Le groupe PSA s’attendait-il à des menaces de boycott après
l’annonce de la fermeture de l'usine de Ryton qui emploie 2300
personnes ? Visiblement non. Exemple si souvent cité en France,
l’Angleterre devait être un havre recelant des employés pacifiés.
Faute de dialogue social, deux syndicats britanniques ont décidé
de taper là où ça fait mal. Face à cette situation inattendue, PSA
perd son sang froid, fait voler en éclat les principes
fondamentaux de la communication de crise et se retrouve en
mauvaise posture.
Une capacité de mobilisation probablement sous-estimée.
Les clichés ont la vie dure. Celui de l’anglais tout acquis à la
cause du libéralisme économique en est un. Mais tous ceux qui
connaissent l’Angleterre pourront vous dire qu’à quelques yards de
la City, le raz le bol se généralise. Ce pays, inventeur du
travailleur pauvre en Europe de l’ouest, connaît depuis les années
Thatcher la plus grande croissance des inégalités des pays du G7,
même si le 23 Juin 2005, Tony Blair dans son discours au parlement
dénonçait « l'idée que la Grande-Bretagne est saisie par une
espèce de philosophie de marché anglo-saxon extrême, foulant aux
pieds les pauvres et les déshérités.» Les crises surgissent de
l’ignorance. PSA sera resté autiste face à la tension sociale qui
règne outre manche : l’annonce brutale du déménagement d’une usine
bénéficiaire vers un pays de l’Est n’est pas un acte anodin, même
en Angleterre.
La liberté de licencier à l’origine du boycott. Le
faible coût des licenciements en Grande-Bretagne et l’absence de
dispositifs sociaux protecteurs permettant de licencier à grande
échelle sans être inquiété juridiquement obligent les syndicats à
manœuvrer à la marge du dialogue social. C’est ici que l’on trouve
les limites de la vacuité de protections sociales. D’abord, elle
laisse les dirigeants des entreprises s’enfermer dans des
croyances managériales qui confondent pensée politique,
législation et réalité du terrain pour finalement créer les
conditions de la prise de décisions qui pourront s’avérer
contreproductives. Ensuite, elle oblige les syndicats, ouvriers et
employés à réagir sur des terrains hors du champ régalien, de
trouver des moyens d’action sur les terres du libéralisme
économique seule case encore présente de l’échiquier économique.
Aujourd’hui, il s’agit de l’appel au boycott, demain d’autres
actions, peut-être plus violentes sont à redouter.
Peugeot perd son calme et montre ses griffes. Le moins
que l’on puisse affirmer est que la première réaction de PSA fut
contre productive. Agacé et au lieu de calmer le débat, selon Les
Echos, « en cas de boycott, elle pourrait revoir sa décision de
fermer l'usine en deux temps, et opter pour une mesure plus
brutale, ou encore réviser à la baisse les montants qu'elle compte
verser aux salariés qui perdront leurs postes. » Si d’un point de
vue industriel la fermeture anticipée d’une usine est probablement
plus complexe à réaliser que d’en faire l’annonce, PSA démontre
avec cette réponse que la menace de boycott porte ses fruits.
Pire, la brutalité de cette réponse, loin de calmer le jeu, risque
de mobiliser l’opinion contre le constructeur. Cette réaction - à
fleur de peau –légitime l’appel au boycott, laisse entendre à
l’opinion britannique – et donc aux clients de Peugeot
outre-manche et aussi en Europe – que la marque n’a cure de la
responsabilité sociale même si PSA annonce fièrement sur son site
dédié à la RSE : « La politique de relations et ressources
humaines de PSA Peugeot Citroën constitue un atout majeur pour la
croissance et la performance économique durable du groupe.»
PSA verra ses ventes diminuer. "If Peugeot-Citroën
believe they can just leave the UK without any consequences for
their market share I have a message for them - we are not going
away" déclarait Jim O'Boyle du “Transport and General Workers'
Union”, l’un des syndicats appellant au boycott, le 24 Juin 2006
au micro de la BBC. Car meme si la coupe du monde de football fait
oublier cette crise en France, celle-ci perdure en
Grande-Bretagne. Or, dans la décision d’achat d’un véhicule la RSE
(Responsabilité Sociale et Environnementale) prend une place de
plus en plus importante, terrain perdu pour Peugeot UK, sans
compter avec le patriotisme économique de plus en plus en vogue.
Dans le choix final de l’achat d’un véhicule, dans l’hésitation du
consommateur entre deux voitures de marque différentes, cette
crise aura très certainement des répercutions : les concurrents de
Peugeot peuvent se frotter les mains, sauf Renault qui – en raison
de sa nationalité – pourra subir des dommages collatéraux.
L’impasse. Faute d’avoir su anticiper et gérer cette
crise, PSA a perdu nombre de marges de manœuvre. Faire marche
arrière créerait un précédent intolérable. Le groupe est acculé
sur le terrain de la guérilla, à la négociation au cas par cas,
qui ne pourra en aucun cas redresser son image de marque dans le
cadre de cette crise dont la phase de cicatrisation sera longue.
Didier Heiderich
Voir :
Politique sociale sur le site de PSA
http://sustainability.psa-peugeot-citroen.com/en/index.php?niv1...
L’espace du web de la BBC consacré à la crise
http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/england/coventry_...
Magazine de la communication de crise et sensible.
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