Dans son récent article "L’esprit
Wei-Ji",
Didier Heiderich (Magazine de la Communication de Crise et
Sensible N°11) rappelle un des principes de communication à
adopter face à la crise : ne pas voir dans la crise simplement le
danger qu'elle représente, mais tenter de saisir l'opportunité que
peut représenter la crise, à l'instar de toute situation de
changement. Cette piste de réflexion avait été avancée dès 1995
par Jean-Marc Lehu ("Pepsi-Cola : l'été de tous les dangers",
Décision Marketing N°4)
Cette approche de la gestion de crise est représentée par
l'idéogramme chinois signifiant "crise", cet idéogramme étant la
résultante de l'association de deux idéogrammes "Wei" danger +
"Ji" opportunité
Cette présentation, si elle ne prouve pas à elle seule la
pertinence de la démarche, a le mérite de focaliser notre
attention sur un point primordial de la gestion des crises, que ce
soit dans le domaine de la communication ou dans les autres
domaines du management " les crises ne sont pas à éviter, ni
inutiles, ni surprenantes. Elles sont présentes. Seule la tension
compte" (Didier Heiderich - Magazine de la Communication de Crise
et Sensible N°11)
Pour autant, il nous semble pertinent d'apporter quelques
éléments complémentaires, qui, nous l'espérons, pourront
contribuer à la réflexion. Un public moins averti ou moins
convaincu de la pertinence de la démarche pourrait penser la crise
en terme manichéen. Or, nous savons que la crise, si elle peut
représenter une opportunité, n'en demeure pas moins une source de
danger ; ignorer cette donnée, c'est s'interdire toute action qui
viserait à abou-tir à une sortie de crise favorable pour
l'organisation. C'est peut-être une des raisons pour laquelle,
parce qu'il ne décèle pas immédiatement le caractère favorable que
peut représenter une situation de crise, que le manager - qui a
déjà fort à faire pour tenter de sortir de la crise - se contente
de gérer la situation du seul point de vue du danger qu'elle
représente, l'opportunité étant généralement beaucoup moins
évidente en première analyse.
En restant dans le cadre de la langue chinoise, nous proposons
de replacer les termes de danger et d'opportunité, tels qu'ils
sont traduits par l'écriture idéogrammatique, symbolique avant
tout (souligné en particulier par François Cheng L'écriture
poétique chinoise, Seuil, 1977).
Le danger
Il se traduit par l'association de deux idéogrammes et non d'un
seul : "wei xan" "Wei" à lui seul signifie "suspendu". "Xan"
contextualise cette suspension et donne la pleine signification de
"danger".
L'opportunité
Le mot est également la résultante de l'association également
de deux signes "ji hui". "ji" signifie "chance", "hui" signifie
"réunir"
L'association des deux idéogrammes radicaux "wei" + "ji"
signifiant "crise" prend alors une signification particulière,
peut-être plus riche, tout du moins plus complexe que la "simple"
dichotomie "danger / opportunité". Paradoxalement elle est
peut-être plus explicite du point de vue de l'opportunité
qu'induit la crise : "wei ji" pourrait en effet se traduire
également comme la "chance suspendue". "Suspendue" étant entendu à
la fois comme "possible" (déjà la chance), mais également comme
"susceptible de chuter" (présence du danger). L'ambiguïté du signe
"wei" traduit bien ce qu'est une situation de crise : ambiguë,
protéiforme, changeante, instable.
Nous nous situons alors dans une situation, non seulement de
tension, mais également de vide et de plein (le vide étant aussi
important, si ce n'est plus que le plein dans la culture chinoise,
en particulier dans l'art pictural), dans un entre-deux chargé
d'incertitudes, de pièges et de faux-semblants que seule une
analyse poussée de la situation donnée pourra définir (peut-être)
précisément. Cette analyse ne peut être qu'euristique, chaque
donnée étudiée pouvant modifier notre point de vue vis à vis des
données antérieures
L'approche opportuniste de la crise prend alors, selon nous
tout son sens : ne pas tenter de saisir l'opportunité d'une crise,
c'est laisser passer une chance, peut-être cachée, mais à portée
de main. Mais il faut pour cela savoir jouer avec ce que l'on
sait, ce qui nous est donné à voir (le plein), mais également avec
ce que nous ne voyons pas (le vide).
Stéphane Saint Pol IAE de Lille.
Magazine de la communication de crise et sensible.
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