Nihib novi sub sole de dire que nous vivons aujourd’hui dans
un environnement crisogène. Cette crisogénéïté croit de jour en
jour. N’entendons-nous pas parler tous les jours de risques
économiques, de risques sanitaires ou de risques météorologiques ?
Il nous suffit d’allumer la télévision à 20h pour avoir la réponse
à cette question. Rien de nouveau donc de dire que le monde dans
lequel nous nous débattons est empli de peurs qui sont autant de
facteurs de crises. Et quand on se concentre sur la question de la
pérennisation de l’activité de nos entreprises, on ne peut que
comprendre les craintes que nos managers ont sur l’avenir.
C’est dans ce cadre que nous, professionnels de la
Communication, devons agir au quotidien. Après tout, la paix n’est
que le court laps de temps qui sépare deux crises. Et pour que ce
laps de temps soit le plus long possible, nous avons à disposition
de nombreux outils. J’entends par outils, les outils de gestion et
d’anticipation de la crise : les scénarios de Crise, les veilles
technologiques, les veilles de la Presse… Autant de moyens dont
nous disposons pour prévenir plutôt que guérir car savoir gérer
une crise c’est bien, mais ne pas en avoir c’est mieux.
Désormais, il existe un nouvel outil dont disposent les
entreprises pour anticiper et leur gérer la crise : les Users
Groups. Chez IBM par exemple, cette évolution prend la forme de
deux associations indépendantes de clients de La Compagnie.
L’objectif de ces associations est de travailler en synergie avec
l’entreprise pour faire évoluer ses produits et services dans la
meilleure relation de satisfaction possible des deux parties. Dans
le cas d’IBM les Groupes d’Utilisateurs Indépendants, qui
regroupent des clients d’entreprises diverses et parfois
concurrentes, travaillent ensemble au sein de groupes de travail
touchant à des problématiques communes (ex : Sécurité, Mobilité du
Poste de Travail…). Cette collaboration avantageuse entre clients
crée une double valeur ajoutée : pour les Utilisateurs, il s’agit
d’optimiser les produits et services IBM qu’ils utilisent, mais
aussi d’influencer l’entreprise vers les pistes d’amélioration et
les besoins du futur. Et pour IBM il s’agit d’une remarquable
opportunité de savoir ce que pensent ses clients de ses solutions,
de savoir la manière dont ils s’en servent, de savoir ce qui
pourrait être amélioré et enfin de connaître leurs besoins futurs.
Ainsi, la Stratégie et la R&D de La Compagnie se trouvent
modifiées dans un sens voulu à la fois par IBM et par ses clients.
Les stratégies Users Groups sont innovantes dans le sens où
c’est la première fois que les clients sont écoutés, compris et
intégrés aux arcanes de l’entreprise. Il ne s’agit pas seulement
de mettre en place un service de relation clients ayant pour but
de faire remonter l’information unilatéralement. Il ne s’agit pas
non plus des processus CRM mis en place actuellement sous la forme
de grandes interfaces informatiques de stockage de données
clients. Il s’agit d’aller plus loin. Il s’agit de créer les
réseaux d’écoute et d’échange entre l’entreprise et ses
Utilisateurs. Le tout dans une optique constructive de travail en
synergie. Avec les Users Groups, par exemple au travers des
groupes de travail ou des conférences nationales, l’entreprise et
ses clients se connaissent, s’écoutent et se comprennent. Il
s’agit donc d’aller beaucoup plus loin de les anciennes stratégies
de relation clients. Ici, l’entreprise est réellement « customer
oriented » et en situation de communication au sens premier du
terme.
Alors, vous allez me dire « mais qu’est-ce que cette customer
orientation a à voir avec la Communication en général, et la
Communication de Crise en particulier ? ». Et vous aurez raison de
vous poser la question car à première vue la réponse est « pas
grand-chose ». Et pourtant… Et pourtant cette prise de conscience
de l’importance de considérer réellement son client représente une
richesse gigantesque pour nos entreprises. De nos jours la manière
de vendre un produit ou un service est souvent plus importante que
le produit ou le service lui-même. Il est donc cohérent de se
tourner vers les clients ; d’autant plus qu’ils sont de plus en
plus volatiles. Ce besoin de relation client est motivé par la
difficulté de fidéliser ses clients, mais pas n’importe lesquels.
En effet tous les clients ne sont pas bons à conserver (cf. « The
mis-management of customer loyalty » de Werner Reinartz et V.
Kumar, Harvard Business Review, juillet 2002), et les données
recueillies grâce aux supports CRM mis en place permettent de
faire ce tri et ainsi de mettre en place les stratégies adaptées à
chaque segment (ex : fidélisation, push, pull…). En agissant de la
sorte, les entreprises sont capables de satisfaire, à un niveau
comparable à un optimum de Pareto, leurs clients.
Mais la segmentation des clients par les processus CRM actuels
montre ses limites aujourd’hui. Les raisons sont multiples : une
trop grande focalisation sur l’aspect logiciel, une mauvaise
gestion des bases de données… ou tout « simplement » une
complexification du public. Cette complexification pousse les
entreprises à remettre en question leur CRM. Une évolution est
nécessaire. Elle est déclenchée par la stratégie Users Groups.
Les Users Groups représentent un formidable levier de
fidélisation clientèle et conduit à faire évoluer leurs produits
et services dans un sens dessiné conjointement avec les acteurs de
leur marché. Il s’agit aussi d’un excellent moyen de faire évoluer
les CRM mis en place vers un niveau d’efficacité et de ROI
supérieur. Et enfin, les Users Groups symbolisent la
concrétisation d’un concept clef, mais peu souvent appliqué
réellement : celui du client-partenaire. Dans les entreprises qui
poussent leurs clients à la mise en place de Groupes
d’Utilisateurs Indépendants, le concept du client-partenaire sort
de son illusion communicationnelle, de son galvaudage actuel pour
entrer de pleins pieds dans la réalité et enfin porter ses fruits.
Là encore, vous allez me demander « et alors, quel est le
rapport avec la Communication de Crise ? ». Je vous répondrais que
considérer ses clients comme des partenaires constitue un
formidable moyen d’anticiper et de prévenir les crises. Selon moi,
créer un réseau performant en terme de synergies entre
l’entreprise et ses clients est un parfait outil de veille. Les
clients et les fournisseurs auxquels ils sont rattachés forment un
tout, un système complet et équilibré sur lequel les crises
externes auront moins de prises. Les crises seront ainsi perçues
comme une formidable opportunité d’évolution. Un exemple marquant
est celui qui s’est mis en place depuis 11 septembre. L’attaque
terroriste sur le World Trade Center a soulevé une problématique
générale de sécurité autour des bâtiments, des sites, de
l’informatique… Les entreprises ont échangé et se sont entraidées
sur ce sujet, ce qui a entrainé une forte création de valeur
ajoutée. Et la réaction d’août 2006 des autorités en place à
l’aéroport international d’Heathrow en est la preuve : en
collaborant et en travaillant ensemble, elles ont évité une
gigantesque catastrophe terroriste.
Toutes mesures et proportions gardées, c’est aussi ce qui se
passe au sein des groupes de travail des Groupes d’Utilisateurs.
En leur sein, une forte valeur ajoutée est créée pour tous les
acteurs en présence. Et cette valeur ajoutée, ce réseau créé par
des actions de Communication de Proximité est très utile dans
l’anticipation et la gestion de la crise. Imaginons un cas
théorique : il s’agit d’une entreprise présente sur un secteur
concurrentiel ; celui de l’informatique par exemple. Sur ce marché
tout va très vite et la satisfaction des clients, qui passe par
une adéquation des capacités des solutions détenues à leurs
besoins, est fondamentale. Dans ce cadre, si l’entreprise a été
capable de construire un réseau basé sur les Users et sur la
notion de client-partenaire, le risque de perte de satisfaction
client est diminué. Il est diminué en raison de deux choses :
grâce à son réseau d’Utilisateurs l’entreprise est capable de
connaître les attentes de ses clients et d’orienter à temps sa
R&D, ce qui fait chuter considérablement le risque de décalage
avec les attentes clients. Ceci paraît évident étant donné que se
sont les Utilisateurs eux-mêmes qui travaillent à l’évolution des
produits de l’entreprise. Par ail-leurs, si une crise a tout de
même lieu, les relations de confiance créées grâce aux nombreuses
interactions entre clients et fournisseur diminuent les impacts de
la crise sur le système. De façon résumée, en considérant ses
clients comme des partenaires, cela revient à dire qu’ils font
partie de l’entreprise. Et que font les membres d’un groupe quand
une crise apparaît ? Ils s’entraident et se servent de la crise
comme d’un moyen de rebondir.
Le réseau des Users Groups se présente donc comme un outil
d’anticipation de la Crise. Et dans le cas où une Crise
apparaîtrait, les liens de confiance et le travail de longue
haleine effectué entre les Utilisateurs et leur fournisseur de
produits et services vont créer une zone permettant de subjuguer
les effets d’une crise éventuelle. Dans ce cas, la crise est
anticipée et ses effets seront positifs. En mélangeant les
concepts de Users Groups et de Wei-ji, les entreprises et les
clients se fortifient mutuellement et pérennisent leurs activités.
Sébastien Jardin, Ingénieur Commercial IBM
Magazine de la communication de crise et sensible.
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