En communication de crise, dans de nombreux cas le consultant
aide l’entreprise à franchir la barrière toujours difficile de la
communication et de la « transparence ».
Après deux ans passés dans un cabinet d’intelligence
économique, j’ai vécu avec intensité de nombreuses situations où
l’entreprise a du ou voulu ne pas communiquer. Parfois, le secret
absolu étant impossible, retarder ou atténuer l’impact étaient les
seules issues.
Comment gérer ces situations délicates ?
« Pas de commentaire ou adressez-vous à… »
Si l’on écoute les journalistes, voila bien La Formule reine de
la communication des entreprises lors de situations sensibles.
Même si le journaliste mentionne dans son papier, que l’entreprise
contactée s’est refusée à tout commentaire, il faut constater que
les conséquences ne sont pas toujours graves. Une astuce pour
protéger l’entreprise et ses marques est d’avoir prévu un porte
parole entraîné de l’interprofession qui diffusera un message
global qui protégera la réputation de l’entreprise et de ses
produits.
Le secret des fusions acquisitions
Le domaine le plus évident pour décrire une période de non
communication indispensable est celui des fusions acquisitions. En
effet, dans les phases préliminaires, l’entreprise ne veut et ne
peut légalement communiquer sous peine de délit d’initié et de
spéculation incontrôlée. Dans ces opérations d’envergure, les
conseils en communication, les agences de publicité et parfois les
dircoms sont prévenus à la dernière minute et se retrouvent
enfermés en conclave dans des bureaux. Les grands patrons des deux
entreprises concernées organisent alors des réunions avec un
niveau de confidentialité et de sécurisation qui dépasse la
fiction : protection des systèmes d’information, utilisation de
portables cryptés, rendez-vous dans des lieux ultra discrets, «
dépoussiérage » des salles de réunions pour éviter tous les
micros, etc.
Et durant ce temps, journalistes, analystes et cadres de
l’entreprise appèlent une direction de la communication, plus ou
moins informée, qui se borne au traditionnel « nous ne commentons
pas les rumeurs du marché ».
Durant cette phase initiale, la réussite repose donc sur une
maîtrise totale de toutes les actions et de toutes les paroles de
la direction générale car à ce stade tout est message et sujet à
interprétation. Les acteurs du monde de la communication doivent
aujourd’hui savoir intégrer ces pratiques pour ne pas être le
maillon faible qui aura généré la fuite de l’information hautement
sensible.
Communiquer durant le mois d’août : une stratégie perdante.
Parfois, la non communication est impossible compte tenu de
l’importance du dossier et du nombre d’acteurs concernés, la
mission consiste alors à minimiser l’intensité de cette
communication.
Cet été nous a offert un parfait exemple de l’importance du
choix de la période de communication. Les difficultés du marché de
la chaussure de luxe français ont entraîné une actualité sociale
autour du 15 Août. Ce creux médiatique par excellence, où les
journalistes les plus agressifs se bercent sous les cocotiers, a
offert, une surexposition médiatique évidente à ces dépôts de
bilan. Méfions-nous donc, lorsque c’est possible, de cette période
d’accalmie médiatique apparente ou des pigistes rêvent en un été
de se hisser au niveau des plus grands.
Comment retarder le moment de la « vraie » communication ?
Sur ce même sujet, on peut noter, la veille du Comité Central
d’Entreprise qui devrait annoncer un dépôt de bilan, les fuites
orchestrées par les syndicats qui poussent les médias à contacter
l’entreprise. On peut gagner du temps avec une réponse légale en
évoquant le délit d’entrave et annoncer un point presse ou un
communiqué après ces réunions obligatoires.
Comment parler sans dire ?
Dans un autre registre celui des catastrophes, alors que les
sauveteurs sont en train de retirer les victimes des décombres, la
société, la justice et surtout les média veulent immédiatement
tout savoir, tout comprendre. « Que s’est il passé ? Qu’allez-vous
faire ? Combien cela va t’il vous coûter ? Quels sont les noms des
victimes ? Alors que vos experts n’ont pu s’approcher de la zone
encore sécurisée, vous ne savez rien. Ainsi dans une crise
récente, suite à un accident de construction ayant fait des
victimes, nous avons tenté le communiqué de presse paradoxal qui
expliquait que nous n’avions pas d’information à ce stade. Ce
communiqué avait immédiatement fait cesser les appels des
journalistes. Attention, ce n’est pas une recette universelle, car
il n’y en a pas. Chaque cas est unique et, dans ce cas, le sérieux
de l’entreprise rendait ce communiqué crédible.
Complexifier sa communication pour la rendre indigeste
D’autres méthodes sont possibles pour réduire sa communication
: par exemple, si vous mettez un scientifique respecté mais
parfaitement hermétique comme porte parole, une partie de la
presse s’éloignera devant ce jargon indiffusable.
Le journaliste est pressé : éloignons nous de lui.
Le facteur distance peut être utilisé si le lieu de la crise
s’y prête. Un point presse peut être éloigné à deux heures de
route de tout grand moyen de communication. Ainsi, pour des
raisons de temps, l’ennemi du journaliste et d’argent, l’ennemi de
son directeur, certains renonceront à envoyer une équipe et se
contenteront d’une reprise de l’information de la presse régionale
ou de l’AFP, médias qu’il faudra particulièrement accompagner.
Supprimer le service presse !
Voila qui va faire bondir certains de mes confrères. Il y a des
années, étant chez Bull, entreprise en grande difficulté, le
nouveau PDG a cassé la direction de la communication. Les
journalistes n’avaient plus de contacts, ni de relais. J’ai
constaté qu’en quelques mois le volume rédactionnel avait diminué
de manière sensible. L’entreprise devra alors savoir gérer le
retour aux bénéfices.
Pour les champions !
Pour terminer, l’art suprême de la communication sensible :
savoir stopper la plume d’un journaliste « ami », à qui l’on aura
promis, au minimum, un autre scoop sur un autre thème.
Mais dans ce domaine, les trahisons sont fréquentes et la
prudence de mise.
Alain Pajot
Atlantic-Intelligence
Directeur du Pôle Communication sensible
apajot@atlantic-intelligence.fr
(c) 2005
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