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Vendredi 13 Decembre 2024  - Le Magazine de la Communication de Crise et Sensible
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 Les jeux vidéo ont modifié ma perception de la Crise

L'art et les crises - Magazine de la communication de crise et sensible vol 16
ISBN
2-916429-16-6

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Le magazine de la communication de crise et sensible
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L’art et les crises
Les jeux vidéo ont modifié ma perception de la Crise. Bilan d’une expérience de jeu de plus de dix ans.
Par Sébastien Jardin

Des millions d’exemplaires vendus, un public plus largement touché que celui des blockbusters du cinéma américain et dont la tranche d’âge va de dix à quarante ans, des scénaristes dignes des plus grands auteurs, une technologie repoussant sans cesse l’expérience de jeu, des stratégies de communication de plus en plus élaborées…

Il est évident que les jeux vidéo d’aujourd’hui sont bien loin de leur ancêtre « Pong ». L’heure est à la complexité, au challenge, à l’esthétisme, au défi solitaire ou en équipe mais surtout au réalisme. Plonger dans la peau d’un agent secret, incarner un soldat d’élite lancée dans une mission a priori perdue d’avance, infiltrer et démanteler des groupes terroristes, revivre les grandes batailles de notre temps ; voilà autant de challenges passionnants que nous permettent de relever les grands éditeurs du marché que sont Ubisoft, Windows Games, Eidos Interactive ou encore Electronic Arts.

L’objectif de cet article est de montrer en quoi l’expérience de jeu des « gamers », ces joueurs occasionnels ou accros qui parcourent les mondes virtuels et les missions proposées, est un nouveau prisme de perception de la Crise ; un espace où la frontière entre virtuel et réel est faite de pointillés plus ou moins espacés. Nous allons soumettre un retour d’expérience et une analyse factuelle basée sur des années de pratique personnelle d’un type de jeu spécifique et très répandu qu’est celui des FPS (First Player Shooter) ; ces jeux où vous prenez part en solo ou en équipe(s) à de périlleuses missions souvent inspirées de faits réels.

Ce mélange entre violence et actualité existe depuis des siècles. Il suffit de parcourir les galeries de peintures du Louvre, d’observer les tableaux présents dans nos Eglises ou encore de lire certaines pièces de théâtre pour en trouver la preuve. Le cinéma a lui aussi joué son rôle : de Top Gun à Rambo en passant par SWAT, violence et actualité se mêlent toujours davantage. Cependant, un grand pas a été franchi avec les jeux vidéo. Nous sommes passés du stade de spectateur à celui d’acteur. Désormais, même si le scénario du jeu suit un ordre conçu à l’avance, le joueur est maître de ses mouvements, de ses actions et de ses choix. Quand je décide d’abattre l’ennemi lambda en premier, c’est moi qui ai fait ce choix et non pas le peintre, l’auteur ou le réalisateur. Etre acteur de son destin et prendre part à de grandes batailles sans risque réel, voilà quelque chose de grisant voire même d’excitant.

Prenons, pour commencer, quelques exemples afin de démontrer en quoi les FPS puisent leurs thèmes dans l’actualité et comment ils s’en inspirent pour plonger le joueur dans un univers où la frontière entre réalité et fiction est ténue :

• Call Of Duty 4 – Modern Warfare : « Jeu de tir en vue subjective qui se déroule dans un contexte contemporain et qui permet de suivre deux conflits fictifs en parallèle. Le premier place le joueur dans la peau d'un marine américain coincé dans une guérilla urbaine au Moyen-Orient, tandis que dans l'autre lui fait incarner un agent d'élite britannique embarqué dans des missions discrètes en Russie et Europe de l'Est.» (www.jeuxvideos.com)

• Crysis : « Jeu de tir à la première personne, Crysis plonge le joueur au coeur des Philippines, sur une île de fort bonne taille à la jungle bien dense, où se trament de sombres affaires. En 2020, l'armée nord-coréenne y est en place, et c'est à vous qu'il incombe de découvrir ce qu'il se passe. » (www.jeuxvideos.com)

• Rainbow Six Vegas : « Jeu de tir à la première personne qui mise tout sur la tactique. Vous dirigez un commando d'élite, en plein Las Vegas, qui se retrouve engagé dans de nombreuses et périlleuses missions d'infiltration et d'arrestations de criminels notoires. Pour vous aider dans votre aventure, vous disposez d'un large panel d'armes. » (www.jeuxvideos.com)

Ces trois exemples font parties des meilleures ventes de ces derniers mois et les prouesses technologiques que l’on expérimente repoussent toujours plus loin l’expérience de jeu. Il suffit de regarder ces captures d’écran pour se rendre compte du niveau de qualité et du réalisme de ces titres. Mais au-delà de la finesse du trait, de la précision du pixel, des mouvements des adversaires calculés sur des modes aléatoires ou encore de l’expression du visage des personnages, apparaît un élément essentiel de la Crise : la perception. Car c’est bel et bien notre perception de la Crise qui se modifie au travers de ces heures passées à planifier des missions, à faire exploser des ponts, à tirer à l’arme lourde depuis un avion sur des troupes au sol…

Les évolutions technologiques renforcent ce sentiment de réalisme et cette modification de notre perception. Il y a, ne serait-ce qu’un ou deux ans, le visage de l’ennemi était imparfait alors que maintenant il ressemble trait pour trait à votre voisin. Si je prends mon expérience personnelle, dans le dernier volet de Call Of Duty cité plus haut, au moment de loger une balle dans la tête d’un ennemi depuis un poste isolé avec un fusil de sniper, j’ai eu un moment d’hésitation me disant : « il a l’air tellement réel ! ». Rassurez-vous, cette hésitation n’a duré qu’un quart de seconde mais il reste vrai que ce réalisme visuel, ces inspirations d’actualité, ces missions confiées virtuellement modifient avec certitude la façon que les joueurs (à commencer par moi-même) ont de percevoir les Crises du monde réel.

Désormais, quand le Journal Télévisé montre les frappes aériennes de l’US Air Force en Iraq, il y a comme un sentiment de déjà vu et même de déjà « vécu ». On se dit « tient, c’est comme sur mon ordinateur » ou alors « il vise moins bien que moi ». Nous avons l’impression de savoir faire ce que l’on voit sur notre écran et l’impact de ce que nous est présenté perd ainsi de sa puissance. Ce qui est paradoxal et intéressant c’est que quand le même Journal Télévisé montre le résultat au sol de ces frappes et les conséquences sur les populations, cela engendre une réaction de dégoût et d’horreur. Nous touchons là un point crucial dans le sujet de la perception de la Crise : le référentiel.

C’est de ce référentiel que dépend la modification dans la perception de la Crise. Par référentiel, entendons le référentiel historique et social, cette conscience qui permet de faire la différence entre réel et virtuel. En effet, à la lecture de ces quelques lignes, on peut être tenté de dire que les jeux vidéo rendent agressifs et banalisent la violence. Nous sommes ici dans le même débat que celui engendré par l’affaire du lycée de Columbine de laquelle sont nées de nouvelles critiques envers l’icône rock qu’est Marilyn Manson. Pour ma part, je ne pense pas que les jeux vidéo rendent violents ; pas plus que la musique ne peut le faire. Ils sont un amusement et/ou un défouloir mais pas une graine de haine plantée dans le terrain fertile de notre jeunesse innocente. Ce positionnement possède néanmoins une condition nécessaire : être doté d’un référentiel de valeurs qui permet d’établir une frontière claire entre les phases virtuelles de jeu et les horreurs du combat réel. Certes, les militaires, qu’ils soient pilotes ou fantassins, s’entraînent de plus en plus au travers de jeux vidéo. Cependant, eux seuls sont sur le terrain à risquer leur vie. Les « gamers » dont je fais partie ne connaissent pas le stress de la balle perdue ou de l’opération de nuit. Nous ne faisons que jouer et c’est l’éducation reçue, le référentiel historique et social possédé qui permet de faire la différence entre réel et virtuel. Il est néanmoins vrai que si ce référentiel se dissipe, il est possible de perdre pieds et d’adopter un comportement violent.

Cette habitude que nous prenons au travers des jeux vidéo change la perception de la Crise. La Crise transmise par les Médias perd de son impact mais ne désolidarise pas du sort des personnes que nous y voyons si et seulement si nous possédons un référentiel historique et social solide. C’est également la raison pour laquelle je ne pense pas non plus que les jeux vidéo nous individualisent. Afin de prouver ce point de vue, il suffit de voir l’attention que les éditeurs mettent à faire tendre leurs titres vers le mode multi joueurs et le succès de ces derniers grâce à de nouvelles missions et de nouvelles options de jeu. Le sentiment d’équipe revient donc bel et bien au goût du jour et c’est ce que les joueurs les plus accros recherchent de plus en plus. Après tout, est-ce plus intéressant de partager ses exploits avec ses équipiers ou avec sa souris et son clavier ?!

Les FPS jouent un rôle dans l’évolution de la perception de la Crise pour les « gamers » mais n’en sont pas la seule explication. Nous pouvons ici nous poser rapidement la question de la démocratisation des compétitions de paint-ball ou de la diffusion massive de combat réel (« free fight ») sur les chaînes du satellite sur cette perception de la Crise. Même si les jeux vidéo ne constituent pas la seule explication de la modification de notre perception de la Crise, il n’est pas moins vrai que les angles des articles et les prises de vue des photographes de guerre devront compter avec l’expérience virtuelle des conflits armés qu’ont des millions de joueurs sur la planète. Irons-nous à la surenchère ? Peut-être. Quoi qu’il en soit, les Médias devront à présent véhiculer leurs messages en fonction d’un public de plus en plus averti et armé dans un monde où la frontière entre violence, réalité et actualité est floue.

SJ

 

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https://www.ihemi.fr/publications/cahiers-de-la-securite-et-de-la-justice/vers-une-securite-sanitaire-premieres-lecons-dune-crise

France.Forêts
Participation de Didier Heiderich au JTN du CNPF (Centre national de la propriété forestière),sur les enjeux sensibles et sociétaux, la communication sensible et de crise, mars 2022
 

Monde.Analyse
Comment la diplomatie du blé russe menace la sécurité alimentaire mondiale, par Didier Heiderich parue dans Les Echos, mars 2022
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-comment-la-diplomatie-du-ble-russe-menace-la-securite-alimentaire-mondiale-1392453

France.Conférence
Conférence de Didier Heiderich au CJD, décembre 2021 sur la gestion de crise

France.Analyse
Interview de Didier Heiderich dans l’Abécédaire « Nous sommes devenus intolérants au risque », novembre 21
https://www.labecedaire.fr/2021/11/09/nous-sommes-devenus-intolerants-au-risque/

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Guadeloupe.CCI - "Webinar avec l'OIC clés de gestion et de communication de crise". Octobre 2020

 

France.Forêt - "WebTV avec l'OIC projet CHALFRAX : Le Frêne face à la chalarose, les défis de demain". Octobre 2020 - Voir

 

France.Communication - "Comment débattre des sujets qui font peur ?", Conférence Youmatter et l'Andra, juin 2020 - Lire le CR

 

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