En cas de crise, les dirigeants font souvent appel au
media-trainer comme à une ambulance. L’intégration de l’interview
de crise devrait être cependant systématique dans les cellules de
simulation de gestion de crise. Quand les journalistes se font
plus virulents et empressés d’obtenir de l’info, les communicants
doivent ciseler leur discours et maîtriser leurs attitudes devant
les médias audiovisuels. Rappel de quelques règles pratiques.
Un plan social à annoncer, une catastrophe écologique à gérer,
la peste aviaire, l’explosion d’une usine, des produits retirés
d’urgence de la distribution, une affaire de santé publique type
amiante … L’actualité ne manque pas d’acteurs sommés de
s’expliquer devant les caméras et sur les radios, ni de
journalistes en quête de vérités à faire cracher. La communication
en situation sensible exacerbe toutes les règles habituelles de
prise de parole et renforce l’acuité du média et de l’opinion
publique qui vont tenter de décoder dans les prestations
médiatiques le moindre gravillon. Et quand le doute s’insinue…
L’objet d’un accompagnement de type « coaching média », en
situation de crise, consiste à dérouler une procédure proactive et
réactive vis-à-vis des médias, d’un type semblable aux autres
procédures mises en œuvre avec les autres parties prenantes de la
crise.
Être efficace dans une prise de parole ne se décrète pas. Il
est nécessaire de simuler la prestation dans les conditions du
direct et de travailler en amont la relation avec le journaliste
pour savoir : comment il travaille, quelles sont ses attentes, ce
qu’il veut démontrer, en combien de temps… Tout en s’évertuant à
déjouer les pièges de l’entretien : comportements, expressions et
mots à éviter, raisonnements spécieux à écarter, manque de clarté
ou de cohérence du propos, commentaires, réponses à côté de la
plaque, trop longues ou trop courtes etc. Enfin, il faut savoir
résister à l’entretien sous pression et savoir adapter son message
au format médiatique et au support. L’émotion ne se trans-met pas
de la même façon sur un plateau télé ou sur l’antenne d’une radio.
Dans un cas, c’est l’attitude non verbale, le langage du corps,
que va retenir le téléspectateur, dans l’autre, ce sont les
évocations de la voix qui vont conduire ou non à accorder la
confiance. Une bonne préparation requiert donc beaucoup
d’entraînement, un décorticage du contenu et de la façon de le
transmettre et un « filage » comme au théâtre pour s’assurer que
l’ensemble du rôle est tenu et les réflexes en place.
Les cinq règles à respecter dans l’interview de crise :
- Marquer son émotion et montrer qu’on la gère : éviter
l’affolement ne signifie pas effacer toute trace de sa propre
compassion. Lors d’une catastrophe aérienne en Afrique avec de
nombreux Français à bord, c’est un secrétaire d’État aux Affaires
étrangères, médecin, qui a su trouver les mots et le ton justes
pour montrer sa douleur mais aussi rassurer l’opinion et
réconforter les familles.
- Être en congruence avec l’événement : un ministre de la santé
en polo dans son jardin au Journal de 13 heures à mille lieux de
s’alarmer, en pleine canicule en France, cela fait mauvaise
figure. D’où la nécessité pour les communicants de faire converger
les faisceaux qui concourent à créer de la conviction :
environnement immédiat, look, regard, gestuelle, voix, corps,
intention, tous les clignotants doivent être au vert et
millimétrés aux petits oignons.
- Rassurer sur les dispositions d’urgence : une seringue usagée
trouvée dans un œuf surprise en chocolat, des bulles douteuses
dans une boisson gazéifiée, de la viande à l’origine mal
identifiée en pleine crise de la « vache folle » … Et c’est la
panique assurée dans les foyers. Il faut monter au créneau vite et
sans fébrilité car les effets peuvent être dévastateurs pour une
marque ou une enseigne.
- Savoir dire : « Un mot et tout est perdu, un mot et tout est
sauvé. », disait André Breton. Quand un directeur du Festival
d’Avignon laisse des intermittents envahir une scène en début de
représentation, les laisse parler, puis prend la parole en disant
« Vous vous êtes exprimés. À présent, place aux artistes ! »
L’effet n’est pas heureux…
- Se mettre en scène : À ce stade de l’interview de crise, les
techniques de comédien sont utiles. Quelques politiques savent
mieux les utiliser qu’on ne le croit, en ayant toutefois du mal à
se départir de la caricature. Tout le monde ne peut avoir l’étoffe
d’un Jaurès haranguant les foules, ou d’un De Gaulle qui fait
encore la joie des journalistes pour ses expressions à
l’emporte-pièce. Là encore il ne s’agit pas d’apprendre à
travestir ou à triturer la réalité, mais plutôt de savoir comment
faire l’apprentissage de l’art de convaincre en acquérant une
véritable aisance. Avec le souci extrême de ne pas greffer des
standards à sa façon de communiquer et de conserver spontanéité,
authenticité et assurance. Car, comme le disait Talleyrand, « on
ne croit qu’en ceux qui croient en eux. »
SB
(c) 2005
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