Gestion de crise
Financière
Interview de Denis Marquet, directeur de l’information à la
direction de la communication Société Générale
Interview réalisée par Thierry Libaert
Un an après le 1er anniversaire de la fraude exceptionnelle
à la Société Générale, il nous a semblé intéressant de rencontrer
un des participants à la cellule de crise, directement concerné
par les enjeux de communication.
Q : Quel bilan tirez vous de votre communication de crise,
quels furent les points forts et faibles ? R : Le point fort a été
d’avoir vite compris que l’objectif principal qu’il nous fallait
poursuivre était le rétablissement de la confiance envers tous nos
interlocuteurs, de ce point de vue, nous avons pu tous nous
mobiliser rapidement au service d’un but clairement identifié. Les
points faibles portent sur une insuffisante prise en considération
du média Internet et nous aurions dû couper court aux rumeurs qui
s’amplifiaient et qui présentaient Jérôme Kerviel comme une sorte
de Robin de Bois avec ses comités de soutien. Nous aurions du
aussi mieux expliquer en interne les raisons de notre choix d’une
communication discrète et ciblée et notre gestion des silences que
nous considérons comme essentiel en période de crise. Enfin, il y
a des mots qu’ils auraient mieux fallu ne pas employer comme celui
de « terroriste » pour désigner le trader à l’origine des fraudes,
cela nous a nui et reste ancré dans la mémoire des journalistes.
Q : Quel fut la place et le rôle du PDG Daniel Bouton ? R : Il
n’a pas été présent dans la cellule de crise mais bien sûr informé
en permanence. Les grandes décisions étaient prises avec lui en
bilatéral. Pour nous, il était le porte-parole naturel en raison
de l’ampleur du pro-blème et nous considérions qu’à partir du
moment où nous annoncions le même jour le problème (la fraude), et
la solution (l’augmentation de capital), le risque de son
exposition était plus faible.
Q : Qu’avez-vous découvert dans cette crise que vous n’aviez
pas lu dans les manuels de communication de crise ? R : Il est
écrit qu’il faut anticiper, mais cette anticipation ne concerne
que les principes de gestion de crise, j’ai découvert l’importance
de ce que je considère comme le meilleur rempart, à savoir la
réaction des salariés. J’ai aussi découvert l’importance majeure
des petites attentions que l’on pouvait nous porter, le fait que
les membres de la cellule de crise puissent bénéficier d’un suivi
médical quotidien, que nous avions des fruits et des jus de fruit
à volonté, qu’un psychologue était présent à nos côtés, tout cela
a contribué à donner une sérénité très bénéfique à notre gestion
de crise.
Q : Les règles de base en communication de crise concernent
généralement 5 éléments : être réactif, jouer la transparence,
assumer, occuper le terrain et s’appuyer sur des alliés, avez-vous
retrouvé ces principes dans votre communication. R : ces 5
principes sont tous pertinents, nous avons peut-être
insuffisamment cherché à utiliser le dernier.
Q : Vous avez perdu des clients ? R : Non, mais nous en gagnons
moitié moins qu’auparavant.
Q : Quelle était votre cible principale ? R : Nos salariés,
avec l’idée que leurs réactions pouvaient fortement impacter nos
clients ou nos actionnaires.
Interview réalisée en décembre 2008
Magazine de la communication de crise et sensible.
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