Communiquer sur les risques pour responsabiliser
la population
Par Charly DUPLAN

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Résumé
Après chaque catastrophe, le constat est
récurrent : les populations méconnaissent le risque subi et les
comportements à adopter ; le déni du risque souligne les
faiblesses de la culture des risques.
La non appropriation de ce sujet ne peut pas seulement être
imputée au désintérêt des individus. Certes les risques sont
anxiogènes et ne se concrétisent pas tous, ce qui limite la
mobilisation de la population. Certes la gestion actuelle de ces
risques n’implique guère le grand public, ce qui en freine la
responsabilisation. Cependant, le peu d’intérêt porté aux
informations sur les risques doit être source de réflexion pour
rompre cette dynamique de désappropriation et lancer une
communication globale sur les risques.
Cet article traite des enjeux et conditions de la communication
sur les risques pour responsabiliser les publics au travers du
partage d’une même culture. La communication vers la population
est ici déclinée en sensibilisation et en alerte et information en
période de crise.
Les constats d’absence de culture des risques majeurs sont
récurrents. Pourtant la conscience, la connaissance et
l’acceptation du risque ainsi que l’apprentissage de la gestion
des crises, parts de la culture des risques , sont régulièrement
mis en avant comme facteurs de réduction de la vulnérabilité des
populations. Sensibilisés et responsabilisés sur les risques bien
en amont de toute crise, les citoyens aideraient la gestion de
crise dans la mesure de leurs compétences par leurs comportements
adaptés.
Mobilisée en temps de paix et de crise, la communication sur les
risques est un outil de partage des connaissances et de
transmission des consignes, avec la volonté de placer le citoyen
au cœur des événements de sécurité civile. La question se pose
donc de tirer profit de cette communication dans la gestion des
crises par le partage d’une culture du risque.
À partir d’exemples réels, des pistes concrètes d’évolution de
la communication sur les risques sont avancées. Cette
communication est ici abordée sous l’angle de l’information,
élément essentiel à la prise de conscience des populations ainsi
qu’à leur réaction en cas de crise. L’objectif est de souligner
les facteurs d’efficacité de la sensibilisation des publics en
amont des crises afin d’en aider la gestion par l’action de
citoyens responsabilisés.
I. Comment informer les populations, en temps de paix ou de
crise ?
Deux types d’information des populations existent, mobilisant
des messages, des supports et des cibles différents :
- la sensibilisation, en temps de paix : ce type d’informations
vise à la prise de conscience des risques et à l’apprentissage des
comportements d’urgence (en préparation au jour J.) ;
- l’information en cas d’alerte : explication de la situation et
diffusion des consignes à respecter (par exemples : rester
attentif aux consignes, ne téléphoner qu’en cas d’urgence).
A. Vulgariser pour partager une culture du risque
Les savoirs sur les risques et leur gestion sont souvent des
éléments techniques qu’il peut être difficile de transmettre
explicitement aux publics. Tout l’enjeu est de ne pas trahir la
connaissance professionnelle sans perdre l’intérêt de publics peu
intéressés et souvent moins savants. L’information sur les risques
majeurs oblige à la vulgarisation car elle place le citoyen en
position centrale. Les difficultés de l’information sur les
risques sont récurrentes : méconnaissance des supports,
accessibilité physique et intellectuelle limitée de ces documents,
pertinence des informations transmises, dissonance avec les
expériences personnelles, restriction de l’information au minimum
réglementaire, etc.
La place du citoyen par rapport aux risques majeurs est
questionnée. Cette interrogation « n’est pas nouvelle. Elle a
toujours été centrale, mais en creux, dans les dispositifs mis en
place par les autorités publiques pour assurer la protection des
personnes et des biens » (Lagadec, 2011). La loi oblige désormais
à placer chaque citoyen au centre de la gestion des risques car «
toute personne concourt par son comportement à la sécurité civile
» (article L.721-1 du code de la sécurité intérieure). En
informant, le but est aussi de responsabiliser la population :
apprendre à chacun à se sauvegarder et à protéger les autres mais
aussi améliorer la réponse collective de la sécurité civile et
réduire la consommation de services de secours .
Des dispositions existent pour faciliter l’intégration des
citoyens dans la gestion globale des crises : concertation
publique obligatoire lors de l’élaboration de plans de prévention
des risques, commission locale d’information autour des
installations classées, obligation réglementaire de mettre un
certain nombre d’informations à disposition, etc. Malgré ces
possibilités, l’implication des citoyens reste faible et souvent
limitée aux individus déjà sensibilisés (témoins de catastrophe ou
personnes disposant d’un savoir personnel).
Pourtant, l’information existe mais c’est au citoyen d’aller la
chercher : 75% des Français se sentent mal informés sur les
risques industriels et 63% sur les risques naturels (IFOP, 2013).
L’enjeu n’est plus simplement d’offrir une source d’information
quelles qu’en soient ses caractéristiques, il est de porter à
connaissance l’existence de ce savoir. La facilité d’accès à des
informations toujours plus nombreuses, la concurrence entre les
supports d’information et les besoins de publicité qui en
découlent soulignent deux causes de la méconnaissance du risque :
le déni des risques de la part de la population et l’inefficacité
de la transmission des informations.
Le manque d’appropriation de cette question est avéré et le
déni des risques est un frein majeur à l’écoute des informations
transmises aux publics. Néanmoins, il serait trop simple de cesser
tout effort de mobilisation pour tenter d’inverser cette tendance.
Les populations sont tout autant désintéressées que trop peu
associées et responsabilisées à la gestion globale des risques,
souvent perçue comme une affaire de spécialistes (IRMa, 2013). Le
désintérêt du grand public pour le sujet des risques est certain,
sujet hypothétique par définition et pessimiste par nature. Or,
l’information de la population n’est efficace que si cette même
population a conscience des risques auxquels elle est soumise. En
même temps, les actions efficaces de mobilisation demeurent
limitées. La transmission de la culture des risques est freinée
par l’absence de prise de conscience ; le déni des risques est
alimenté par l’impuissance de la communication à mobiliser les
publics sur ces sujets.
Les pertes humaines lors de catastrophes devraient suffire pour
souligner l’importance d’une communication poussée sur les
risques. L’augmentation des coûts de ces événements pourrait
servir de prise de conscience généralisée pour alimenter les
échanges. Néanmoins, l’appropriation de ces questions par les
publics demeure relative à des contextes individuels. Les
manifestations de l’anniversaire du centenaire de la crue
parisienne de 1910 et les nombreux rapports récents sur ce sujet
n’ont ainsi pas permis de faire évoluer les prises de consciences
des publics. Toutes ces questions souffrent de leur faible
récurrence et du coût important des potentielles mesures de
prévention et de communication.
B. Informer pour mobiliser en cas d’alerte
La préparation à la crise, tant des moyens matériels
qu’humains, est primordiale pour organiser une réponse efficace et
adaptée. L’alerte et l’information des populations lors des crises
sont des actions essentielles de la gestion des risques, en
particulier pour l’État et les communes . L’information de la
population en cas de crise concerne son accompagnement par la
communication de consignes de mise en sécurité mais aussi
d’éléments sur l’évolution de la situation (DGSCGC, 2013). Elle
peut être diffusée en amont de la crise (mesures préventives en
phase de vigilance), pendant (relais de l’alerte, consignes de
comportement, évolution de la situation), après (annonce de la fin
de l’alerte et des mesures de soutien aux victimes).
L’impréparation du public aux risques ainsi que la non
connaissance des comportements de sécurité ne sont plus une
surprise. 22% des Français connaîtraient les consignes liées au
déclenchement du signal national d’alerte, dont seulement 13%
citent l’écoute des consignes transmises par la radio. Pourtant,
90% des Français souhaitent avoir plus d’informations sur les
comportements de sauvegarde en cas de catastrophe (IFOP, 2013).
L’enjeu de cette communication est d’améliorer la protection des
populations lors d’un événement de sécurité civile. Elle est
soumise à de nombreuses contraintes : obligation de synthétisation
et de clarté du message, format spécifique pour chaque vecteur,
rapidité d’émission mais aussi justesse de la donnée transmise. Ce
type d’information soulève des difficultés (Weaver, 1949) :
- techniques : choix des moyens d’alerte et d’information,
répartition des équipements, maintien en conditions
opérationnelles, etc.
Les automates d’appel sont une illustration de ce type de
difficultés. Ils permettent de transmettre un message
préenregistré sur les téléphones mais, comme tout moyen d’alerte
et d’information, ont des contraintes opérationnelles : nombre
limité d’appels à la minute, saturation des réseaux de
communication, enregistrement des numéros sur un annuaire à
actualiser régulièrement, etc.
- sémantiques : consignes de mise en sécurité simples et
précises, clairement transmises et applicables rapidement rapide
par la population, etc.
Par exemple, la consigne de mise en sécurité demeure ambiguë : en
fonction des risques, elle peut signifier l’évacuation ou la mise
à l’abri dans un bâtiment. De même, le signal d’alerte n’a pas une
forme unique : dans le cas spécifique d’une rupture de barrage,
c’est un signal type corne de brume qui retentit et non pas le
signal national d’alerte, son modulé cyclique émis par les
sirènes.
- d’influence : choix des termes employés, ton du message,
crédibilité de l’émetteur (identifié, légitime et reconnu),
attention portée au choix des destinataires.
La réaction et la mobilisation de la population dépendent du
crédit accordé au message et à sa source. Le message rassurant
mais faux des autorités françaises, lancé après la catastrophe de
Tchernobyl, a décrédibilisé la communication institutionnelle. En
effet, un doute pèse encore sur toutes les informations
officielles, en particulier celles concernant les risques
technologiques . « L’alerte, mais surtout sa crédibilité et son
impact sur les comportements, est donc un sujet de réflexion »
(P.-H Bourrelier, G. Deneufbourg et B. de Vanssay, 2000).
L’information n’est pas neutre ; elle doit persuader les
destinataires de l’utilité de suivre les consignes transmises.
Le cas de la crise Lubrizol, en janvier 2013, est significatif :
le message officiel de la non toxicité du nuage a été peu entendu
et peu cru, noyé dans les rumeurs récurrentes de mensonge de
l’État. La crise de communication et l’incompréhension des publics
sont symbolisées par la suspension d’un match de football tandis
que la population n’a reçu aucun ordre de confinement (J.-M.
Boissière, 2013).
De plus, il faut « que l’alerte provoque chez tous ceux qui la
reçoivent des représentations suffisamment évidentes du risque
pour qu’il y ait mobilisation » (P.-H Bourrelier, G. Deneufbourg
et B. de Vanssay, 2000). L’alerte et l’information de la
population ne sont efficaces que si la population connaît les
risques et sait réagir en cas d’alerte et comprendre les consignes
transmises. L’alerte s’inscrit bien dans la culture du risque
puisqu’elle fait appel à la conscience des risques. Elle fait
appel à la communication sur ce sujet pour les faire connaître et
mobiliser les publics sur leur gestion.
Selon P. Lagadec (1986), « peu de gens autour de l’usine
américaine [Union Carbide à Institute] savaient quels
comportements adopter en cas d’alerte. Certes, aux dires du
porte-parole de l’établissement, une lettre leur avait été
adressée à ce sujet chaque année depuis 1975 – mais peu l’avait
reçue. Et Newsweek précise [17 décembre 1984] : ‘‘S’ils l’avaient
reçue, ils auraient bien pu être encore plus déroutés. Selon la
lettre, deux coups de sirène de trois secondes signifiaient un feu
ou une urgence médicale ; des coups de trois secondes : une fuite
de gaz ; des coups de deux secondes toutes les 30 secondes jusqu’à
la fin du danger : un accident majeur. Les instructions sur les
comportements à adopter étaient aussi déroutants : ‘’Si le vent
souffle favorablement, restez où vous êtes. Si le vent souffle
dans votre direction, évacuez perpendiculairement au vent.’’ Et la
lettre ajoutait : ‘‘Dans certain cas on peut voir les vapeurs sous
forme d’un nuage blanc. Cependant, comme cela n’est pas toujours
le cas, ne vous fiez pas à ce que vous voyez’’ ».
Au contraire, pour être efficace, l’alerte de la population doit
reposer sur un système simple et clair, facilement mémorisable et
mémorisé par les personnes à prévenir. Elle doit donc s’inscrire
dans une politique globale de communication sur les risques.
Il est nécessaire d’étudier les moyens de transmettre les
consignes à suivre par la population. L’information des publics,
essentielle à la gestion de la crise, doit être pleinement
opérationnelle. Pour cela, elle doit être planifiée et testée en
amont et utiliser des canaux de transmission existants, légitimes
et reconnus.
La sensibilisation prend alors toute son importance. L’enjeu n’est
pas seulement de savoir qu’il existe des aléas. Il est aussi que
chacun soit conscient de sa propre vulnérabilité et des
comportements à adopter en cas de crise. Il faut s’approprier les
risques pour mieux les gérer à son échelle et en fonction de ses
compétences. « L’alerte ne peut être suivie d’effet adapté que si
elle s’inscrit dans un contexte favorable : crédibilité et
information préalable (allant bien au-delà de la simple
distribution de plaquettes) sont des impératifs. Cela suppose des
travaux et des sensibilisations préparatoires extrêmement sérieux
» (P. Lagadec, 1991). La communication sur les risques se doit de
transmettre ces connaissances, soit en relayant les données, soit
en faisant (re)connaître les canaux utilisés. L’ensemble des
travaux conduits dans le cadre de cette communication, en période
de paix et/ou de crise, permettra de mobiliser des publics
responsabilisés.
II. Les nouveaux enjeux de la communication sur les risques
?
« De nombreuses études ont été réalisées sur l’organisation de
la communication et de son efficacité. Il est attristant de
constater que ces principes sont utilisés, voire pillés, par les
spécialistes du marketing désireux de vendre du chocolat ou des
lessives, tandis que les responsables de la communication en
matière de risques se cantonnent dans des techniques dépassées,
des « booklets » [brochures] sur papier glacé qui se retrouvent
immédiatement dans les poubelles. » (Bourrelier, Deneufbourg et de
Vanssay, 2000).
Un travail important est toujours à conduire pour dépasser le
faible degré global de culture des risques. Cependant, une
information a besoin de reposer sur une base culturelle déjà
existante pour être intégrée par les individus. La déclinaison des
messages suivant les publics est un élément essentiel du fait de
la grande diversité des rapports individuels aux risques. Il faut
garder en mémoire que chacun construit sa culture du risque autant
par l’éducation collective que par un apprentissage individuel et
empirique (P-A. Vidal-Naquet, 2001). Une sensibilisation adaptée à
chaque citoyen demeure utopique. Néanmoins, des pistes d’évolution
de la culture des risques permettraient de renouveler les supports
d’informations et de décliner les messages en fonction des
connaissances et des pratiques des différents publics.
A. Innover contre les idées périmées
La communication, comme partage d’un message, implique au moins
un récepteur, un transmetteur, un émetteur ainsi qu’un discours.
Au cours de l’échange d’informations, il existe toujours la
possibilité de bruit. Face à la multiplicité des nuisances
potentielles, les actions à conduire sont très diverses et
concernent l’ensemble des acteurs de la gestion des risques :
transparence des autorités lors des prochaines crises, réactivité
et cohérence de la communication, clarification des messages,
spécification des publics visés, etc. L’innovation a pour premier
objectif de réduire au maximum ces bruits qui entourent la
transmission du message et en limitent l’efficacité. La définition
de quatre consignes principales en cas d’urgence va dans ce sens.
Cependant, leur formulation est encore variable suivant les
supports. Un travail de formalisation de la consigne permettrait
de la clarifier. Il en simplifierait aussi la transmission et la
compréhension.
L’innovation porte aussi sur le renouvellement des vecteurs
d’information. Les nouvelles technologies d’information et de
communication métamorphosent les méthodes de travail mais ne sont
pas une solution miracle à toutes les difficultés. Ce sont des
outils à considérer au même titre que les supports plus
classiques, apportant autant de nouvelles possibilités que de
contraintes pour travailler. Les vecteurs de transmission de
messages n’ont jamais été aussi divers, multipliant l’accès aux
sources d’informations en temps réel. Cependant, la population n’a
jamais autant méconnu les risques et menaces auxquels elle est
soumise. Il y a donc un travail important à conduire pour parvenir
à un degré satisfaisant de connaissances de comportements
réflexes. « Il ne suffit pas d’informer, il faut communiquer :
c’est-à-dire se préoccuper du passage entre le message et celui
qui le reçoit » (Tabeaud et Browaeys, 2006). Le message doit être
mémorisé ; il est ici question de forme et de support utilisés.
Ainsi, la commune de Salaise-sur-Sanne a transformé un document
réglementaire en véritable campagne de sensibilisation des
habitants. L’opération « C’est l’heure DICRIM » est un projet
global alliant informations précises sur les risques et les
comportements de sauvegarde, approche burlesque du sujet et
mobilisation de la population, notamment les jeunes pour la
réalisation de courts-métrages et le lancement du document .
Innover, c’est ainsi s’assurer de l’accessibilité physique et
intellectuelle de l’information. C’est aussi partager les données
afin de parvenir à une acceptation du risque par des publics
responsabilisés. Ce long travail s’appuie nécessairement sur une
crédibilité des autorités publiques et une confiance réciproque
entre acteurs.
B. Diversifier les supports et les messages
Atteindre le plus de personnes possible tout en s’efforçant de
faire pénétrer les messages dans la mémoire collective et
individuelle n’est pas des plus aisé. « Des modes de communication
sont à trouver : faciliter l’accès aux informations sur Internet,
privilégier davantage l’approche par enjeux et l’implication de
leurs responsables dans la gestion des risques, ainsi que d’autres
modes alternatifs de diffusion doivent être réfléchis [… pour]
amener chacun à être conscient des risques afin que l’on puisse
habiter le territoire en confiance » (DGPR, 2011).
L’objectif de la communication sur les risques est alors de
décliner les transmissions de messages pour traiter de l’ensemble
des sujets du domaine (chaque aléa, les différentes
vulnérabilités, la prévention, l’alerte, l’éducation, la mémoire,
etc.) mais aussi cibler différents publics afin de les mobiliser
plus aisément sur leurs responsabilités. La combinaison de
vecteurs d’information augmente les possibilités d’atteindre et de
sensibiliser le public visé, tout en réduisant le bruit autour de
la transmission.
Cette diversité des vecteurs s’accompagne d’une redondance de
l’information. En multipliant les messages, autant par leur forme
que par leur contenu, les chances de toucher les cibles sont
augmentées. L’intérêt de cette démarche passe par la définition
d’une unité formelle des supports, avec la mise à disposition
d’infographies libres de droit. Une banque de données regroupant
les messages formalisés, des supports personnalisables ainsi
qu’une charte iconographique pour aboutir à une cohérence de
communication amélioreraient leur visibilité et leur effet.
La campagne « Les bons réflexes » illustre parfaitement cette
ambition de diversification des supports. Une quinzaine de
supports différents sont utilisés pour sensibiliser tous les
publics . Ils allient les supports classiques et ceux plus
modernes et répètent tous un seul et même message, tout en
partageant une même identité visuelle. Les acteurs publics et les
industriels ont dépassé leurs simples obligations en créant une
opération de communication, conséquente et identifiable.
C. Impliquer toutes les parties prenantes
Les contraintes des équipes chargées de transmettre les
informations sont fortes : connaissances techniques et budget
limités, séparation des services de production des données et de
leur mise en forme, perte et/ou grande mobilité des personnels,
influence de la hiérarchie sur la liberté d’innovation, etc. La
solution vers laquelle se dirige la majorité des acteurs est celle
des travaux en partenariat, faisant collaborer plusieurs acteurs
institutionnels ou instaurant des collaborations avec des
partenaires privés et/ou associatifs. La possibilité de confier
des missions à des étudiants en écoles spécialisées n’est pas à
omettre, permettant de réduire les coûts de production et
d’enrichir la réflexion d’avis extérieurs.
La réussite de la transmission des informations passe par une
implication de tous les acteurs :
Environnement favorable à la réception des informations : si la
population est consciente du risque, si l’émetteur du message est
bien perçu, si les outils liés à l’alerte et l’information des
publics sont connus alors l’information sera parfaitement reçue.
Actuellement, la méconnaissance des risques et menaces est
largement répandue dans la population ; la crédibilité des
messages institutionnels est remise en doute ; les moyens d’alerte
et d’information ne sont pas tous connus. Il serait possible de
renverser ce contexte en présentant les informations sous un autre
aspect, pour surprendre un public désintéressé (cf. Preparedness
101: Zombie Pandemic, Centers for disease control and prevention
).
Volonté forte des décideurs : un constat de faiblesse de
connaissances du grand public soit souligné dans les rapports
d’inspections ou parlementaires réalisés après chaque catastrophe.
La communication sur les risques demande un travail approfondi sur
le long terme pour éviter que chaque catastrophe n’apporte son lot
de mauvaises surprises et de témoignages de méconnaissance des
risques. Or, une prise de position forte des décideurs pour
nourrir un soutien de long terme aux travaux de sensibilisation
fait toujours défaut. Leur implication est nécessaire pour lancer
une politique globale et efficace de communication sur ces sujets.
Relais de personnes ressources et explication de l’information
: les informations sur les risques peuvent être anxiogènes. Leur
transmission doit être accompagnée d’un discours pédagogique,
centré sur des expériences passées et décrivant les mesures
existantes ou à venir. Elle doit s’appuyer sur des personnes
ressources déjà reconnues localement (sapeurs-pompiers, policiers
et gendarmes, services déconcentrés de l’État, membres des
commissions locales d’information, bénévoles des associations de
sécurité civile, scolaires, médias). L’information préventive aux
comportements qui sauvent (IPCS ) est un exemple de formation
dispensée par les sapeurs-pompiers, notamment auprès des
scolaires. Elle utilise la crédibilité et la proximité de ces
acteurs de la sécurité civile pour responsabiliser la population,
lui apprendre à réagir en cas d’urgence et à alerte les secours.
Accompagnement des publics : un public volontaire est prêt à
recevoir de l’information. Une action visant un petit groupe
d’individus permet de les mobiliser plus facilement et de créer
une synergie en fonction des aléas et enjeux locaux.
L’accompagnement du public pourrait aussi déboucher sur des
incitations financières, comme des réductions d’impôts ou de frais
d’assurance pour les personnes attestant d’une préparation aux
risques. La politique actuelle d’indemnisation en cas de
catastrophe naturelle s’appuie sur une logique de solidarité
nationale mais la question se pose sur la durabilité de ce
système. Le suivi spécifique des populations les plus vulnérables,
leur accompagnement privilégié pour adapter leur mode de vie ou
encore la redéfinition des assurances en fonction des efforts
consentis par chacun sont des pistes de réflexion permettant de
mobiliser tous les acteurs en fonction de leur propre
vulnérabilité.
Évaluation de la démarche : il serait utile, bien que complexe,
d’évaluer les actions conduites (par exemple : coût de l’action,
base réglementaire, taux de pénétration de l’information) et d’en
retirer une expérience permettant de spécifier les travaux à venir
afin de relancer la connaissance de la gestion des crises auprès
de la population.
Conclusion
Une politique globale de communication est à conduire pour
constituer une culture commune des risques et une connaissance de
la gestion des crises partagée et proportionnée aux compétences de
chaque citoyen.
Cette approche par la communication introduit aussi un certain
nombre de problèmes contextuels de représentation. « Non
seulement, trait humain général, les risques extrêmes sont
généralement passés sous silence dans une société qui peine à les
objectiver, mais encore ils évoluent sans cesse, accompagnant les
dynamiques sociales, politiques, économiques et technologiques.
Comment, dans ces circonstances, envisager le développement de la
culture du risque ? » (Michel, Nessi et Picard, 2011). Une telle
communication, comprise comme un projet de gestion des risques,
doit maintenir son caractère dynamique et créatif. La
communication permet de lier la culture des risques aux évolutions
de la société dans laquelle elle s’insère. Elle assure sa
transmission à tous les publics et son adaptation aux techniques,
aux messages et aux sources d’information. La communication sur
les risques est un outil d’actualisation devant permettre à chacun
de se les approprier, en fonction de son contexte personnel.
Ce travail nécessite une vision à long terme, partagée entre
toutes les parties prenantes, pour rendre accessible et partager
ces connaissances. À toute échelle, l’ignorance ou le déni du
risque ne peuvent plus être des excuses à la vulnérabilité des
populations. La communication sur les risques nécessite la mise en
place d’actions ambitieuses, mobilisatrices et bien définies dans
le cadre d’une culture partagée. Les retours d’expériences des
catastrophes passées ont tracé le chemin ; il est malheureux d’en
perdre la mémoire.
Aujourd’hui encore, malgré les nombreux travaux d’éducation et de
sensibilisation, passer de la conscience et de la connaissance du
risque à son acceptation n’est pas aisé (CEPRI, 2013). Le
désintérêt de la population limite l’attention portée aux
informations communiquées et leur efficacité. Les propositions
avancées n’auront peut être qu’un effet restreint. Pour autant,
l’effort de communication est nécessaire pour rompre la dynamique
de désappropriation des risques avant qu’une nouvelle catastrophe
ne rappelle la vulnérabilité des populations et ne contredise le
déni de tels phénomènes. La mobilisation et la responsabilisation
de chacun demeurent les premiers pas vers une résilience de nos
sociétés.
Ressources
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© Mars 2014 Tous droits réservés
Magazine de la communication de crise et sensible.
www.communication-sensible.com
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