Communication
interne
En période de crise, pensez à communiquer en interne
Par Phénélope Sémavoine
Alors que nous vivons une crise sans précédent qui touche
tous les secteurs de l’économie, nulle organisation n’est à
l’abri. Restructurations, fusions-acquisitions, remplacement de
cadres dirigeants et plans de rigueur budgétaire sont autant de
changements qui suscitent de nombreuses inquiétudes à tous les
niveaux de l’entreprise. Il est alors important de renforcer les
dispositifs de communication en interne afin de préserver la
réputation des organisations, maintenir la motivation des
collaborateurs et rétablir la confiance des équipes.
Si les entreprises sont prêtes à communiquer auprès de leurs
collaborateurs, trouver la bonne stratégie représente un
casse-tête. Les responsables de la communication interne ont
récemment été réunis par l’AFCI pour réfléchir ensemble à la
question “Quelle communication interne face à la crise financière
actuelle?” et partager quelques-uns des dispositifs mis en place
dans différentes entreprises. Quant aux participants aux forums de
l’Ujjef , ils échangent autour de la thématique “Crise économique
et financière : comment adapter sa communication interne?”.
Il n’existe pas de plan de communication prêt-à-l’emploi, et
avant de définir une communication interne adaptée, il est
nécessaire de comprendre la stratégie de l’organisation, sa
structure, sa culture, ce qui va changer avec la crise, la
relation qu’entretiennent les dirigeants avec leurs équipes et
enfin, les inquiétudes des collaborateurs. Néanmoins, certains
principes peuvent être suivis dans la plupart des cas.
Evitez la naissance de rumeurs dans l’organisation :
communiquez ! Inquiets pour le futur de leur entreprise, de leur
site de production ou de leur emploi, les salariés d’un groupe se
renseigneront auprès de différents interlocuteurs pour comprendre
quels seront les effets de la crise sur l’organisation. Tant
qu’aucune communication ne leur aura été transmise, ils seront
amenés à spéculer sur l’avenir et propager des rumeurs qui peuvent
se diffuser très rapidement tant en interne qu’en externe. Les
organisations possédant une présence à l’international sont
exposées à une diffusion transfrontalière de rumeurs, favorisée
par le travail en réseau des équipes ainsi que par l’utilisation
d’internet et de réseaux sociaux : forums et blogs en ligne
foisonnent d’informations émises par les salariés d’entreprises,
informations souvent reprises par les médias avec des conséquences
directes sur les cours de l’action en bourse.
Pour prévenir ces situations, il est important d’être à
l’écoute des collaborateurs et d’utiliser des relais dans les
sites les plus sensibles afin de comprendre les sujets qui
suscitent le plus de questions et de débats parmi les équipes.
Cette analyse permettra d’adapter les messages de votre
communication; si les dirigeants s’intéresseront à des sujets tels
que le cours de l’action en bourse ou les nominations au comité
exécutif, les collaborateurs d’un site industriel souhaiteront
comprendre ce qui va arriver à leur site de production, à leur
chef d’équipe et à leur poste.
Si bien des éléments de la stratégie de l’entreprise doivent
demeurer confidentiels et ne peuvent être partagés, il est
néanmoins nécessaire de communiquer aux équipes ce qui peut être
diffusé, être honnête lorsque les réponses à leurs questions ne
sont pas encore connues, et expliquer les démarches mises en place
afin de traverser la crise. La confiance de vos collaborateurs
n’en sera peut être pas rétablie, mais le risque de rumeurs en
sera atténué.
Vos managers - des porte-paroles en interne De nombreuses
études ont été réalisées pour comprendre comment circule
l’information en interne et quels sont les moyens utilisés par les
collaborateurs pour s’informer de l’actualité de leur
organisation. Avant même de consulter les journaux internes, les
intranets et autres outils de communication mis à leur
disposition, ils interrogent leur manager pour ensuite échanger
les informations reçues avec leurs collègues.
Les cadres dirigeants et chefs d’équipes doivent alors posséder
une bonne compréhension de l’état de leur organisation afin de
pouvoir encadrer l’information diffusée en interne et relayer les
messages qui ont été approuvés pour faire face à la crise. Le
management doit devenir le pivot de votre communication interne.
Pensez également à leur communiquer toute information
susceptible d’apparaître dans la presse, et quand cela est
possible, de diffuser en interne les communiqués avant que ceux-ci
ne soient distribués aux médias. Ceci évitera que vos
collaborateurs n’apprennent par les journaux des informations
qu’ils auraient souhaité connaître par le biais de leur
responsable hiérarchique.
Harmonisez la communication du siège et du terrain Les
stratégies de communication de crise en interne sont souvent
pilotées depuis le siège et les messages sont décidés après
consultation avec les cadres dirigeants. Dans certains cas, ces
messages, adaptés à un public très général, sont diffusés à
l’ensemble des salariés par le biais d’outils de communication de
masse: lettre du président, intranet, vidéos... Or, dans le cas de
groupes internationaux, ces messages ne correspondent pas toujours
aux attentes des collaborateurs sur le terrain; ils sont souvent
signés par des personnes lointaines que les collaborateurs n’ont
jamais rencontrées, peuvent être maladroitement traduits, et
parfois, les annonces du siège ne sont pas en accord avec la
situation locale.
Les responsables de filiales, de pays ou d’usines souhaiteront
alors communiquer à leurs équipes pour clarifier certains aspects
des annonces reçues. Ceci peut mener à une démultiplication des
messages, créant parfois une confusion en interne.
A titre d’exemple, prenez le siège d’une entreprise basée aux
Etats-Unis qui souhaite communiquer à l’ensemble de ses salariés
qu’un plan de rigueur est mis en place et émet des réserves sur
les résultats de l’entreprise. Imaginez une branche locale en
Asie, dont les résultats d’exploitation ont été publiés plus tôt
et sont très satisfaisants. Le directeur local devra alors
expliquer à ses équipes que malgré des résultats locaux en nette
hausse, il ne pourra distribuer de bonus compte-tenu de la
situation globale du groupe, mais souhaite que tous continuent de
fournir des efforts pour l’année suivante.
Pour mener des actions de communication interne adaptées au
terrain, il est primordial d’impliquer son réseau de communicants
et de partager avec eux l’information disponible en amont de toute
diffusion. Ce réseau saura travailler avec l’équipe de la
communication basée au siège et avec les dirigeants locaux afin de
développer une stratégie de proximité adaptée aux situations
rencontrées dans chaque branche, pays ou site.
Rassurez les équipes de demain En période de crise, certains
collaborateurs peuvent craindre de perdre leur budget, leur équipe
ou leur emploi et remettent en question les efforts déployés pour
mener leurs missions à bien. Ils questionnent alors les heures
passées sur des projets qui ne verront pas le jour, ou tout
simplement le devoir de travailler alors qu’ils pourraient perdre
leur poste. Pour éviter que ces inquiétudes ne génèrent un déclin
de la motivation et de l’efficacité des équipes, les organisations
doivent rassurer les collaborateurs avec lesquels elles comptent
travailler demain.
Chaque organisation possède un capital-confiance en interne.
Celui-ci s’obtient avec le temps en évitant la langue de bois et
en favorisant une communication honnête et transparente. Lorsque
les équipes ont confiance en leur entreprise et en leurs cadres
dirigeants, elles donnent du sens à leur labeur et acceptent plus
aisément de faire des concessions budgétaires ou salariales en
temps difficiles. En revanche, une organisation qui donne de
fausses informations à ses managers et ment à ses collaborateurs
perdra ce capital-confiance et devra faire face à des équipes
réticentes à tout changement, proposition ou négociation.
Les entreprises qui sauront façonner positivement la perception
de leurs équipes bénéficieront de collaborateurs motivés, engagés
et réticents à quitter leur organisation lorsque de nouvelles
opportunités d’emploi apparaîtront avec la fin de la crise. Ainsi,
communiquer en interne est nécessaire non seulement pour favoriser
la création de nouvelles dynamiques en période de changement, mais
également afin de préserver les collaborateurs de demain.
La bonne gestion de la communication interne favoriserait ainsi
la résilience de l’organisation; sa capacité à rebondir après un
traumatisme et de retrouver son équilibre pour fonctionner après
une situation difficile.
Phénélope Sémavoine, diplômée de Sciences-po Paris (2004), a
effectué des missions de communication à Singapour et à Sydney
pour Total, Vodafone et EDS. Elle est aujourd'hui basée à Paris et
peut être contactée par mail:
phenelope.semavoine@gmail.com
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