Le rôle du facteur humain en gestion des crises
Par Julie Boumrar, Ph.D et Marjorie Bordes, doctorante
Article paru dans :
Prospective : Horizon 2020
Numéro spécial 15 ans
N°23 du Magazine de la communication de crise et sensible,
Décembre 2015
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« La place de l’homme dans les systèmes complexes reste
essentielle : il doit réaliser des manœuvres programmées et
complexes, mais aussi superviser l'ensemble du système. Dans bien
des cas, son travail dépasse le simple respect des procédures car
leur seule application ne suffit pas pour obtenir la production ;
d'ailleurs si c'était le cas, l’homme serait remplacé par des
automatismes. Bien souvent, il doit vérifier la pertinence de la
procédure au regard du contexte réel de la tâche et dans
l'éventualité d'un écart, il doit changer de procédure, compléter
les prescriptions, voire inventer de nouvelles solutions
d’organisation pour parvenir au résultat, malgré les
perturbations, tout en respectant les impératifs de sûreté ». (Leplat
1990)
« Situation nocive et perturbatrice de grande ampleur,
soudaine, consommatrice de ressources et qui s’inscrit
généralement en dehors des cadres opératoires et des schémas de
références typiques des gestionnaires « (Reilly, 1993), la crise
est un système complexe qui laisse – de fait – une place
importante aux hommes qui la gèrent.
D’ailleurs, si elle se caractérise surtout au travers d’incidents
qui sortent du cadre habituel, elle oblige les acteurs qui
contribuent à sa gestion, à prendre en urgence des déci-sions
stratégiques et à s’organiser. « Les enjeux apparaissent dès lors
comme exorbi-tants, multiples, et pour la plupart ne se révèlent
qu’au fil des temps » Combalbert (2005).
Partant de ce postulat, la notion de crise peut ainsi être
envisagée comme un processus global, au cours duquel les causes et
les conséquences s’entremêlent pour générer une situation instable
et particulièrement difficile à piloter. Compte tenu de ces
éléments, les difficultés rencontrées perturbent les décideurs qui
n’ont plus de cadre de référence sur lequel s’appuyer : la crise
est un déferlement qui engendre un désengagement des structures et
se transforme ainsi en dérèglement. Pour finir, elle prend son
autonomie quand les difficultés deviennent des blocages absolus (Lagadec,
2005).
Ces définitions soulignent le rôle central des facteurs humains
(1.) dans la gestion de crise, notamment du fait de l’incertitude
des réactions humaines (1.1.). L’interprétation que les individus
se font de la crise et la représentation de celle-ci ont donc des
conséquences sur la crise et sa gestion (1.2.).
Dès l’apparition de signaux faibles relatifs à l’avènement
d’une situation dégradée ou d’une crise, un ou plusieurs éléments
vont servir de support et de guide au début de la croissance de la
structure d’organisation de la réponse. Ces éléments laisseront
ensuite place à un processus d’agrégation qui s’inspirera des
orientations de départ pour aller au-delà. Dans le même temps, des
contraintes vont s’exercer sur les acteurs en charge de la gestion
de la crise qui vont les conduire à participer à cette structure,
à la faire évoluer et s’adapter au contexte auquel elle doit faire
face.
Ces facteurs structurant l’organisation de la réponse sont
susceptibles d’être la pression des événements, le développement
de l’alerte et son relais via les réseaux sociaux, la motivation
des acteurs ou encore la volonté de limiter les conséquences. Dans
ce cadre, nous pouvons nous rendre compte aisément que si les
plans d’actions sont incontournables, il n’en demeure pas moins
que le facteur humain – si volatile puisse-t-il être – tient une
place prépondérante.
Lorsqu’un système est confronté à une crise, un ensemble
d’acteurs va prendre en charge la gestion de cette crise soit
parce que c’est sa responsabilité (responsable d’une PME, Maire,
Préfet…), soit parce qu’il se sent investi de ce rôle. En tout
état de cause, chaque incident met donc en avant un organigramme
de l’organisation de la réponse avec les sous-ensembles d’acteurs
impliqués, leurs interrelations. Par conséquent, comme le souligne
Bourrier (2000), le niveau de fiabilité d’un système organisé est
dépendant de la capacité de ses acteurs à développer les trésors
d’ingéniosité nécessaires à la réalisation d’ajustements informels
de manière à corriger et amender, sans cesse, un ensemble de
règles et de dispositifs structurellement incomplets. Cet ensemble
de règles et de dispositifs permettant de diminuer les effets du
facteur humain (2.) est notamment constitué par un socle de
connaissances et de compétences acquises par le biais de
formations (2.1.) et également d’exercices et de retours
d’expériences (2.2.).
1. La place incontournable du facteur humain en gestion des
crises.
Lagadec (2005) définit la crise comme « une situation où de
multiples organisations, aux prises avec des problèmes critiques,
soumises à de fortes pressions externes, d’âpres tensions
internes, se trouvent brutalement et pour une longue durée sur le
de-vant de la scène… ». En effet, ce qui est souligné ici c’est
surtout toute la dimension qui est accordée au décideur qui doit
apprendre à agir dans un environnement de chaos, d’incertitude,
d’évolutions incessantes, de hasard, de désordre et de frictions.
En dépit d’une anticipation correcte, l’incapacité à prévoir la
multiplicité des situations envisageables laisse une part
importante au hasard. Le décideur « victorieux » sera celui qui
limitera au mieux son emprise et sera capable de construire son
efficacité malgré lui.
1.1. Définition
« Le « facteur humain » est l’expression par laquelle les
spécialistes de la sécurité des personnes et de la sûreté des
installations désignent le comportement des hommes au travail. Il
est fréquemment invoqué dans l’analyse des catastrophes
industrielles, des accidents du travail, et dans les procès ou les
commissions d’enquête. On lui associe l’idée de faute.
Paradoxalement, cette conception négative de l’intervention
humaine repose sur une confiance sans faille dans la technique, et
sur une méconnaissance des sciences humaines. » (Dejours, 2014).
En effet, le facteur humain a une place incontournable en cas de
crise, notamment car l’homme est au cœur de celle-ci et du
processus conduisant à sa gestion. Face au facteur humain, les
outils en place ne suffisent plus pour limiter les effets de la
crise.
Lors de la gestion de crise, le décideur se trouve dans
l’obligation d’agir dans un futur peu maîtrisé : à ce stade, aucun
système de déterminisme rigide ne permet d’assurer sa réflexion.
D’ailleurs, si « la sagesse recommande de n’avoir d’autre
certitude que celle de l’incertitude » (Desportes , 2007), rien
n’interdit d’en rechercher les causes parmi lesquelles en premier
lieu le facteur humain. Comme l’écrit de Vendryès (…) « le fait
élémentaire de l’histoire est l’autonomie philosophique et mentale
de l’homme. ». Cette autonomie peut engendre des crises et empirer
certaines autres mais elle peut également en diminuer les effets.
En effet, la dimension morale du facteur humain influe
directement sur l’adhésion des individus au projet politique ou
opérationnel. Celle-ci se situe de fait au cœur du succès ou de
l’échec de la gestion des crises avec son aspect difficilement
quantifiable, son caractère fortement aléatoire, son
imprévisibilité.
L’homme joue donc doublement un rôle dans la gestion de crise
en tant qu’individu et au sein d’un groupe.
- La place de l’individu
Les hommes agissent comme des systèmes indépendants, notamment
car la nature hu-maine est singulière, complexe et changeante.
Elle n’est pas réductible à un modèle mathématique car si l’homme
est influencé par le milieu extérieur, celui-ci ne le détermine
pas.
Plongé au cœur de la gestion des crises qui est « violence »
par essence, l’homme – avec ses forces et ses faiblesses, ses
imperfections et déficiences, ses peurs et ses hésitations, ses
passions et ses démons – s’affirme comme la première source
d’imprévisibilité. Il existe des outils d’aide à la décision mais
– quelques soient leurs performances – l’homme lui-même demeure
l’acteur final de la décision, le caractère subjectif de chacune
d’entre elle s’avère ainsi irréductible. « La pluralité des choix
et l’imperfection des facteurs discriminant rend l’action humaine
aléatoire » (Desportes, 2007).
- La place du groupe
Chaque homme est source d’incertitude puisqu’il demeure
fondamentalement libre, mais en situation de crise, les hommes
sont rarement seuls ; au contraire, « portant déjà en eux-mêmes
mille sources de divergences, c’est toujours en équipe, groupe,
équi-page, compagnie ou régiment qu’ils sont plongés dans l’action
» (Desportes, 2007).
D’ailleurs, la constitution de ces entités qui – loin d’être
construite de la simple juxtaposition de volontés individuelles,
acquièrent leur propre personnalité, va impacter le processus de
gestion de crise.
In fine, la composition de chacune de ces entités, de la
personnalité de leurs chefs dépendront leurs réactions face à
l’évolution de la gestion de la crise.
1.2. Impacts sur la gestion de crise
- La place de l’interprétation.
Pour certains auteurs tels que Weick (1988) et Laufer (1993),
la crise ne peut être envi-sagée sans que l’on se pose la question
de sa représentation en tant que construction sociale et
matérielle, sujette à de multiples interprétations.
En effet, la perception et l’interprétation que se font les
acteurs de la crise à laquelle ils doivent faire face, impactent
sa gestion au travers d’effets de leviers engendrés par la
psychologie de contrôle, les effets de l’action sur le niveau de
tension…C’est le principe du cercle vertueux présenté ci-dessous.
Quand la perception de contrôle de la situation augmente chez les
acteurs chargés de la crise, le niveau de stress diminue. Cette
diminution engendre une prise de recul des acteurs leur permettant
d’avoir une vision plus large de la situation complexe et ainsi de
mettre en place des actions positives du fait de la créativité
engendrée. Ainsi, l’intensité de la crise diminue ou la perception
diminue entraînant une augmentation de la perception de contrôle.
In fine, grâce aux représentations mentales que les individus
se seront fabriqués au travers de ces processus de perception et
d’interprétation, les groupes comme les individus, vont chercher à
se constituer des procédures pour appréhender leur environnement.
- Le processus « d’enactment ».
La notion d’« enactment » correspond à la manière dont les
individus, par leurs repré-sentations mentales vont agir sur leur
environnement. En effet, l’interprétation de la crise créée une
situation d’expertise entraînant des actions de la part des
acteurs, chaque action produisant des conséquences spécifiques sur
la gestion de la crise.
La notion de « sensemaking » correspond au sens que les
individus donnent à ce qu’ils font. Dans ce cadre, l’un des rôles
de l’organisation est d’aider à donner du sens aux activités des
individus. En ce sens, Weick (1988) s’intéresse à la manière
qu’ont les êtres humains, à travers ce qu’ils font dans
l’organisation, de donner du sens à leurs ac-tions. En effet, les
acteurs agiront de manière plus logique s’ils savent comment agir
et un processus formalisé de gestion de crise pourrait avoir des
effets positifs sur la crise.
En situation de crise, les individus doivent agir rapidement et
efficacement. S’il paraît difficile d’être logique en période de
crise, un minimum de formalisation et de formation préalable est
nécessaire comme nous le verrons par la suite car ils sont
susceptibles d’aider les acteurs à matérialiser leurs pensées.
Dans le même temps, les individus vont traduire leurs pensées
en action qui auront des conséquences sur l’événement et
participeront donc à la détermination de la situation. C’est ce
que traduit Magakian (2006), au travers de la notion de créativité
qui est un processus de co-évolution des actions collectives
entrelacées avec les interprétations des individus. La créativité
est le produit de ces interventions entre le niveau individuel et
la situation collective.
Cette notion est d’autant plus essentielle qu’un sens est
attribué aux actions et influence ainsi l’interprétation des
signaux émergents portés par les événements ou des personnages
clés. Smircich et Stubbart constatent qu’à partir de ces
interprétations, nous révisons notre vision de l’environnement et
de l’organisation et pour Weick (Ibid), en partant de ces
expériences passées, nous attribuons un lien plus ou moins strict
avec la situation actuelle de ses limites sociales. Selon Gray et
al.(Ibid), le processus de création ou de destruction des
significations est constamment en action sous la forme d’une
sélection de l’acte créatif entre les différents niveaux sociaux.
En définitive, le processus de gestion de la crise résulte donc
d’un jugement porté à partir du cadre interprétatif d’un domaine
d’activité et d’une confrontation entre les différents groupes
d’interprétations.
- La place de l’aléa/l’incertitude :
Souvent des événements mineurs, des actions individuelles
ponctuelles, exercent une influence imprévisible. C’est l’effet
papillon de la théorie du chaos = il complique la tâche du
décideur, qui même parfaitement résigné ne peut prévoir les effets
des aléas.
Par exemple, la protection des lieux de culte à la suite des
attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper casher avec la mise en
avant de lieux de cultes inconnus jusqu’à présent.
Problématique de la prise de décision dont on ne connaît pas
les effets = calcul du coût politique.
- Les attitudes spécifiques :
Au-delà des différentes définitions que la crise est
susceptible de prendre, il est essen-tiel d’aborder le contexte du
déroulement de la crise (Lagadec, 2005). En effet, les crises sont
porteuses d’actions (Thornburg, 1988 ; Lagadec, 1988) comme cela a
été le cas lors de l’accident nucléaire de Three Mile Island, qui
a motivé de nombreuses études sur les risques liés au nucléaire ou
encore pour l’affaire des fûts de Seveso qui a entraîné la mise en
place de la directive du même nom.
En outre, en laissant des vides organisationnels dus aux
routines qui ne peuvent plus avoir cours, la crise crée des
conditions nouvelles et ouvre le champ à des potentialités de
création et d’innovation plus grande. Elle modifie l’organisation
et les schémas de pensée des acteurs et permet à l’organisation
d’abandonner les connaissances devenues obsolètes et d’apprendre à
créer de nouvelles connaissances. D’après E. Morin , le
bouleversement engendré par la crise entraîne une mobilisation des
éléments de re-composition et de transformation du système en
faillite. Cette mobilisation implique la création ou la
valorisation de connaissances.
« Dans la crise, les différents secteurs avec, à la fois les
acteurs qui les animent traditionnellement, et les normes qui les
régissent de façon routinière, entrent en collusion et
s’interpénètrent » (Cité par les agrégatifs de l’ENS Cachan,
Sociologie Politique, Dobry, 1992). Pour cet auteur, la
désectorisation de l’espace social venant à l’appui de ce constat
présente deux composantes : la réduction de l’autonomie qui peut
correspondre à une source de divergence des acteurs en présence -
s’ils perçoivent que leur autonomie est réduite au profit des
autres acteurs, ils ne s’impliqueront pas dans le système
interrelié ; le désenclavement des espaces de confrontation : «
l’idée est alors que les enjeux de la crise sont eux-mêmes
difficiles à définir et à maîtriser, et qu’il y a une compétition
pour cette définition même ». Le concept de crise étant vague, il
est possible que les acteurs en présence entrent dans une
compétition pour cette définition, mais également s’agissant de
l’identification et de l’évaluation des impacts de la crise.
Ainsi chaque acteur participant à la gestion de la crise a son
propre caractère et chaque groupe est constitué de personnalités
très différentes. Ces différences génèrent au sein du groupe des
interactions qui peuvent avoir des effets variables (positifs ou
négatifs) sur la production ou les décisions attendues :
- 1+1 = 2 : pas de plus-value apportée par le collectif. Les
forces individuelles s’additionnent ;
- 1+1 = 3 : la force du groupe dans sa capacité à construire et
à proposer des solutions innovantes. Forte capacité de résilience
;
- 1+1 = 0 : le groupe produit moins collectivement qu’en
additionnant la production de chaque individu qui le compose. Les
individus ont donc une capacité limitée à traiter l’information et
poursuivent des objectifs conflictuels. Forte défiance ? Rivalité
exacerbée ? Peur de s’engager ?
Afin d’optimiser la relation entre l’ensemble des acteurs, le
décideur doit tenir compte des caractères individuels, des
tensions/rivalités existantes au sein du groupe et doit adapter sa
posture en fonction des acteurs et de la situation. Son attitude
doit générer une « proactivité » du groupe qui contribuera à
développer la capacité de résilience de l’organisation. Toute la
subtilité repose sur la recherche permanente d’équilibres entre
les acteurs, leurs missions, leurs responsabilités et l’attention
qui leur sera accordée.
2. Éléments permettant de diminuer les effets du facteur humain
: la question de la professionnalisation des acteurs de la gestion
des crises.
La professionnalisation des acteurs de la gestion des crises
est un processus destiné à améliorer le niveau de réponse des
acteurs face aux crises par la mise au point de méthodologies, de
dispositifs et de procédures partagées entre acteurs ayant à
travailler ensemble pour leurs résolutions.
Pour limiter les biais décisionnels liés aux facteurs humains
dans la conduite de la ges-tion d’une crise, il est essentiel que
la gestion de crise intègre notamment dans son cercle vertueux :
• une formation adaptée des personnes qui doivent avoir les
compétences, l’expérience et une bonne connaissance des différents
dispositifs existants pour y répondre (comme les plans
gouvernementaux dans le cadre d’une réponse étatique par exemple)
;
• des entraînements et des exercices pour que des acteurs très
différents apprennent à travailler ensemble en amont d’une crise
potentielle.
2.1. L’importance des formations.
Les formations ont pour objet la qualification des personnes
susceptibles de travailler à la résolution de la crise et ce, quel
que soit les responsabilités qui leur reviennent le jour J. Cette
qualification est le résultat d’un processus de transformation des
expériences acquises en compétences permettant aux individus de
transformer leurs comportements. D’ailleurs la crise elle-même
peut provoquer un effacement brutal des frontières et des repères,
qui laisse un vide permettant la création de connaissances. Les
décisions prises lors des crises ne sont pas programmables ou
assimilables à des routines existantes. Nos actions seront
nouvelles dans leur contenu et/ou dans leur processus, elles
pourront donc être assimilées à des apprentissages
organisationnels.
En préalable à l’élaboration de référentiels de formations, il
semble donc impératif de réaliser un référentiel de compétences
nécessaires qui pourraient être recueillies à partir des
situations professionnelles vécues ou possibles. A partir des
situations envisagées, il est possible d’en déduire les capacités
qui lui sont associées.
Au-delà, les formations à la gestion des crises doivent
s’inscrire dans une logique plus générale de continuité et de
cohérence :
- la continuité s’entend par une approche globale des
différentes étapes de formation : la formation initiale, les
formations d’adaptations nécessaires à la prise de poste et la
formation continue. Il peut être utile pour l’ensemble des acteurs
susceptibles d’être concernés que des stages d’accueil et/ou des
prises de poste soient systématiquement associés à un module
relatif à la gestion des crises relatives à l’emploi ou au secteur
professionnel considéré ;
- au-delà d’une approche globale, l’unité des formations
dispensées sera assurée par la rédaction d’une doctrine de gestion
de crise cohérente, élaborée et maîtrisée par le secteur
professionnel, l’entreprise, l’acteur concerné. Sa diffusion doit
être réalisée de manière coordonnée au sein de toutes les
structures de formations concernées et à tous les niveaux de
l’organisation.
Enfin, en ce qui concerne la mise en pratique de la formation
reçue, celle-ci recouvre la connaissance des outils de gestion de
crise et leur utilisation mais également la préparation et la
conduite d’exercices.
2.2. Exercices et retours d’expérience.
Les exercices permettent aux acteurs de la gestion des crises
et à leurs équipes de pren-dre la mesure de l’organisation
nécessaire en cas de situation de crise réelle c'est-à-dire
s’approprier les procédures, maîtriser les outils et connaître les
acteurs de la gestion des crises. En outre, cela permet aux
individus n’ayant vécu aucune crise de se former et de prendre
conscience des réalités de la crise. La participation active de
l’ensemble de ces acteurs doit être systématisée dans
l’organisation. In fine, cela permet d’améliorer les processus de
prise de décisions, les communications et la coordination entre
les acteurs.
Pour être efficient, les exercices doivent intégrer des
scénarios crédibles et variés afin de confronter les organisations
à l’inimaginable (Lagadec, 1997). Aux côtés de ces si-tuations
envisageables seront introduites de l’improvisation, de la
flexibilité et de la créativité selon sept caractéristiques
techniques (Mendonça, 2007) :
- mettre en évidence les zones d’ombre en permettant aux
participants d’observer les processus de communication et de
décisions des autres participants ;
- stopper et recommencer le processus afin de s’assurer que les
directives sont comprises et assimilées ;
- répéter autant de fois que possible les simulations ;
- examiner les situations antérieures afin de réfléchir aux
actions ayant pu être mises en place ;
- introduire des erreurs afin de contraindre le participant à
développer des nouvelles heuristiques et routines ;
- augmenter les scénarios en intensité ;
- apprendre en répertoire de comportements.
Cette nouvelle expérience acquise via la pratique d’exercices
se transformera par la suite avec le temps et la prise de recul
nécessaire en apprentissage.
En outre, la réalisation systématique de retours d’expérience
sur les événements ma-jeurs et sur les exercices menés est
essentielle afin que les enseignements à tirer puissent être
exploités à tous les niveaux. En cela, le retour d’expériences
constitue un outil de management qui permet par l’analyse des
faits, d’identifier les causes de dysfonctionnement et les modes
de bons fonctionnements afin d’en titrer les leçons pour l’avenir.
En outre, il est un processus composé de méthodes et de procédures
pour ap-prendre des activités passées et capitaliser l’expérience
par le partage des bonnes pratiques pour optimiser sur les plans
humains, organisationnels et techniques le fonctionnement des
organisations.
Pour se faire, une description précise de la dynamique de la
crise doit être réalisée au travers de :
- l’identification des incidents, des signaux faibles et des
facteurs aggravants (Cooke, 2003) ;
- la connaissance des décideurs et des hommes de terrain, les
représentations individuelles et collectives de la crise en
fonction de leurs référentiels et de leurs systèmes de
représentation symbolique (Tremblay, 2007) ;
- la compréhension des dysfonctionnement de coordination (Therrier,
1995 ; Granot 1997 ; Smith 2000).
La mémoire de ces enseignements des crises réelles passées est
susceptible d’ailleurs à terme d’être approfondis au travers de
plusieurs pistes de travail relevant de la professionnalisation
comme par exemple :
- la création de base de données donnant accès aux retours
d’expériences des crises passées ;
- l’élaboration d’un vivier d’experts/gestionnaires de crises
pouvant être sollicités à froid et/ou à chaud dans le cadre
d’actions de professionnalisation axées autour de témoignages.
La crise doit être considérée comme un processus global qui
dépasse un évènement ponctuel et est alimenté par un flot
continuel de faits. Sa gestion ne peut donc être que le résultat
d’une dynamique décisionnelle portée par une organisation
formalisée, flexible et résiliente.
Selon Combalbert (2005), « l’ouverture d’esprit, la diversité
des analyses, la capacité d’adaptation, la remise en question,
l’aptitude à prendre des décisions sont des caractéristiques
fondamentales d’une gestion efficiente ». Si le facteur humain
apparaît en filigrane dans les caractéristiques précitées c’est
parce qu’un haut niveau de formation des acteurs, leurs
connaissances des crises et des organisations et leur
sensibilisation à la culture des risques et aux processus de
gestion des crises sont autant d’éléments sus-ceptibles de
renforcer la résilience des acteurs pendants la crise et – de fait
de diminuer la vulnérabilité de l’organisation à laquelle ils
appartiennent
Julie Boumrar est Docteur ès Sciences de gestion, Marjorie
Bordes est Doctorante ès Sciences politiques
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Références :
1. Lagadec, Séminaire de communication avancée SE 2005, Cas
Mercedes, 2005.
2. V. Desportes, Décider dans l’incertitude, Economica, 2ème
edition,
2007.
3. Smircich et Stubbart in Magakian (2006)
4. E. Morin in C. Roux-Dufort, La gestion de crise, DeBoeck
Université, 2000.
5. Selon Cardonna (2003), la résilience est définie comme
l’inverse de
la vulnérabilité
ISSN 2266-6575
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