« Payer pour être sauvé : la nouvelle réponse aux
catastrophes » est un article signé Naomi Klein en août 2006.
Selon l’auteur de « No logo », la Croix-Rouge américaine a annoncé
au printemps dernier un partenariat avec Wal-Mart en réponse aux
catastrophes : lorsque le prochain ouragan frappera les
États-Unis, la réponse sera une coproduction signée « Big Aid » et
« Big Box. »
Il s’agit, précise Naomi Klein, de l’enseignement tiré par le
gouvernement U.S suite à l’ouragan Katrina : le business est
bénéfique aux catastrophes. Dans ce texte, Naomi Klein nous alerte
sur cette nouvelle tentation : laisser le monde des affaires
occuper le terrain des secours en cas de catastrophes. Cette
critique du désengagement progressif de l’état fédéral dans ses
domaines régaliens n’est pas exclusivement militante. Naomi Klein
interpelle la société civile avec laquelle le contrat moral est
rompu – sans préavis - pour céder le pas au contrat commercial.
Naomi Klein précise que le désengagement de l’état US de sa
mission de protection de la population est déjà en marche. Sous
l’administration Bush, nombre de départements et en particulier
celui de la protection du territoire n’ont plus d’autres fonctions
que de passer des commandes à des entreprises privées. Le postula
de l’administration Bush est vieux comme les idées reçues : le
privé motivé par le profit est - quoi qu’il arrive - plus efficace
que les services gouvernementaux.
Pour Naomi Klein, nous en connaissons les résultats en Nouvelle
Orléans : Washington fut en incapacité d’agir et notoirement
incompétent dans la gestion de la crise. Il y a une cause à cela.
Elle explique que déposséder le secteur public de l’expertise pour
la transférer au secteur privé permet aisément de démontrer que ce
dernier possède des technologies et des moyens infiniment
supérieurs. Nous pourrions le reformuler différemment : supprimer
le matériel et les budgets aux pompiers pour les donner au privé
et il sera facile de constater l’incompétence des soldats du feu.
Dans son article, elle dénonce également le coût réel de ces
opérations, coût financier et coût humain. Elle nous rappelle que
lors de l’ouragan Katrina, les plus pauvres sont restés sur leurs
toits à attendre des secours qui ne sont jamais arrivés. Elle
enfonce le clou en posant une question plus pertinente qu’on peut
le supposer : faut-il sauver uniquement ceux qui peuvent payer ?
Pour le démontrer, elle met en exergue le système médical
américain qui bannit les pauvres et une franche de plus en plus
large de la middle class.
Il faut cependant éviter de jeter le bébé avec l’eau du bain.
Nombre de compétences et moyens appartiennent à la sphère privée
et consécutivement à une crise majeure, il sera utile de pouvoir y
recourir. Le problème n’est même pas idéologique : le capitalisme
décomplexé a depuis longtemps avoué que son seul et unique
objectif est le profit. Cette vocation n’a aucun rapport avec ce
qui constitue la société civile et ses ressorts : la démocratie *,
la protection du territoire et des personnes, la solidarité
exprimée par le service public. Dans le partage des compétences,
tout ne peut donc pas être confié à ce que Naomi Klein appelle «
les magiciens de la reconstruction » qui ont une fâcheuse tendance
à se multiplier… lorsque les décombres ont été débarrassés des
cadavres. Je compléterai en précisant que nous avons vu par
ailleurs des fonds d’investissement parier sur une nouvelle
catastrophe du type Katrina et miser ainsi sur une augmentation du
prix du gaz aux USA. Cette fois, ils ont perdu leur mise. Tant
mieux pour tous ceux qui n’ont pas eu à souffrir d’un nouveau
Katrina. Mais poussons le cynisme un peu plus loin : pourquoi ne
pas investir, avec l’espoir de voir des milliers de morts suite à
des cataclysmes, dans des sociétés de « coroners » ? Avec cette
question : « une catastrophe, ça rapporte combien ? » Bien sûr,
tout ceci n’est pas imaginable au Canada ** et en Europe. Quoi
que. A quand un contrat Wal-Mart – Sécurité civile en France ?
D.H.
Disaster Relief -- for Profit Will government-contracted
private firms ever charge us for emergency services? By Naomi
Klein, August 29, 2006, L.A Times
http://www.latimes.com/news/opinion/la-oe-klein29aug29,0,2835309.story
NAOMI KLEIN's book on disaster capitalism will be published in
spring 2007.
* En Chine, le capitalisme se passe très bien de la démocratie.
** Trop tard, la Croix-Rouge Canadienne a également signé un
contrat avec Wal-Mart.
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