Comme chaque année, nous assistons au ballet de la
production de volumineux rapports annuels de la part des grandes
entreprises cotées. Leur lecture est tout à fait passionnante. Du
moins, la première partie, pour les non-initiés aux éléments
comptables, où l’entreprise explique en détail ses actions de
l’année passée, ouvrant systématiquement sur les perspectives
futures. Car ce qui intéresse le premier lecteur du rapport
annuel, l’actionnaire, c’est l’avenir.
En résumant quelque peu, on constate que les entreprises
insistent sur toutes leurs actions sensées leur apporter un
avantage concurrentiel (gains de productivité, réduction des
charges, efficacité opérationnelle, investissements, …). Par
ailleurs, un thème central est déterminé, autour duquel
l’entreprise vise à convaincre ses actionnaires dont elle va créer
de la valeur encore pour longtemps.
Après la focalisation des années 1990 sur les structures
organisationnelles, la GRH, puis le développement durable et
depuis quelques années, l’innovation, on peut s’interroger sur le
prochain axe central de communication des rap¬ports annuels. Et
pourquoi pas la communication elle-même ?
Les trois sources d’avantages concurrentiels
En 1986, Michael Porter nous proposait une vision renouvelée de
l’avantage concurrentiel au travers de la chaîne de valeur
composée d’activités de soutien (administration, R&D, …), et
d’activités principales (logistique interne et externe,
production, commercialisation et services). Dès lors, se dessinent
trois manières pour une entreprise de faire émerger un avantage
concurrentiel :
- être plus performante que ses concurrents sur au moins un
maillon de la chaîne de valeur,
- mieux coordonner les maillons de la chaîne,
- dans la durée, rendre chaque maillon plus réactif.
Les réponses de la communication
La communication influence l’achat
La première contribution apparaît évidente au regard de la
chaîne de valeur de Porter. La communication peut apporter un
avantage concurrentiel sur le volet commercialisation. C’est le
cas sur les marchés les plus concurrentiels avec des produits
similaires. L’avantage concurrentiel peut provenir de la notoriété
de la marque ou à un moment donné d’une campagne publicitaire
particulièrement efficace. Dès lors, à prix et produits
équivalents, le consommateur se reporte plus facilement sur la
référence dont il a entendu parler.
Par ailleurs, pour les produits hi-tech qui connaissent
aujourd’hui les taux de croissance les plus importants, le cabinet
Mercer a mis en avant les déterminants du choix d’un produit lors
de l’achat. On constate ainsi que les éléments liés à la
communication, à la fois sur le produit mais également au niveau
de la marque et même des actions auprès des relais d’opinion,
jouent un rôle tout à fait prépondérant.
La communication est ainsi, avant le prix et les composantes
techniques du produit, le levier principal de l’acte d’achat.
La communication fluidifie l’organisation de l’entreprise
Concernant la coordination des maillons de la chaîne de valeur,
l’apport d’une communication interne efficace est indéniable. Que
serait le toyotisme sans les systèmes d’affichage et d’échanges
d’information et de motivation ? Nous ne reviendrons pas ici sur
les vertus d’une circulation optimale de l’information entre
services, entre filiales et vis-à-vis des publics externes à
l’entreprise.
Notons cependant que la prolifération des réflexions et des
publications sur ce que l’on appelle les « systèmes d’information
» se concentre essentiellement sur les échanges électroniques de
données. Le volet communication en tant que tel est systématiquement
omis de ces systèmes par ailleurs très efficaces. On aboutit alors
à des « machines de guerre économique » mises en place par des
SSII sans aucun lien avec la culture d’entreprise. Et donc
totalement non différentiantes. Donc sans apport d’avantage
compétitif durable.
A l’heure où l’on voit émerger de véritables mastodontes
transnationaux, avec la reprise des fusions & acquisitions,
l’enjeu de la circulation de l’information au sein de ces
entreprises devient de plus en plus déterminante. A la suite de
rapprochements, les synergies envisagées sur le plan opérationnel
ont du mal à totalement se réaliser pour des raisons souvent liées
à des différences identitaires, culturels et tout simplement de
communication intra-groupe.
La communication au coeur de la gestion des risques
Enfin, et c’est peut-être le point essentiel, la communication
joue un rôle crucial dans la capacité de réactivité d’une
entreprise. C’est notamment le cas de la communication sensible.
Alors que les actionnaires attendent de plus en plus d’information
sur la couverture des risques, les investissements dans des
process de veille de l’opinion et de formation à la communication
de crise représentent un actif indéniable et une mesure indirect
de la capacité de réaction d’une entreprise.
Il est surprenant de constater à quel point l’action des
nouveaux « Risk manager » n’intègre que très peu les éléments de
communication. Alors que dans le même temps, la plupart des
entreprises a pris conscience des enjeux liés aux risques
d’opinion et aux phénomènes de crises médiatiques.
Est-ce par pudeur que les communicants n’arrivent pas à mettre
en avant l’avantage concurrentiel créé par leur activité ? Est-ce
par manque de mesures fiables ? Est-ce tout simplement parce que
la communication n’est pas considérée comme un avantage compétitif
? Au final, l’action de communication n’occupe encore qu’une place
infime dans les productions de données et d’information des
rapports annuels.
La prise en compte et la réévaluation systématique des éléments
de « goodwill » ou de survaleurs des actifs immatériels dans le
cadre de la mise en œuvre des normes comptables IFRS devrait
accélérer la prise de conscience autour de l’avantage compétitif
que représente la communication. D’ores et déjà, les grands
cabinets d’audit et les conseils en stratégie intègrent la
réputation des entreprises dans leurs réflexions. Un signe
précurseur ?
Benoît MATHIEU – Gérant Objectif Opinion
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