structure ou chef d’entreprise
sont les piliers « gestionnaires » reconnus et officiels de la
crise chacun dans son domaine et concentrent l’intégralité des
pouvoirs et des responsabilités. Ils s’appuient pour exercer ce
pouvoir sur deux outils « clefs » de la gestion de crise : un/des
plan(s) et une équipe de crise.
Dans le domaine de la crise, les maîtres-mots affichés sont
concertation préalable, écoute et dialogue ouvert et permanent
avec tous les acteurs, services et opérateurs concernés et surtout
recherche d’une large adhésion des participants à la démarche
et/ou aux productions. Mais dans la réalité de la crise, les
choses peuvent être assez différentes.
Ce travail partenarial est à la base de la démarche de
planification, dont les mérites ne sont plus à vanter, et sur
laquelle l’accord unanime est qu’elle importe plus que le produit
fini : « Les plans ne sont rien, la planification est tout »,
disait le Général Eisen-hower. Les plans constituent des outils
opérationnels, modélisation de systèmes techniques et relationnels
complexes, ils en permettent une meilleure compréhension et
déclinent les procédures retenues.
Cependant, lorsque leurs ambitions deviennent plus « opératives
» et surtout stratégiques, ils ne sont plus ou rarement utilisés
et deviennent parfois un frein au développement de réflexions ou
de propositions « atypiques » et une contrainte à l’adaptation des
actions. De plus, leur élaboration est encore souvent décidée par
des niveaux supérieurs et imposée aux structures « par le haut »,
avec de fortes contraintes de réalisation, alors même qu’ils sont
chronophages pour les rédacteurs et demandent une per-manente
relecture coûteuse en moyens humains.
L’élaboration de doctrines très cadrées ou de normes, présente
un véritable intérêt pour poser un corpus commun de concepts et
règles de conduite, ou de fonctionnement applicables que chacun
comprend et décline. Le plan ORSEC, dispositif générique et
intersectoriel, constitue ainsi un bon exemple de la déclinaison
très performante dans un cadre législatif, normé et reconnu, de
dispositions tactiques et opérationnelles d’organisation de
moyens. De même, les normes ISO se préoccupent de ces sujets avec
la norme ISO TC 22322 dite « Sécurité sociétale, gestion des
urgences et mises en garde de la population ». Au-delà du côté
indispensable de ce cadre normatif pour structurer les évolutions
et se comprendre, il demeure un outil pour construire les
ré-flexions et ne doit pas être « enfermant ».
Pilier essentiel pour analyser et maitriser le processus de
crise, la démarche de planification devrait résulter de
l’implantation préalable d’une culture de crise solide, qui
mobilise dans la structure tous les échelons à des degrés divers
et sur des temps variables, et produise une co-construction
efficace des savoirs et des compétences. Mais la plupart des plans
sont imaginés loin du terrain et rédigés en relative déconnexion
avec cette idée. Les décideurs, et ce au plus haut niveau,
attendent le produit fini, le document de 50 ou 100 pages dont la
rédaction est assurée par le « responsable désigné » (étiqueté
sûreté, sécurité, PCA, gestion de crise…), document concret et
rassurant qui détaillera précisément les tâches de chacun et
constituera la preuve irréfutable de l’engagement de la structure
dans la voie de la crise. La démarche de planification structure
ainsi l’étape de préparation et le(s) plan(s) sont censés
construire ou améliorer les capacités de résilience.
A cette étape de préparation succède ou se superpose la
survenue d’un épisode crisogène et sa prise en charge, qui
nécessite d’assurer la continuité de fonctionnement par des
mécanismes de réponse adaptés et aux besoins originaux. La
validation et la responsabilité des choix stratégiques reposent
plus que jamais sur une unique personne, le décideur, en
application des règles de management habituelles : préfet pour
l’Etat, directeur ou président pour une entreprise. Il va alors
choisir (ou non) de s’appuyer sur une équipe de crise restreinte
matérialisée dans la cellule de crise, qui constituera une aide à
la décision. Nous avons pu constater au cours de nombreux
exercices réalisés sur notre plateau de formation, ou en tant
qu’observateurs de multiples cellules de crise ré-elles, que le
fonctionnement de telles cellules diverge considérablement en
fonction de leur composition et en particulier de la personnalité
et des compétences du pilote (qui peut au final ne pas être
lui-même le décideur) [2]. Là encore, ce sont les facteurs «
humains » qui jouent un rôle déterminant, largement autant que les
compétences techniques ou professionnelles. La décision reste
encore très souvent prise par le responsable en fonction de sa
propre analyse [3] ou de son vécu et ne procède que rarement d’une
construction collective, tant parce que le décideur n’en a pas la
méthode ou l’habitude que parce que les membres de la cellule de
crise en ignorent les possibilités et les limites. En matière
d’analyse d’une situation de crise comme d’anticipation, le
management collectif en est encore à ses débuts !! [4] [5]
Crise du management ? vers une autre approche
Faudrait-il conclure de ces réflexions que les outils actuels
d’analyse et de gestion du processus de crise sont dépassés voire
inutiles ? Ce serait sans doute dommage car ces outils résultent
d’une longue et patiente démarche sur les vingt dernières années
qui a amené progressivement, au-delà des professionnels de la
crise, la société toute entière à investir ce champ. Ainsi, les
revendications de la population en général ou des employés dans
une entreprise sont grandissantes de participer plus activement
aux décisions et aux projets qui les concernent.
Les plans ORSEC ou VIGIPIRATE, le plan « Pandémie grippale »,
ont un sens pour nos concitoyens, le Plan de Continuité d’Activité
(PCA) devient plus familier pour les employés d’une entreprise ou
d’une collectivité et participent ainsi à la culture de crise.
Mais les usagers n’en connaissent pas les grandes orientations, à
peine les objectifs et pas du tout les contenus. Même chez les
acteurs amenés à les décliner, seuls quelques initiés sont
susceptibles de décoder l’ensemble des documents et de proposer
des actions en cohérence avec les dispositifs retenus dans les
plans.
La transformation du monde du travail jointe à l’engagement
irréversible vers l’ère du numérique et des réseaux d’information
conduisent aujourd’hui à envisager un renouveau managérial
accordant une place centrale aux « femmes et aux hommes » et basé
sur les valeurs de confiance, de solidarité, de partage et
d’engagement, valorisées en tant qu’outils mêmes d’une performance
réelle et durable pour la structure. Une ap-proche différente
consisterait à replacer là encore « l’humain » : professionnels de
ter-rain, citoyens, usagers, employés au cœur des réflexions et
d’en faire des acteurs à part entière des propositions comme des
actions. Un changement de focale pour développer des modèles de
pensée plus ouverts et moins « monocanal », qui génèrent des
alternatives décisionnelles multiples et évolutives. La rédaction
par exemple de trames d’exercice fait toujours apparaitre les
mêmes schémas de scénario : le plus probable, le plus complexe ou
le plus grave et, au final, seuls un ou deux seront explorés et
portés au décideur, les réflexions sur d’autres alternatives étant
occultées. Une attitude plus compréhensive et plus participative
de chacun dans sa position pourrait aussi modifier le comportement
des médias. Aujourd’hui certaines décisions sont prises au regard
des seules réactions médiatiques possibles ou probables et non en
fonction des réalités de la crise. Une démarche collective plus
responsable et engagée rendrait les acteurs, la population comme
les décideurs un peu moins sensibles aux sirènes médiatiques.
Un modèle intéressant à explorer nous est offert par les «
startup », ces jeunes entreprises qui bousculent les codes
habituels du travail en favorisant la motivation de leurs
employés. De nombreuses caractéristiques de ces structures
devraient se retrouver aussi dans les équipes de crise : petite
taille, personnel dynamique et créatif, innovation et absence de
routines installées, forte coopération, hiérarchie par compétences
et non par pouvoir…. Mais aussi des caractéristiques
d’organisation spatiale type open space ou avec une délocalisation
des personnes qui détermine un espace physique et virtuel de
partage et de collaboration et d’organisation fonctionnelle qui
amène les équipes à réfléchir en permanence en mode projet, à
constituer des plates formes d’informations partagées
collaboratives et constructives et à développer une approche
collective des contraintes, difficultés et impondérables mais
aussi aux moments cruciaux de solutions et d’innovations. Les
décisions sont ici, dès le départ, conçues pour être partagées,
pour que chacun à son niveau l’élabore, la comprenne et la décline
mais aussi en soit pleinement responsable et l’assume
collectivement.
L’idée que seule une équipe spécialisée, surformée,
surentrainée et donc « performante » garantira la meilleure
approche, une planification rigoureuse et surtout un ap-pui
optimal à la gestion, est très répandue en écho au concept de «
task force » posé par P. Lagadec dès 1995. Précurseur en son
temps, ce concept doit s’adapter à des organisations plus
mouvantes, en restructuration permanente et touchées par des
restrictions en moyens humains, matériels et financiers, mais
aussi aux évolutions managériales évoquées précédemment. À cette
idée pourrait se substituer celle de la diffusion d’une culture de
crise large avec une véritable sensibilisation d’un nombre très
important de personnes (au-delà, mais dans la logique de
l’apprentissage aux gestes de premier se-cours ou aux consignes de
sécurité en cas d’incendie) et une formation à la crise pour une
proportion importante de personnes volontaires ou assurant des
fonctions de management intermédiaire. La définition dans la
structure de personnes susceptibles de développer cette culture et
formées de manière plus poussée au management de crise assurerait
de disposer aux moments cruciaux d’un pool de personnes
susceptibles de comprendre la situation et d’adhérer aux consignes
ou actions mises en place.
Les équipes de crise pourraient alors faire place à des «
espaces de crise » à géométrie variable selon les phases du
processus de crise où se partagent de manière construite,
intégrative et évolutive les informations utiles. Groupe projet
revisité pour la préparation, cellule de crise ouverte pour la
gestion d’une situation de crise, la participation pourrait
s’ouvrir à des contributeurs diversifiés avec des acteurs de
proximité apportant des informations immédiates et fiables et des
acteurs plus éloignés physiquement ou émotionnellement apportant
des capacités réflexives et analytiques. Le pilotage de tels
espaces devrait permettre de privilégier un management de
compétences qui structure une vraie hiérarchie collective souple,
ouverte et imaginative, ce qui est rarement le souhait des
manageurs actuels de crise !!
Une telle évolution doit s’envisager sur la base des réalités
existantes de manière progressive et en permettant aux systèmes
d’évoluer à partir de leurs fonctionnements actuels. Misons sur
l’intelligence collective et les capacités de nos structures tant
humaines que techniques à évoluer, pour peu qu’on leur en donne
l’impulsion et l’envie. Cette évolution nécessiterait bien sûr des
changements et des adaptations et conduit à formuler des remarques
dans trois domaines : les ressources humaines, les contraintes
techniques et les aspects juridiques et éthiques.
En termes de ressources humaines, il serait utopique
d’envisager que sous cette forme renouvelée, l’équipe (re)deviendrait
la solution miracle en matière de gestion de crise. Il n’en est
rien bien sûr et les écueils et difficultés de la « dynamique de
groupe » ne disparaitront pas. Le travail collectif et
collaboratif reste soumis à des facteurs humains puissants mais on
peut espérer que ce modèle de management renforcerait les facteurs
positifs comme le sentiment d’appartenance, d’utilité, de défense
de valeurs, de solidarité, de créativité alors que les facteurs
négatifs comme le stress, la compétition et la prééminence des
leaderships seraient amoindris.
Les difficultés techniques portent essentiellement sur la
fiabilité et la sécurité des données partagées. Support du travail
collectif, leur indisponibilité, les difficultés d’accès ou leur «
piratage » seraient très lourds de conséquences. Le problème est
celui plus général des supports, réseaux et données informatiques
qui nous sont aujourd’hui indispensables dans de nombreux domaines
et dont on peut craindre en crise qu’ils ne soient perturbés. Il
semble raisonnable donc de conserver dans cet « espace de crise »
le double aspect d’un espace physique et virtuel de partage et de
collaboration.
Le troisième point concerne les responsabilités juridiques et
éthiques. Dans nos sociétés où la judiciarisation prend une place
de plus en plus grande et où les valeurs peuvent être contestées,
la responsabilité partagée n’est pas la bienvenue, ni pour les «
victimes » ni pour les autorités qui préfèrent un « coupable »
identifié, bouc émissaire visible et fusible sacrifiable. Toutes
les règles de droit tant en matière pénale, que civile ou
administrative privilégient actuellement la recherche d’une
responsabilité individuelle. Ce poids de responsabilités
actuellement détenu par le gestionnaire unique de la crise
(préfet, directeur d’établissement ou d’entreprise) s’accompagne
également de la détention d’un pouvoir exclusif inhérent à la
charge, qui la valorise et que son détenteur ne souhaite pas
forcément partager. Cependant, cette responsabilité est lourde de
conséquences en particulier juridiques et le décideur pourrait
être favorable à mieux la partager. Une attribution des
responsabilités mieux répartie et plus collégiale, qui toucherait
de nouveaux acteurs, peut d’un autre côté effrayer certains qui
ont l’habitude de s’en décharger sur le décideur. Un
accompagnement juridique doit être sur ce point réfléchi par une
redéfinition de la responsabilité.
Enfin, qui dit nouvelles responsabilités dit également
reconnaissance professionnelle, qui peut certes s’exprimer en
termes de carrière et de salaires, mais qui, surtout dans le
contexte économique actuel, pourrait adopter la forme d’une
valorisation en favorisant le développement professionnel par la
reconnaissance des missions et l’accompagnement par des
formations.
Le contexte des crises, la meilleure connaissance des processus
qui les sous-tendent et le regard nouveau porté sur elles par nos
sociétés se conjuguent à des transformations profondes des modes
de fonctionnement de nos institutions politiques administratives
et de nos entreprises [6]. En matière de crise, des exigences
citoyennes se font jour en France mais aussi dans de nombreux pays
peu enclins à s’intéresser à ce type de préoc-cupations, pour
réclamer une information, une participation aux décisions et une
im-plication dans les actions. Le temps est peut-être venu de
revoir à la lecture de ces en-jeux nos idées sur le management de
crise et, sans rayer d’un trait de plume les prin-cipes et
dispositifs actuels, de proposer l’adoption d’une démarche plus
participative qui mette l’intelligence collective à la première
place.
Carole Dautun est docteur en Docteur en gestion de crise de
l'Ecole des Mines d'Alès, Chef de département , Brigitte Lacroix
est Médecin général de santé publique, Chargée de mission Santé et
sécurité sanitaire, Département « Risques et crises » Institut
National des Hautes Études de la Sécurité et de la Justice
Cet article résulte du travail collaboratif de l’ensemble
des membres du département « Risques et crises » de l’INHESJ.
Références :
[1] Rapport OCDE : Les futurs chocs mondiaux
Éditions OCDE 2011
[2] DAUTUN C., LACROIX B., Du bon usage des
cellules de crise, Lettre d’information sur les risques et crises,
INHESJ, n°37, décembre 2012, p.10-17.
[3] MOREL Christian, Les décisions absurdes,
Gallimard 2003
[4] DAUTUN C., LACROIX B, Placer l’humain au
cœur des crises, Lettre d’information sur les risques et crises
INHESJ, n°38, mars 2013.p10-19.
[5] DAUTUN C, LACROIX B, Crise et décision :
plongée au cœur des cellules de crise, Cahiers de la Sécurité N°24
juin 2013
[6] PORTAL Thierry, ROUX-DUFORT Christian.
Prévenir les crises Armand Collin, 2013
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ISSN 2266-6575
© Décembre 2015 Tous droits réservés
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