Victimes de bulles médiatiques, de rumeurs plus ou
moins persistantes, les entreprises sont confrontées en permanence
au tribunal de l’opinion. Comprendre ces mises en cause publiques,
chercher à y faire face, oblige à s’intéresser aux « parties
prenantes » ou mieux, à anticiper leurs mouvements.
L’entreprise dans la ligne de mire
Relais naturel du discours de ces parties prenantes, les médias
organisent l’exposition publique des entreprises. Mécaniquement,
ils déclenchent parfois de véritables mouvements d’opinion et font
entrer l’entreprise dans une zone de turbulence : c’est la tant
redoutée crise médiatique.
Le mouvement d’opinion est une sanction. C’est une sanction qui
se porte sur l’image et la réputation de l’entreprise. Cette
sanction, rendue au nom du tribunal de l’opinion publique, peut
être terrible. Nombre de marques et d’entreprises en ont été pour
leur frais. Plus encore que les déboires d’Enron, la disparition
d’Andersen nous montre que la justice de l’opinion peut être sans
appel.
Ethique, justice sociale, environnement, développement durable,
sécurité sanitaire ou alimentaire… l’entreprise devient un «
catalyseur unique » des nouvelles exigences de la société. Au-delà
des débats idéologiques, il est un fait : adulée ou vilipendée,
l’entreprise est devenue un acteur central de l’espace public et
ce rôle n’est pas sans risque médiatique.
La dérégulation des institutions politiques, religieuses et
syndicales a renforcé cette pression de l’opinion (et de ses
multiples représentants) sur une entreprise devenue valeur refuge.
Dès lors comment peut-on réduire les risques d’opinion ? Mieux
encore, comment faire de ces nouveaux enjeux, une opportunité pour
l’entreprise ?
Faire face au risque d’opinion
L’inflation des informations conjuguée à la multiplication des
minorités revendiquant un droit à la parole, et à la vitesse
exponentielle de circulation de leurs propos, fait peser un risque
véritable sur le « capital image » des entreprises. Mais un risque
n’est pas un danger absolu, et si l’opinion est dotée d’un
pouvoir, ce pouvoir n’est pas non plus une fatalité qui s’abat sur
l’entreprise.
Depuis que la crise est devenue « banale » dans l’espace
médiatique, le risque d’opinion s’est progressivement transformé
en une contrainte par nature, un aléa « normal » de la vie de
l’entreprise. Mais, cet aléa, s’il ne peut se prévoir, peut se
rendre prédictible. Il est possible en effet de s’y préparer et
mieux encore de maîtriser son avènement.
Et, c’est bien souvent à leurs dépens que les entreprises ont
appris à gérer ces risques d’opinion, certaines -encore trop
rares- parviennent à en faire des opportunités d’image. Comme le
risque technologique ou comme le risque financier, le risque
d’opinion en appelle à des process, des réflexes et des
savoir-faire spécifiques.
Outils d’analyse, de pilotage et de veille des risques
d’opinion
Les bulles médiatiques, si anxiogènes soient-elles ne se
réduisent donc pas à des fatalités implacables imposées par la
machine médiatique. Elles sont modélisables car les phénomènes
sociaux qui les engendrent sont compréhensibles. La recherche en
sciences sociales permet d’élaborer des outils efficaces
d’anticipation, de décryptage et de gestion des situations de
communication sensible.
Ces outils de diagnostic et d’analyse des mouvements d’opinion
permettent de modéliser la position des différents acteurs qui «
font l’opinion » autour d’un thème sensible pour l’entreprise. On
peut alors dessiner le territoire qu’occupe « l’entreprise dans un
univers de valeurs chères à ces parties prenantes et constituer un
instrument simple de pilotage de la communication.
De façon très schématique en l’occurrence, il s’agit ici de
situer la position de l’entreprise entre les « risques d’opinion »
et les attentes de ses publics.
Pour l’entreprise soumise à la critique, la gestion des
sensibilités d’opinion –l’issues management- consiste à trouver
les moyens de migrer dans la « zone favorable », celle où elle
répond aux attentes de ses publics.
Elle fait alors de cette situation sensible, une opportunité
d’image. À l’inverse, si elle subit les critiques et qu’elle perd
le contrôle du risque, elle s’installe -parfois durablement- dans
le domaine des risques. Sa légitimité et sa crédibilité se
dégradent auprès de leurs publics et à pour conséquence de
pénaliser l’actif immatériel que représente son image.
« L’issues management » ou la culture du risque d’opinion
Nourri par les progrès des sciences sociales « l’issues
management » est désormais un savoir-faire qui complète et
renforce les méthodes traditionnelles de communication de crise.
Cette nouvelle « discipline » rendue nécessaire par le
morcellement de l’espace public, la multiplication des parties
prenantes et l’explosion des griefs qu’elle implique, se
perfectionne et se professionnalise chaque jour. Elle repose
désormais sur des batteries d’outils de lecture des enjeux de
communication, des instruments qui permettent d’identifier et de
cartographier les acteurs qui font et surtout vont « faire
l’opinion ». « L’issues management » permet à l’entreprise d’avoir
un temps d’avance sur ses risques d’opinion et donc de les tenir à
distance.
Dotées de techniques conjuguant veille, études, enquêtes et
analyses sociologiques, les entreprises doivent développer cette
nouvelle acuité aux phénomènes d’opinion qui les entourent et dont
elles sont désormais, elles en priorité, l’objet. Les méthodes
propres à « l’issues management » installent des capteurs qui
rendent audibles et compréhensibles les sensibilités sociales
latentes et les attentes de ces « parties prenantes », lesquelles
sont aussi des procureurs potentiels du tribunal de l’opinion.
Grâce à ces instruments d’analyse, les entreprises disposent
aujourd’hui des moyens d’anticiper et de comprendre les tendances
sociales en mutation permanente. C’est en intégrant naturellement
ces techniques nouvelles de management de l’opinion que
l’entreprise réalisera que celle-ci n’est pas qu’un tribunal et
qu’elle peut, quand ont sait l’écouter, devenir son meilleur
partenaire dans l’espace public. C’est aujourd’hui une exigence.
Nicolas Narcisse, Directeur des études et de la veille, TBWA\CORPORATE
Nicolas.narcisse@tbwa-corporate.com
www.tbwa-corporate.com
(c) 2005
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