Wei et ji - crise, en chinois. En apparence. Car, ce que
nous allons désigner ci-dessous par « le Wei-ji » appartient à
la pensée stratégique. Ce n’est pas pour rien que l’Observatoire
International des Crises (OIC) en a fait son symbole. Petite
introduction à l’esprit Wei-ji.
«
Ce qui ne me détruit pas me rend plus fort. » Ces mots de
Friedrich Nietzsche sont une ouverture à la pensée Wei-ji, pour
laquelle chaque crise possède deux constituants indissociables, le
risque (wei ) et l’opportunité (ji ). Ainsi nous pouvons sortir
plus fort d’une crise, en saisir l’opportunité pour avancer, se
remettre en cause. D’où l’importance des débriefings en sortie de
crise et aussi des indispensables décisions, parfois lourdes,
tellement difficiles à prendre que seule l’importance d’une crise
et de ses conséquences le permettent. La crise comme instrument du
renouvellement : des crises naissent le courage, du courage, la
décision, de la décision l’action. Le risque, l’incident,
l’accident, à l’origine de l’action, en réaction. C’est le point
de vue le plus usité du Wei-ji en occident. Nous en connaissons
la puissance, lorsqu’au sortir de guerres assassines, l’Europe
s’est construite sur l’inimaginable amitié franco-allemande,
pourtant devenue réalité.
Sortir des formats
Mais le Wei-ji est également une mise en garde. Car le risque
(wei ) désigne le danger qui guette à chaque fois que l’ordre
semble établi, que des vérités s’imposent. Les crises naissent des
formats, de la pensée unique, des vérités premières. Les « vérités
», souffle prétentieux et servile de l’ignorance. Le (wei) nous
incite à la remise en cause perpétuelle de ce que nous tenons pour
indéfectible. L’imbécile déclare « il n’y a pas de problèmes, que
des solutions », appel désuet, lorsqu’il n’est pas désespéré, à
asseoir les positions. Appel résolu au conservatisme des formats
dans lesquels seules les variables d’ajustement existent. Le (wei)
demande de dépasser ces mythes. Combien d’entreprises,
d’organisations et d’hommes, voire de civilisations, furent
sacrifiés sur l’autel de l’immobilisme ? Sortir des formats ouvre
le champ de l’opportunité (ji) ; opportunité de comprendre,
d’apprendre, de s’adapter. Le (wei) désigne aussi le risque de
s’éloigner du chemin de la connaissance au profit de la facilité.
Ainsi, la pensée [wei-ji] est un perpétuel avènement autant qu’un
événement. En cela, le [wei-ji] diffère du sens que nous
attribuons généralement au mot « crise », et (wei) au mot « risque
». Comme l’a justement écrit Michel Serres « Nous craignons de
nous trouver démunis de ce qui, précisément, faisait peur à nos
ancêtres : la contingence. » Ces mots trouveront leur écho
dans l’importance des bouleversements et renoncements nécessaires
face à l’enjeu environnemental, face à l’épuisement des ressources
de la planète.
Fragile équilibre
Le [Wei-ji] est l’émanation d’une tension irréductible entre
danger (wei ) et opportunité (ji ). Car, me direz-vous, il nous
faut bien tirer les leçons du passé, trouver un socle sur lequel
construire l’avenir. C’est l’objet permanent de la tension
[wei-ji], du subtil dosage entre le risque de l’immobilisme et
l’opportunité du renoncement au profit du renouvellement.
Dans l’esprit du [wei-ji], les crises ne sont pas à éviter, ni
inutiles, ni surprenantes. Elles sont présentes. Seule la tension
compte.
Nous entrevoyons mal dans l’opportunité (ji ) du Wei-ji la
part du diable. Le Wei-ji nous rassure car, traduit par crise,
nous voulons en voir l’opportunité comme le pendant du danger.
Mais dans cet équilibre, la réciproque est vraie. Et dans un
occident hyper opportuniste, s’accaparant non seulement les
ressources, mais également les esprits, la puissance du (ji ) est
monumentale au point de faire de notre mode de vie un modèle
planétaire de civilisation (sauf en Chine ?) Et n’oublions pas que
la course effrénée du développement et de la croissance appartient
également à l’opportunité (ji ). Et cette amplification du (ji )
ne fait que croître la tension au point que le risque devra
s’imposer à son tour : dans l’esprit [wei-ji], tôt ou tard,
l’harmonie entre (Wei et Ji) sera rétablie. Consubstantiels, le
wei et le ji sont inséparables dans ce que nous nommons « crise »
et forment un fragile équilibre.
Didier Heiderich
Président de l'Observatoire International des Crises
A lire à ce sujet :
Le bon usage de la crise : une affaire de maturité
Par Danielle Rapoport, psychosociologue, directrice du
cabinet DRC, Le Bulletin d’Ilec
Etymologiquement, le terme « crise » vient du grec krisis, qui
renvoie aux notions de sépara-tion, de jugement, donc à
d’éventuelles dissensions et contestations, mais aussi à celles,
plus positives, de décision, de choix et de discernement. Ce qui
implique une capacité d’adaptation et d’évolution : savoir
grandir.
http://www.ilec.asso.fr/EXTRANET/f_publications/f1_...
Comprendre et appliquer Sun Tzu
Pierre Fayard
Prolongement du livre « Comprendre et appliquer Sun Tzu » *,
Pierre Fayard, a créé un blog riche d’enseignements et
passionnant.
http://suntzu.typepad.com/
* COMPRENDRE ET APPLIQUER SUN TZU - LA PENSEE STRATEGIQUE
CHINOISE : UNE SAGESSE EN ACTION -
http://www.jdoqocy.com/click-2732609-10478215?url=http://www.alapage.com/mx/?type=1&tp=F&donnee_ap...
A lire également de Pierre Fayard :
« La faute à l’éléphant. Ou la crise comme refus du
changement. »
http://www.communication-sensible.com/download/elephant.pdf
L’art de la guerre, Sun Tsu
Fallait-il mettre à la disposition du quidam l'Art de la
guerre ? Ce livre qui traite de stratégie militaire, écrit au
Vième siècle avant JC par Sun Tzu est la référence sur l’objet de
la stratégie, transcende le temps et les champs d'application.
Considéré tour à tour comme dangereux, subversif, désigné parfois
comme un traité de la tromperie, il n'en est pas moins un ouvrage
que tous ceux qui s'intéressent, honnêtement ou non au management
stratégique se doivent de connaître.
http://www.communication-sensible.com/download/art-de-la-guerre.pdf
Appel à contribution
Participez à la rédaction du Magazine de la communication de
crise et sensible vol. 12, septembre 2006 sur le thème :
Wei-ji, l’option stratégique
En cinq ans, le Magazine de la Communication de Crise et
Sensible s’est forgé une solide réputation internationale dans
l’univers du management et de la communication.
Pour son numéro de septembre, nous invitons nos contributeurs à se
pencher sur la pensée stratégique sous l’angle [wei-ji] ou celui
de l’Art de la guerre. Il s’agit de mettre en lumière des crises,
événements, actualités (H5N1…), pratiques des entreprises en
situation de crise ou des sujets de société comme le développement
durable ou l’économie mondialisée sous l’angle stratégique.
Pour soumettre vos contributions : info@communication-sensible.com
Article publié dans le Magazine de la communication de crise et
sensible vol. 11
(c) Tous droits réservés par les auteurs
|