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A l’occasion de l’une de nos interventions, le directeur d’une
entreprise d’insertion posait un diagnostic de crise dans sa
structure. L’accroissement de comportements violents (injures
inscrites sur les murs du local, agressions verbales des
encadrants, incendies volontaires de véhicules…) témoignait, selon
lui, de dérèglements majeurs dans l’organisation. Au moment de
partager ce diagnostic avec les administrateurs, ceux-ci lui
rétorquèrent que la situation n’avait rien d’exceptionnelle tant
la structure avait toujours souffert des mêmes maux par le passé
et qu’elle devait trouver une explication dans le profil jeune et
masculin du public traditionnellement recruté. Le doute était au
fond de tous les esprits. S’agissait-il d’une crise réelle et, si
tel était le cas, nécessitait t-elle une intervention d’urgence ?
Ou bien le directeur de la structure n’avait-t-il pas tendance à
surestimer des symptômes auxquels les administrateurs s’étaient
peu à peu habitués ?
Après quelques années de recherche sur le sujet des crises et
de conseil auprès des organisations, cette situation est venue
réinterroger certains fondements de nos méthodologies
d’accompagnement. Nous en avons retenu quelques grands principes
et une méthode spécifique d’intervention sur les situations de
crise.
ACCOMPAGNER LES SITUATIONS DE CRISE : QUELQUES PRINCIPES :
Les situations de crise sont souvent le théâtre de
manifestations émotionnelles et affectives excessives qui rendent
difficile la prise de recul nécessaire à la compréhension des
événements. Cette charge affective provient selon nous d’une
difficulté à cerner les frontières de l’événement et d’une
recherche systématique de bouc émissaires.
Mettre à distance l’affectif
Les acteurs d’une crise discernent mal les frontières de ce qui
se produit. Pour certains, l’impression qui demeure est celle d’un
« rien ne va plus » où la crise vécue contamine l’ensemble de
l’organisation de façon exagérée. Pour d’autres, le malaise
n’existe pas, il est le fruit d’une interprétation erronée. Ainsi,
la situation est le plus souvent dramatisée ou niée. La crise
altère ainsi la perception des parties prenantes. Dans ce contexte
l’émotionnel et l’affectif prennent rapidement le pas et laissent
peu d’espace serein pour une prise de décision efficace. En
réalité, la crise réside plutôt dans la perception
qu’entretiennent les acteurs sur l’événement que dans l’événement
lui-même qui, pris objectivement n’a pas toujours les contours
d’une situation catastrophique. Dans notre cas, ceci explique sans
doute la divergence de point de vue entre le directeur et les
administrateurs.
Une crise se caractérise bien souvent par un événement d’une
intensité exceptionnelle mais elle se manifeste aussi sous
d’autres formes apparemment fragmentaires : dégradation soudaine
des indicateurs financiers, comportement violent, sabotage de
l’outil de production…Souvent désorientés par ces événements
incompréhensibles, les acteurs impliqués recherchent
systématiquement des boucs émissaires. Il s’agit d’un processus
bien humain d’auto déculpabilisation et de rejet de la faute sur
les plus faibles ou sur les moins compétents. C’est l’attitude
adoptée, dans un premier temps, par les administrateurs qui
cherchent à justifier une situation inacceptable en désignant
l’immaturité du public recruté. Cette quête de responsables repose
sur une analyse symptomatique de la crise : qui est responsable
des dégradations ou des comportements violents ? Le jeune public
masculin bien sûr !... Cette attitude suppose donc que la crise
démarre dès lors que des comportements aigus se manifestent sans
tenir compte de la généalogie de ces symptômes. Or une autre
approche de la crise est possible et on peut l’appréhender aussi
comme le résultat ultime d’un long processus de fragilisation.
Ainsi dans notre cas les événements auxquels le directeur fait
face révèlent une série de dérèglements successifs préalables non
solutionnés. Les comportements violents du public peuvent, en
partie, s’expliquer par des difficultés de coordination entre le
directeur et les encadrants mais aussi, plus en amont, par un
dysfonctionnement du couple président-directeur qui laisse
transparaître une fragilité organisationnelle dont le public
souffre. Les manifestations violentes ne manifestent au fond que
son désarroi grandissant face à une entreprise dont les règles de
fonctionnement s’avèrent floues et peu sécurisantes pour un public
en quête de repères.
Distinguer les symptômes des causes.
Il existe donc deux façons d’analyser les crises : identifier
les manifestations aigues et chercher à les faire disparaître
coûte que coûte ou retracer l’accumulation des déséquilibres qui
ont générés ces manifestations et engager une action de fond
rééquilibrante. Dans le premier cas, les symptômes ont toutes les
chances se reproduire à l’identique ou sous d’autres formes. Dans
le deuxième cas, la situation a des chances d’être assainie mais
les décisions nécessitent des remises en question importantes pour
les acteurs en place. Dans le cas que nous accompagnons, le
diagnostic de crise est fondé mais pas nécessairement dans les
mêmes termes que ceux du directeur ou des administrateurs. La
caméra doit donc se retourner sur les dirigeants de l’organisation
et mettre en lumière l’enracinement des déviances. Dans notre
exemple, la dimension économique avait pris le pas sur les aspects
pédagogiques. L’organisation s’inquiétait de l’amélioration des
performances économiques sans plus se questionner sur le processus
d’insertion à l’œuvre dans la structure. Les salariés en insertion
étaient traités comme des ouvriers classiques tout en perdant de
vue leur fragilité sociale. La violence dont ils témoignaient
était une façon d’en rappeler l’existence.
Mieux connaître les causes des crises : sens, lien et
leadership.
L’une des pistes de résolution de cette situation a consisté à
réactiver le dialogue entre le directeur, les administrateurs et
le président, en particulier sur les finalités de l’entreprise,
puis à fixer des objectifs clairs à chacun. Cela eut pour effet de
relégitimer le directeur dans son autorité. Un constat unanime
d’une trop forte emprise des aspects économiques fut la base de la
reconstruction d’un dialogue entre les équipes de bénévoles et de
salariés. L’organisation se réappropria sa vocation que l’urgence
du quotidien lui avait fait perdre de vue. Or cette reconstruction
ne fut possible que parce que les acteurs à la tête de la
structure eurent le courage de reconnaître sincèrement une part de
responsabilité dans l’apparition de la crise et de questionner le
lien social qui les unissait dans leurs actions. Ils furent tous
d’accord pour reconnaître que les temps de coordination étaient
insuffisants et les systèmes d’information défaillants. Un
véritable travail s’engagea autour de la redéfinition des missions
et du projet stratégique de l’organisation qui fut ensuite décliné
en projets concrets et en outils de pilotage lisibles et utiles
par les parties prenantes concernées.
De ces actions de rééquilibrage, nous retenons qu’une crise
s’enracine dans trois types de déséquilibres :
La dérive du sens
Toute crise est une crise de la finalité et du sens. Elle
résulte d’une dérive au regard de ce qui légitime la vocation
initiale de l’organisation. Or, si ce qui fonde la direction même
de l’action ne fait plus sens, c’est l’ensemble des décisions qui
en découlent qui posent ensuite problème. Les comportements ne
représentent plus qu’une série de réactions en chaîne désordonnée
et sans cohérence. En conséquence toute intervention en profondeur
dans l’accompagnement d’une situation de crise nécessite de
réinterroger le sens et la finalité de l’organisation, du service
ou du département dans lequel les acteurs se trouvent.
L’effritement du lien social
Le lien social entre les individus sert à maintenir une
cohérence dans l’action. C’est parce que les régulations
collectives fonctionnent à plein que les intérêts individuels
convergent vers une finalité collective. Les lieux de décision
clairement identifiés, les responsabilités définies et cohérentes
et les temps de coordination suffisants garantissent une forme de
santé sociale et humaine au sein d’une équipe ou d’une
organisation. Des relations sereines sont à la fois créatrices de
sens pour l’ensemble des personnes qui y participent mais elles
sont aussi essentielles à la production de l’activité dans une
direction commune. Si les perspectives et le sens s’effondrent,
comme nous l’avons expliqué plus haut, alors l’intérêt individuel
reprend le dessus et les relations interpersonnelles elles-mêmes
sont touchées.
Les difficultés de leadership
Le rôle et la place et du dirigeant achève d’imprimer une
trajectoire à l’organisation. Une crise provient d’une difficulté
du dirigeant à légitimer son rôle au sein d’une organisation et
d’y exercer son autorité avec justesse. Les modes de management
sont alors à questionner : l’autorité est-elle acceptée de façon
légitime, les processus de délégation et de contrôle
fonctionnent-ils bien, le dirigeant prend-t-il des décisions ?
Dans une crise ces trois déséquilibres n’ont pas toujours la
même importance et ne se manifestent pas toujours de manière
visibles ou évidentes. Dans certaines interventions des
dérèglements comportementaux laissent entendre que le lien social
est affecté alors que le problème principal est dans le
leadership. En réalité ces trois déséquilibres s’entretiennent
mutuellement et une intervention à ces trois niveaux est
nécessaire pour résoudre une crise. On devra, en collaboration
avec les acteurs concernés, réinterroger le sens et la finalité de
l’organisation, recréer un lien et aider le dirigeant à retrouver
sa juste légitimité au sein de l’organisation. Sans intervention
au cœur du générateur de crise, on ne traite que les symptômes et
on laisse le terrain de crise intact. Se pose alors la question du
mode d’intervention.
LES ETAPES DE L’INTERVENTION
La méthode proposée intervient soit en amont d’une situation
dans un esprit de prévention, soit en aval comme travail de
capitalisation post-crise. Elle est difficile à mettre en œuvre à
l’apogée de la crise quand l’urgence a pris le dessus. Elle se
déroule en sept étapes que nous présentons par la suite.
Etape n°1 : Nommer la crise et circonscrire son périmètre
Il s’agit ici d’une phase d’objectivation. Le principe consiste
à dénouer la confusion entre la perception de la situation et la
situation elle-même. Souvent les dirigeants ont du mal à qualifier
la crise. Il est plus facile d’attribuer des responsabilités à une
situation non qualifiée. La confusion laisse ainsi un espace béant
à l’expression de conflits qui ne peuvent être véritablement
traités sans que la situation soit précisée : de quoi parle t-on ?
De quelle crise s’agit-il ? Et bornée : quelle est l’ampleur de
cette crise ? Quel est son périmètre ? La première étape de cette
intervention va donc consister à permettre aux dirigeants de
reprendre la mesure de la situation pour prendre de la distance
Ici on utilise au maximum les données objectives auxquelles on
peut avoir accès pour parvenir à une définition commune de la
crise.
Exemple
Le dirigeant d’une PME décède brutalement d’une crise
cardiaque. L’entreprise est plongée dans une situation difficile
tant ce patron régissait tout depuis trente ans. Sans personne
apte à reprendre la tête, ce décès brutal signe la fin de
l’entreprise. La situation est perçue comme une terrible fatalité.
La mort du dirigeant c’est la crise. Mais à bien y réfléchir ce
décès fait apparaître une immense fragilité issue d’un système de
dépendance des employés et des cadres vis-à-vis d’un individu,
système dans lequel chacun trouvait son compte jusqu’alors et que
chacun contribuait à sa façon à entretenir. De ce point de vue le
décès du dirigeant n’est qu’un symptôme et la crise se trouve dans
l’excès de dépendance qu’il révèle.
Etape n°2 : Identifier les parties prenantes
Circonscrire le périmètre de l’événement conduit alors à
identifier avec les dirigeants les parties prenantes principales
de la crise. Alors que l’on pouvait considérer que tout le monde
était concerné, la restitution de la crise dans des frontières
mieux calibrées permet d‘en écarter certains et d’en inclure
d’autres qu’une situation confuse masquait parfois. Ces parties
prenantes seront les acteurs principaux avec lesquels on déroulera
ensuite le reste de l’intervention.
Exemple
Dans l’exemple introductif, la crise est issue d’un problème
relationnel entre le public, le directeur et le président. Un
travail de recensement des parties prenantes par le directeur lui
a progressivement fait prendre conscience de la complexité de la
situation. La crise, apparemment simple, questionnait au fond les
modalités de gouvernance associative et, par conséquent le
président, les administrateurs, les partenaires financeurs et
surtout l’ensemble de la ligne hiérarchique devaient être
impliqués dans l’intervention.
Etape n°3 : Faire le bilan des trois sources de crise
A partir de cette étape l’intervention porte sur les trois
sources de crise que nous avons identifiées : le sens, le lien et
le leadership. Pour chacun de ces thèmes, nous amenons les
différents acteurs à faire un bilan individuel sur la crise. Cette
phase de bilan est nécessaire pour que chacun puisse se situer.
Elle permet de redonner une initiative aux individus. Dans cette
étape nous demandons aux participants d’exprimer à la fois la
perception qu’ils ont de la finalité, du lien social et de la
place du dirigeant à l’aune de la crise préalablement délimitée.
Nous leur demandons ensuite de se positionner personnellement
vis-à-vis de leur perception et d’exprimer un ressenti personnel.
Cette étape permet de repérer des dysfonctionnements dans le
générateur de crise. A présent nous disposons d’une situation
cernée et qualifiée ainsi que d’une série de dysfonctionnements
repérés par les acteurs. C’est à ce moment que nous pouvons passer
à l’étape suivante.
Exemple
Dans un grand aéroport, une équipe travaille à la mise en place
d’une organisation de gestion de crise (crashs aériens,
intempéries,…). Une cellule de crise est mise sur pied pour
intervenir en cas de nécessité. A l’occasion d’une intervention de
cette cellule, les choses se passent mal et des dysfonctionnements
importants se produisent au sein de l’équipe d’intervention.
L’analyse faite avec ces acteurs permet de faire ressortir les
causes suivantes : le sens : la finalité de cette organisation de
crise n’est claire pour personne. Une cellule de crise est-elle
bien utile pour des responsables expérimentés et habitués à gérer
ces événements ? Le lien social : certains responsables de haut
niveau ne comprennent pas que les membres d’une cellule de crise
puissent prendre des décisions sans leur aval. Des
court-circuitages fréquents provenant de certains responsables
hiérarchiques se sont produits rendant plus difficile la gestion
de la situation. Le leadership : le chef de cette cellule n’exerce
pas suffisamment d’autorité pour prendre en main cette
organisation. L’intervention devra donc porter sur ces trois
problèmes.
Etape n°4 : Identifier les boucs émissaires ou envisager le
scénario du meilleur
Cette étape de la méthode est importante. Elle consiste à
laisser se manifester un phénomène d’ores et déjà décrit plus haut
: l’identification des responsables ou des boucs émissaires des
dysfonctionnements identifiés. Lorsque des individus repèrent des
dysfonctionnements qui les affectent et qu’ils expriment leur
ressenti, très naturellement ils en arrivent à désigner
spontanément des responsables. Dans un premier temps, les
responsables ne sont pas nécessairement des personnes physiques.
Souvent on attribue une série de problèmes à la structure, à la
conjoncture ou à la politique menée par telle ou telle entité. Il
nous semble crucial que ce processus aille jusqu’à son terme. Les
responsables doivent être désignés de façon explicite. Les
questions : qui sont les responsables de ce problème ? et en quoi
ont-ils tort ? doivent structurer ce temps de la méthode. Tout
peut alors se dire sans retenu, ni censure. Il s’agit de pouvoir
déverser ses ressentiments et critiques en toute liberté dans
l’objectif de susciter un apaisement émotionnel et préparer une
objectivation de la situation. Il s’agit, du point de vue de
l’acteur, du scénario du meilleur, dans le sens où à aucun moment
celui-ci ne sera impliqué personnellement dans les responsabilités
à porter.
Exemples
Pendant l’épisode de la canicule lors de l’été 2003, lorsque
les premiers indicateurs de fréquentation anormale des services
d’urgence sont remontés vers les autorités sanitaires françaises,
on a rapidement expliqué ces anomalies par la réorganisation des
35 heures dans les services et par les départs en vacances qui
réduisaient temporairement les capacités d’absorption des services
d’urgence.
Lorsque l’entreprise Buffalo Grill fut suspectée d’avoir
importé de la viande de bœuf britannique durant la période
d’embargo suite aux dénonciations de deux anciens salariés de
l’entreprise, la réaction naturelle de l’entreprise fut, d’une
part de nier la réalité, d’autre part de mettre cette affaire sur
le dos de deux individus désireux de régler leur compte sur le dos
de l’organisation.
Etape n°5 : Utiliser les boucs émissaires ou envisager le
scénario du pire
Lorsque les tensions sont apaisées et la régulation par la
projection de responsabilité aboutie, cette étape propose aux
participants de revenir sur le rôle des boucs émissaires. Les
participants ont eu l’occasion d’identifier les démons de la
crise. Ils leur ont attribué la responsabilité de la crise. C’est
à ce moment qu’on peut leur demander d’envisager un autre versant
de l’événement et de chercher, sans qu’ils en soient pour autant
certains, les raisons qui ont conduit les boucs émissaires à agir
de la sorte. La question : en quoi ont-ils des raisons d’agir
comme ils le font ? leur permet d’envisager une autre version de
la réalité qui n’a d’ailleurs pas plus de poids ni de valeur que
leur propre version. Mais le résultat final consiste à dégager une
lecture et une version plus neutre de la situation qui prenne en
compte à la fois les fautes et les motifs des boucs émissaires.
Exemple
En 1995 Shell décide de démanteler une plateforme de stockage
de pétrole brut en la coulant en eaux profondes. Dès l’annonce de
cette décision, les équipes de Greenpeace se mobilisent pour
dénoncer cette manœuvre et alertent l’opinion publique. Durant
trois mois, Shell est la cible des ONG, des gouvernements
européens, d’associations de consommateurs et fait l’objet d’un
boycottage au Danemark et en Allemagne. Après plusieurs épisodes
juridiques et contre-attaques dans la presse, les dirigeants de
Shell, harcelés par Greenpeace, en viennent à se poser les
questions suivantes : en quoi tous ces acteurs, potentiellement
ennemis, ont-ils des raisons d’agir de la sorte ? Que nous
montrent t-ils que nous n’avions pas vu en prenant cette décision
? Que nous reproche t-on exactement ? De vouloir couler une
plateforme en eau profonde ou d’avoir pris une décision seul dont
les conséquences vont au-delà de notre rayon d’action ? D’un côté
Greenpeace et ses méthodes commandos est responsable de ce qui
s’est produit chez Shell mais de l’autre elle met le doigt sur une
défaillance importante de l’entreprise : avoir cru qu’ils étaient
en mesure de prendre seul une décision dont les impacts concernent
bien d’autres acteurs importants.
Etape n°6 : Identifier sa part personnelle de responsabilité
dans la crise
Dans l’étape précédente, les participants ont été conduits à
exprimer un diagnostic neutre de la crise prenant en compte les
deux côtés d’une même histoire. Rappelons que ce diagnostic est
porté pour les trois dimensions qui structurent notre travail : le
sens, le lien, le leadership. A présent, les participants sont
amenés à exprimer la part de responsabilité qu’ils pensent avoir
eu dans l’occurrence de la crise. Si le dirigeant n’a pas exercé
suffisamment son leadership certains ont pu y voir une occasion de
prendre une place qui n’était pas la leur pour compenser les
carences du dirigeant pas exemple. Inversement certains ont pensé
qu’il ne fallait rien dire tant le dirigeant exerçait un pouvoir
trop autoritaire ou trop insistant. Il y a deux versions de cette
histoire : ou bien je pense que tout cela est dû à un dirigeant
qui ne sait pas diriger ou bien je considère que j’ai adopté un
comportement qui a renforcé sa difficulté à diriger. C’est sur
cette petite portion de responsabilité personnelle dans la crise
que l’attention est portée.
Exemple
Lors d’une intervention auprès d’une association œuvrant dans
les emplois familiaux, le conseil d ‘administration attribue au
directeur le recul du chiffre d’affaires, une absence de vision
stratégique et une gestion économique défaillante. Après deux
sessions de travail, les administrateurs reconnaissent leur
difficulté à se positionner dans leur rôle. Ils expriment leur
difficulté à formuler un cadre de référence d’action clair, leur
cantonnement à une réflexion sur l’équilibre budgétaire de court
terme puis surtout la confusion avec leur fonction politique, la
plupart étant élus locaux. Un travail collectif fut conduit avec
le directeur sur la refonte du cadre de référence associatif et du
projet stratégique. Par ailleurs, ce travail déboucha sur
l’élaboration d’un système d’information adapté au projet
stratégique. La triple question du sens, du lien social et du
leadership fut ainsi traitée mais elle avait exigé des parties
prenantes de dépasser l'accusation portée sur les autres pour
tenter la bien difficile démarche de rechercher sa propre
responsabilité.
Etape n°7 : Poser des actes simples et concrets
A présent, le diagnostic est neutre, les acteurs ont identifié
leur part de responsabilité, il s’agit maintenant d’identifier une
action que chacun pourra mettre en œuvre et dont le résultat devra
corriger en profondeur la situation du point de vue des trois
dimensions évaluées : le sens, le lien social et le leadership.
Trois actions par partie prenante sont alors proposées au
dirigeant qui statue sur un plan d’action final. Il tient compte
dans sa sélection des actions que celles-ci soient bien proposées,
non contre les autres mais bel et bien pour soulager les individus
et renforcer le sens de l’action collective.
En conclusion, cet exemple d’accompagnement d’une situation de
crise nous a permis de comprendre que la crise est rarement le
fait du hasard. L’événement l’est peut être mais son sens pour
l’organisation est la résultante d’un processus plus long de
déséquilibrage croissant dans l’un des trois des champs essentiels
de la vie des organisations : le sens, le lien social, et le
leadership. Cet exemple et la conduite de la mission
d’accompagnement nous apportent un ultime enseignement de taille
sur le traitement de ces situations. Il est frappant de constater
que même lorsque les situations dérivent, il est parfois difficile
s’arrêter pour les identifier et les rééquilibrer. Souvent parce
que l’urgence et les priorités multiples de l’activité quotidienne
altèrent la lucidité et la clairvoyance sur ces déséquilibres. Or
il nous suffirait simplement de suspendre temporairement ce flot
d’activités incessantes pour restaurer la vigilance et traiter les
dérives à temps avant qu’elles ne dégénèrent en crise. Instaurer
des temps d’arrêt relèverait donc d’une hygiène organisationnelle
anti-crise.
(c) 2005
8
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