Les communicants de Crise sont les agents secrets de la
Communication. Ils sont ceux qui agissent pour que le pire
n’arrive pas et sont aussi ceux qui réagissent quand, malgré
toutes leurs anticipations, la situation leur échappe. Ils ont de
grandes qualités d’anticipation, de visualisation et de réseau
mais tout n’est pas pour autant prévisible. Parfois, les choses ne
se passent pas comme prévu et c’est à leurs qualités d’adaptation
que l’on reconnaît les grands de ce métier. En résumé, il leur est
nécessaire de savoir prévoir, analyser, agir et réagir. Ces quatre
qualités se traduisent dans le réel au travers d’actions diverses
(établissement de scénarios, entraînements et simulations,
entretien d’un réseau activable à tout moment…). Tout ceci à un
coût et dans le monde dans lequel nous vivons il est nécessaire de
pouvoir calculer le retour sur investissement (R.O.I) lié aux
dépenses effectuées dans la conduite de telles actions.
Calculer les retombées d’actions de Communication n’est pas une
chose facile. Pour ce faire, nous pouvons utiliser diverses
méthodes (volume de leads générés après un événement, nombre de
parutions Presse faisant suite à un communiqué, évolution des
sondages d’image…). Mais ce n’est pas une Science exacte. Ici,
deux et deux ne font pas quatre mais peut-être trois ou cinq.
C’est ce qui fait la difficulté et l’intérêt de ce métier. Et s’il
est aussi difficile de calculer le fameux R.O.I des actions de
Communication, imaginez l’ampleur de la tâche quand il s’agit de
Communication de Crise. Car contrairement aux autres volets du
métier, le but ici n’est pas d’être vu. Et quand c’est tout de
même le cas, la discrétion et l’action sont de rigueur. Dans ce
cadre, on comprend aisément que calculer les retombées d’une
action qui a pour but qu’une autre ne se produise potentiellement
pas est loin d’être une chose facile.
Cependant, il nous faut admettre que les « coutumes financières
» de nos entreprises modernes nous poussent à calculer le R.O.I de
toute action. Et ceci n’est pas une mauvaise chose. Il s’agit d’un
point de vue positif et favorable au développement du métier ne
serait-ce que pour gagner en crédibilité vis-à-vis de l’interne où
tout se réfère au ratio dépense-bénéfice. Enfin, la Communication
obéît aux mêmes règles que les Ventes, la Finance, le Marketing…
et il semble que ce soit la direction que poussent les grandes
structures entrepreneuriales de ce monde. La question suivante est
donc de savoir s’il est possible du passer de pourquoi au comment.
Ici encore, les Statistiques et autres Probabilités nous seront
d’une grande aide. Comment faire pour associer un R.O.I précis à
une action de Communication qui par définition est difficilement
mesurable ? La tâche n’est pas de tout repos. Nous préférerons
donc les pourcentages aux valeurs absolues et le fameux
résonnement par l’absurde mathématique fera partie de la méthode
de calcul. Prenons un exemple concret : le film Super Size Me,
sorti en 2004, attaque de manière frontale la firme américaine
mondialement connue Mac Donald’s. Dans ce documentaire piquant,
Morgan Spurlock traverse les Etats-Unis, interroge des
spécialistes dans plus de vingt villes et décide de mener sur
lui-même une expérience aux résultats accablants pour Ronny : le
régime MacMuffin, Big Mac, Royal Cheese, frites et coca est
néfaste pour la Santé et ce en un laps de temps très court.
Face à cette menace et à cette attaque publique, comment a
réagit « la marque au M jaune » ? Il s’agit ici bien de réaction
car une attaque aussi frontale n’avait jamais eu lieu. Mac
Donald’s tentait de s’acheter une image plus saine depuis quelques
années entre autres par le biais de sponsoring de sportifs. Mais
là !! Mais là l’estocade était vraiment directe et, qui plus est,
relayée par les médias de la Terre entière. Ce n’est pas pour
autant que nos hamburgers et nos frites ont changé de composition.
Au contraire, les « fondamentaux culinaires » de l’entreprise
n’ont pas changé. Ils se sont simplement diversifiés au travers de
salades et autres menus réputés moins gras que le traditionnel
double steak dans un sandwich saturé de sucres et de graisses. Et
le fait est que cette stratégie a été payante car le chiffre
d’affaires de l’entreprise n’a pas sourcillé. Les « anti Mac Do »
le sont encore un peu plus et le reste de monde continue de
profiter du fabuleux goût du Big Tasty (sans mauvais jeu de mots).
Une stratégie payante certes, mais pourquoi une telle stratégie
? Pourquoi avoir dépensé de l’argent et de l’énergie à créer de
nouveaux menus, à travailler sur un positionnement modifié, à
changer une partie de sa Supply Chain ? Que ce serait-il passé si
Mac Donald’s n’avait rien fait ? A vrai dire, qui peut le savoir
étant donné que, par définition, « tout ce qui n’est pas n’a pas
lieu d’être » et que Mac Do a fait un choix ? Question rhétorique
et non neuve mais qui soulève une fois de plus la question du
calcul des retombées d’une action de Communication de Crise.
En réalité, la stratégie menée par Mac Donald’s était très
judicieuse. L’entreprise possède une renommée mondiale et sa part
de marché est impressionnante. Mais ce n’est pas pour autant
qu’ils peuvent se permettre d’arrêter d’être présents sur la place
publique. Grâce à ce film, ils ont bénéficié d’une focale
médiatique, d’une mise en lumière gratuite. Super Size Me a donc
été un moteur publicitaire plus qu’une vraie menace. Et c’est la
façon donc a réagit Mac Do qui nous fait penser cela. Mais
peut-être que rien n’aurait été différent si la firme n’avait pas
communiqué ; ou peut-être que si... Qui sait ? C’est la raison
pour laquelle, dans le but de justifier les dépenses faites dans
ces actions de Communication, il est préférable d’utiliser les
Probabilités. Par exemple dire : « dans le contexte actuel où
notre taux de Top Of Mind est de x%, il nous semble cohérent de
dépenser y euros pour empêcher qu’il tombe plus bas car tout point
perdu représente potentiellement z clients et un chiffre
d’affaires de z’ euros. » Les adeptes des valeurs absolues ne vont
pas aimer, mais telle est la réalité de ce métier. Il est crucial
de s’appuyer sur divers indicateurs dont le Top Of Mind fait
partie. Et c’est sur leur base, leur niveau et leur évolution que
nous pouvons justifier nos dépenses. Plus leur nombre sera
important, plus la mesure sera précise et plus nos justifications
financières seront cohérentes avec la réalité. Attention tout de
même à ne pas se perdre dans une avalanche de méthodes de calculs
et de ratios, mais en avoir quelques un bien choisis est
nécessaire.
Il ne s’agit pas ici d’un aveu d’impuissance. Au contraire il
s’agit de l’affirmation de la difficulté de mesurer le R.O.I des
actions de Communication et encore plus de celles de Communication
de Crise. Il s’agit de dire que ce métier vit dans la Potentialité
et l’Anticipation où le « peut-être » et le « et si » sont deux
formules souvent usitées. Il s’agit de reconnaître le fait que
rien n’est certain dans ce monde et que nous sommes amenés à faire
des choix qu’il faut respecter et qui s’affinent avec le temps et
l’expérience. Enfin, il s’agit d’appuyer une idée cruciale : si
les entreprises ne communiquent pas et n’anticipent pas leur
Communication, elles courent un grave danger car elles risquent
d’être perdue de vue du terrain et de perdre de vue ledit terrain.
N’hésitons donc pas à dépenser afin d’éviter cette situation
catastrophique mais sans jeter l’argent par les fenêtres et en
essayant autant que faire se peut de mesurer le R.O.I de nos
actions.
Sébastien JARDIN Ingénieur Commercial Logiciel
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