RSE, crise et communication
Edito de Thierry Libaert
Le développement durable, la crise et la communication sont
trois termes omniprésents des discours environnementaux et notre
objectif dans ce numéro a été de les interroger dans leurs
relations. La crise peut être considérée comme le manque d’une
réelle intégration d’une démarche de développement durable et
celui-ci est souvent perçu en analyse de risque comme une approche
permettant de réduire le risque de crise dans l’entreprise. La
crise serait ainsi la conséquence d’une insuffisance de la
responsabilité sociale de l’entreprise et cette hypothèse serait
valable aussi bien pour la crise organisationnelle que pour les
crises structurelles à l’image delà crise économique actuelle.
Le développement durable constitue également un thème majeur de
l’émergence des crises puisque c’est sur les aspects
environnementaux et sociaux que les crises ont leur plus fort
retentissement. La marée noire de l’Erika reste dans les mémoires
dix ans après son apparition alors que nos représentations des
scandales EADS, de l’affaire des frégates ou des HLM de la ville
de Paris sont beaucoup plus diluées.
Lorsque la crise éclate, la RSE est un des thèmes majeurs mis
en évidence par le discours de l’entreprise. Celle excipera sa
responsabilité et annoncera sa transparence.
Enfin, la crise passée est souvent l’occasion d’une remise à
plat des dispositifs et beaucoup d’entreprises « vertueuses » sont
des organisations qui connurent des crises majeures relatives à
leurs pratiques environnementales ou sociales à l’exemple de Nike
ou de Gap.
Le développement durable impacte donc l’entreprise avant,
pendant et après la crise. Celle-ci est présente sur les trois
sphères économique, sociale et environnementale du développement
durable et elle tangente ses trois piliers : pollueur-payeur,
prévention et précaution.
Et pourtant, analysée sous l’angle communicationnel, la
relation semble balbutiante. Perçu comme le plus petit
dénominateur commun des multiples cibles de l’entreprise, le
développement durable, loin d’être une panacée apparaît
aujourd’hui comme porteur d’un effet boomerang potentiel. En
dehors même des déviances du greenwashing ayant conduit à une
nouvelle recommandation de l’Autorité de Régulation
Professionnelle de la Publicité (ARPP) le 26 juin dernier, la
communication sur le développement durable expose l’entreprise et
donc la place en ligne de mire des critiques potentielles.
Plusieurs études ont ainsi montré que les signes émis par les
entreprises dans leur communication RSE ne correspondaient pas aux
attentes de leur public, que ce contenu des messages était souvent
en contradiction avec la réalité de l’image projetée et surtout,
que non seulement une réputation de développement durable ne
mettait pas l’entreprise à l’abri du risque de crise, mais qu’a
fortiori elle pouvait l’aggraver en engendrant un effet de
déception majeur.
Quant à la sphère communicationnelle, s’il est possible de
l’isoler, on s’aperçoit qu’elle est une des conditions du
développement durable, qu’elle en constitue d’ailleurs
vraisemblablement la quatrième sphère et qu’il convient d’y
adjoindre un principe de transparence et de participation sans
lesquels toute tentative de RSE est vouée à l’échec. Et il n’est
nul besoin au lecteur du magazine de la communication sensible et
de crise de rappeler que la communication est consubstantielle à
la crise, que 80 % d’une gestion de crise est constituée par de la
communication et que l’essentiel d’une crise réside non dans sa
réalité, mais dans sa perception.
C’est donc à un dépassement des idées hâtives et un appel pour
un approfondissement des relations que ce numéro appelle. La
littérature sur la communication, la crise et le développement
durable est pléthorique, une mise en perspective homogène est
encore à inventer.
Thierry Libaert
Magazine de la communication de crise et sensible.
www.communication-sensible.com
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