Avec la rupture d’une aile d’un A380 le 15 février 2006 lors
d’essais statiques très poussés, Airbus se devait de maîtriser
parfaitement sa communication de crise et nous offre dans la
foulée un exemple de communication d’avant crise.
Après des campagnes de communication parfaitement orchestrées
sur le thème « A380 is perfect », après avoir imprimé nos rétines
avec l’image des pilotes d’essai en formation devant l’appareil,
copie conforme du film « L'étoffe des héros », la moindre défaillance
technique pourrait prendre une dimension à la mesure du
mastodonte. Il fallait donc qu’Airbus use de son savoir faire en
communication de crise pour éviter que cette « incident » ne
prenne de l’ampleur et a pour cela utilisé plusieurs ressorts.
1/ Stratégie de déplacement du lieu du débat
Cette rupture d’une aile, dont nous ne connaissons pas
véritablement les détails, a plus intéressé la presse financière
que les médias généralistes. La plupart des médias se sont limités
à reprendre le communiqué de l’agence Reuter sans s’appesantir sur
le sujet. Pourquoi ? En bon communicant de crise, Airbus a
brillamment fait oublier l’incident en lui-même en déplaçant le
lieu du débat sur les délais d’homologation et de livraison « qui
ne devraient pas différés ». Cette stratégie minimise les
conséquences techniques de l’incident et permet une translation
vers la problématique du planning. Le consortium évite ainsi que
se pose la question bien plus délicate de la construction
révolutionnaire de la gigantesque aile, réalisée en matériaux
composites. Cette position a été respectée sans dérapage par
l’ensemble des porte-parole d’Airbus dans le monde, faisant preuve
d’une cohérence parfaite que l’on retrouve jusqu’en Inde sur les 3
thématiques : il s’agissait d’un test extrême, les délais seront
respectés, nous possédons assez de données pour réaliser des
simulations.
Enfin, on ne trouve aucun communiqué sur le sujet sur le site
web d’Airbus pour une recherche sur «A380 wing ».
2 / Stratégie de l’occupation du terrain… et communication
d’avant crise.
Hasard du calendrier, le 23 février, l’Airbus A380 était la
vedette du salon de Singapour. Parfaitement relayé par l’AFP,
Airbus a réalisé une série d’annonces sans grandes surprises,
accords de coopération, ventes, etc. dans un climat morose.
Mais après l’annonce le 22 février, toujours au salon
aéronautique de Singapour, que « le marché des commandes
d'avions pourrait chuter de plus de moitié cette année pour tomber
à environ 800 appareils pour Airbus et son concurrent américain
Boeing » par John Leahy, directeur commercial d'Airbus, la
rupture de l’aile devient anecdotique. Communication d’avant crise
? Nous pouvons effectivement imaginer que cette annonce n’est pas
le fruit du hasard. Avec la flambée des cours du pétrole,
l’aviation civile risque d’avoir du plomb dans l’aile et connaître
une crise qui forcément atteindra les constructeurs. Cette annonce
paraît cependant exagérée, mais Airbus, tout en amalgamant son
concurrent, anticipe ainsi une crise qui pourrait devenir durable…
à suivre.
Didier Heiderich.
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