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Crises et rumeurs : l’union secrète

Communication de crise - le magazine vol.11
ISBN
2-916429-01-08

Article paru dans :
Le magazine de la communication de crise et sensible
Vol 11 - pdf - 82 pages - 8,5 Mo
   
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Rumeurs
Crises et rumeurs : l’union secrète
Eric Sotto

 

Les situations de crise en entreprise peuvent être déclenchées ou amplifiées par les rumeurs. Ces rumeurs "alarmistes" ou "fatalistes" nuisent essentiellement aux ressources immatérielles de l'entreprise. Cependant malgré leur caractère incontrôlable, il est possible de leur donner un visage, de comprendre leur mode de circulation et d'envisager des actions préventives ou défensives.
C'est l'objet de cet article.

Thierry Libaert ainsi que Christophe Roux-Dufort précisent, d’après une étude menée en 1988 sur cent quatorze entreprises, que celles-ci avaient connu au moins deux situations de crise déclenchée ou amplifiée par les rumeurs dans les trois années précédant l’étude . Pour Allan J. Kimmel, la même entreprise peut être la cible de plusieurs rumeurs (processus “convergent”) et plusieurs entreprises peuvent être victimes d’une même rumeur (processus “divergent”), pas nécessairement en même temps .

Exemple de rumeur génératrice de crise : En 1981, des rumeurs prétendaient que la société Procter & Gamble bénéficiait de financements occultes orchestrés par des sectes sataniques, et que son logo faisait apparaître le chiffre 666 (dans les étoiles et les plis de la barbe du patriarche), c’est-à-dire celui de l’apocalypse. On constata par la suite une chute des ventes dans certaines régions des États-Unis.

Exemple de rumeur amplificatrice de crise : La rumeur de vers de terre dans les steaks hachés McDonald’s pour relever leur taux de protéines, circule au moment où l’enseigne fait face à une crise de confiance avec ses clients en 1999 (crise de la “vache folle”, médiatisation du leader José Bové, dénonciation de la mondialisation et du capitalisme sauvage).

La plupart des rumeurs qui atteignent les entreprises sont noires et nuisent essentiellement aux ressources immatérielles de l’entreprise par des atteintes à la réputation des managers ou des collaborateurs, à l’image de marque, à la notoriété de l'entreprise et entraînent une baisse de cotation des titres en Bourse, une diminution des ventes, un appel au boycott… Ces situations nécessitent des coûts importants en communication de crise, en campagne de publicité pour restaurer l’image, en logistique suite au retour de produits, en traitement téléphonique et gestion du courrier .

Oliviane Brodin élargit le sujet et précise que les marques les plus célèbres semblent concentrer sur leur nom une plus forte probabilité de rumeurs, ainsi que “les produits présentant des éléments de secret” (additif, colorant, composition, recette…) ou “nés de controverses scientifiques de technologies obscures ou mal comprises” (prothèses en silicone, aérosols, rayons ultraviolets, téflon cancérigène, épilepsie et jeux vidéos….) De plus, il faut compter avec les angoisses collectives du moment (paniques alimentaires, dangers pour la santé, risques environnementaux…).

Quant aux chercheurs Difonzo, Bordia et Rosnow , ils mettent en évidence les rumeurs circulant dans les entreprises, suite aux conflits et angoisses des collaborateurs (changement de direction, départ de manager, restructuration, OPA, fusion, acquisition, réduction d’effectif, délocalisation, erreur grave, scandale, procès…) et insistent sur les risques humains (baisse de motivation, perte d’efficacité, déstabilisation psychologique ou départ de collaborateurs).

Enfin, certaines rumeurs sont aussi de redoutables armes informationnelles destinées à déstabiliser la concurrence, comme les propos diffamatoires ou les allégations mensongères. Ce sont des manœuvres informationnelles douteuses qui s’appuient essentiellement sur les ressorts psychologiques des individus et se traduisent par des actions de diversion, de déception, d’intoxication, par la zizanie ou la calomnie .

Un visage sur la rumeur

La rumeur peut se définir comme un phénomène de communication qui apporte d’abord une information multiforme (légende, conte, parodie, canular, polémique, allégation, petite phrase, propos calomnieux…) non vérifiée, quasi anonyme, présentant des doutes sur sa véracité et circulant rapidement dans un groupe social sous une forme écrite ou orale. Cette information est plutôt pessimiste et apparaît surtout en période de crise, au moment où surgissent des catastrophes, accidents, deuils, peurs, angoisses, doutes, incertitudes. On y reviendra…

Même si le message d’origine subit des transformations importantes pendant sa circulation, ce sont surtout les thèmes abordés dans le récit et l’intérêt pour le destinataire qui déterminent son sort. Ainsi, les individus transmettent des rumeurs parce qu’ils sont influencés par les messages :

- qui font appel aux idéaux du moment comme la justice, la liberté, la démocratie, la norme ou qui suscitent des émotions comme la charité, la compassion ou la peur;

- par le sentiment d’appartenance à un groupe de référence (croyances et valeurs partagées) qui pousse les individus à croire aux messages faisant appel à l’émotion ou à l’action collective ;

- par le témoignage de personnes connues pour leur autorité sur le sujet.

On peut mettre en évidence l’importance des crises dans la croyance au récit. Ainsi, pendant les périodes de catastrophes, d’accidents, d’attentats, de deuils, d’événements importants voire ambigus, les rumeurs circulent plus facilement et les angoisses collectives de notre époque sont aujourd’hui des sujets de prédilection dans la transmission des rumeurs. On peut citer en ce début de siècle :

- Les peurs alimentaires (listeria, vache folle  / ESB, OGM, huile frelatée, pesticides, grippe aviaire…)

- Les craintes technologiques et scientifiques (micro-ondes, radioactivité, amiante, virus informatique…)

- Les risques environnementaux (réchauffement de la planète, catastrophes écologiques, matières dangereuses recyclables...)

- Les dangers pour la santé (aiguilles infectées par le virus HIV, vol d’organes, effets secondaires des médicaments, intoxications alimentaires…)

Transmettre une rumeur est aussi un acte spontané. En effet, la rumeur est avant tout un récit bien construit et intéressant à raconter. Tous les individus recherchent la reconnaissance et éprouvent le besoin de communiquer, d’entrer en relation les uns avec les autres. La rumeur favorise ce besoin d’échange.

De plus, le colporteur ne vérifie pas toujours les informations qu’il reçoit et la transmission du message se produit presque automatiquement.

Par ailleurs, la rumeur concerne tous les groupes sociaux sans distinction. Toutefois, ce sont les plus grands consommateurs d’informations qui s’avèrent les plus exposés à la rumeur compte tenu de la quantité d’informations dont ils disposent, ainsi que les groupes bien structurés comme les communautés et les tribus qui constituent de véritables incubateurs.

De surcroît, il est intéressant de noter le rôle des médias qui diffusent la rumeur à ceux qui ne la connaissent pas encore, et accroissent ainsi considérablement sa notoriété.

Neutraliser les facteurs d'éclosion !

Afin d’éviter des conséquences particulièrement coûteuses pour l’entreprise et plus particulièrement pour son patrimoine immatériel et ses finances (communication de crise, campagne de publicité, gestion logistique, traitement de courrier), les managers doivent identifier les facteurs d’éclosion et engager des actions préventives. Ces actions peuvent s’appuyer sur la transparence et l’explication. Par exemple en évitant l’opacité, en expliquant les choix graphiques liés aux logos, à la marque, à la publicité, mais aussi en assurant une communication interne permanente et véridique vis-à-vis de ses collaborateurs, notamment pendant les périodes de crise et d’incertitude.

Des actions complémentaires sont envisageables comme la mise en place d’un dispositif de renseignement économique permettant de repérer puis d’établir un diagnostic précis des rumeurs. Ce dispositif s’articule autour d’une collecte d’information, essentiellement dans la presse et sur Internet, et de la sensibilisation des managers à la création d’un lien direct avec les personnalités influentes (prescripteurs, experts, vedettes, leaders d’opinion, tribus, communautés, réseaux…).

Choisir rapidement une action de communication adaptée au contexte

La connaissance des rumeurs en circulation, la rapidité de réaction et l’utilisation d’une grille de lecture basée sur des critères pertinents comme la véracité, la crédibilité et l’éventuelle identification d’une source, permettent d’envisager des actions stratégiques pour les éteindre ou les maîtriser.

Parmi les actions de communication, on peut mettre en évidence :

- Le rôle du démenti (explication formelle et cohérente qui réfute catégoriquement tous les arguments du récit)

- L’importance de la reconnaissance (reconnaître la part de vérité et mettre en oeuvre un plan de communication de crise)

- L’intérêt du “dépositionnement” (attribuer une nouvelle identité à la rumeur, en accentuant fortement un thème secondaire que l’on estime condamnable)

- La force explicative (mettre en avant le caractère douteux du message, insister sur les incohérences et invraisemblances du récit)

- L’opportunisme ou la récupération (désigner de faux coupables en attribuant le mal à des individus ou à des groupes)

- Le choix du silence (évite d’accroître la notoriété du message)

- Le traitement ironique (ridiculiser une rumeur peu crédible)

- Des actions en justice sont envisageables si la source est identifiée. C’est le cas de la diffamation, du dénigrement, de l’atteinte aux signes distinctifs et de la contrefaçon de marques et d’auteurs. Les résultats sont hypothétiques, mais l’impact auprès du public est important

Malgré le caractère irrationnel du phénomène, les responsables de cellule de crise doivent prendre conscience du "lien" qui unit rumeur et crise, et appréhender son mode de construction (et non pas son interprétation qui relève des croyances et fantasmes) pour identifier des mesures préventives possibles ou des actions combatives rapides.

Eric SOTTO - Professeur-associé à NEGOCIA (Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris)

Auteur de l'ouvrage Entreprise et rumeur : comprendre pour agir, L'esprit du livre éditions, Paris, 2005.

Il intervient auprès des dirigeants et responsables d'entreprises pour les sensibiliser au phénomène ou les appuyer dans le choix d'actions ciblées

Contact : e.sotto@yahoo.fr

Article publié dans le Magazine de la communication de crise et sensible vol. 11

 

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Informations sur la formation à la gestion de crise
 

France.Santé/Collectivité territoriale/IHEMI
Co-écriture de l’article « Covid-19 : un défi pour la gestion des crises sanitaires des Villes avec Anthony Meslé-Carole, directeur risques, résilience et gestion de crise de la Ville de Montreuil, dans le numéro des Cahiers de la sécurité et de la justice : « Vers une sécurité sanitaire ? Premières leçons d’une crise » édité par l’IHEMI, mars 2022
https://www.ihemi.fr/publications/cahiers-de-la-securite-et-de-la-justice/vers-une-securite-sanitaire-premieres-lecons-dune-crise

France.Forêts
Participation de Didier Heiderich au JTN du CNPF (Centre national de la propriété forestière),sur les enjeux sensibles et sociétaux, la communication sensible et de crise, mars 2022
 

Monde.Analyse
Comment la diplomatie du blé russe menace la sécurité alimentaire mondiale, par Didier Heiderich parue dans Les Echos, mars 2022
https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-comment-la-diplomatie-du-ble-russe-menace-la-securite-alimentaire-mondiale-1392453

France.Conférence
Conférence de Didier Heiderich au CJD, décembre 2021 sur la gestion de crise

France.Analyse
Interview de Didier Heiderich dans l’Abécédaire « Nous sommes devenus intolérants au risque », novembre 21
https://www.labecedaire.fr/2021/11/09/nous-sommes-devenus-intolerants-au-risque/

France.Justice
Pour la 4e fois, l’Ecole Nationale de la Magistrature et l’Ena nous renouvellent leur confiance pour la formation des magistrats en poste à la communication médiatique de crise. 2021

Guadeloupe.CCI - "Webinar avec l'OIC clés de gestion et de communication de crise". Octobre 2020

 

France.Forêt - "WebTV avec l'OIC projet CHALFRAX : Le Frêne face à la chalarose, les défis de demain". Octobre 2020 - Voir

 

France.Communication - "Comment débattre des sujets qui font peur ?", Conférence Youmatter et l'Andra, juin 2020 - Lire le CR

 

Workshop. Brasil - São Paulo, 19 fev 2020 "Workshop de Gerenciamento e Comunicação de Crises Corporativas: da teoria à prática" - informação

 

Brésil.Conférence - "La gestion et la communication de crise en Amérique Latine : retour d'expérience", Intervenant : Eduardo Prestes, fondateur de Crisis Consulting Solutions (Brésil) organisée par l'OIC et HEIDERICH Consultants, le jeudi 9 mai 2019 à Paris - Lire

 

Maroc.Conférence - Conférence de Didier Heiderich sur la gestion et la communication de crise face au boycott à l'invitation d' APD Maroc. 28 juin 2018

 

 


 

 




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