"Il faut communiquer !" OGM, Listeria, dioxine, crises
alimentaires, questions de santé publique ou d'environnement, à
chaque fois, c'est le même refrain. Les tables rondes,
conférences, articles de presse, prises de position publiques et
privées se terminent immanquablement par « il faut communiquer, il
faut expliquer aux consommateurs, la solution, c'est la
communication ». Industriels, experts, journalistes,
pouvoirs publics, associations se retrouvent sur ce point. Mais, à
ce jour, cette phrase relève trop souvent du domaine de
l'incantatoire, du « y a qu'à, faut qu'on ». Alors que, du citoyen
au chef d'entreprise en passant par le producteur, le terrain est
préparé, en matière de communication, nous n'en sommes qu'à l'âge
de pierre.
Côté public, les attentes d'informations « objectives et
explicatives », sur les thèmes perçus comme à risque et sur les
questions de citoyenneté, sont de plus en plus affirmées. Par
ailleurs, il n'y a plus de cloisonnement. Les actionnaires sont
des citoyens et des consommateurs. Ils ne se contentent plus des
seules informations financières, ils veulent aussi savoir si les
groupes sur lesquels ils investissent font le nécessaire dans le
domaine de la sécurité alimentaire, du transport de produits
pétroliers, etc. Il en est de
même pour les clients, les partenaires et l'ensemble des interlocuteurs. Sans oublier les salariés qui ont des besoins
accrus d'information, surtout si leur entreprise est concernée de
près ou de loin par ces sujets sensibles. Pour les publics
internes, la communication est le ciment du sentiment
d'appartenance à l'entreprise. L'enjeu est de taille !
Côté responsables d'entreprise, on a maintenant conscience du rôle des courants d'opinion qui désormais forment un
contre pouvoir à part entière. A ce propos, une étude Sofres,
réalisée fin 1999, montre que 54 % des entreprises interrogées
redoutent
les réactions de l'opinion. Le recul d'Axa sur l'augmentation des
tarifs d'assurance des familles de handicapés, le boycott de produits mis, justement ou injustement, en cause, les réticences
par rapport aux OGM sont à cet égard significatifs.
Le rôle des courants d'opinion.
Nouveauté ! Pour les dirigeants, il devient urgent d'intégrer au
plan des décisions, du management et de la communication la
dimension « courants d'opinion », qui ne se limite pas aux
tendances de consommation. La communication d'entreprise, qui
concerne les procédés, les savoir-faire, les projets, les valeurs,
celle qui s'adresse aux salariés comme aux publics externes, n'en
est qu'à
ses balbutiements. Cette communication-là donne du sens, remet dans le contexte, prend du temps, s'inscrit dans la durée. Elle implique une certaine cohérence et beaucoup de modestie et d'authenticité. Certes, les impératifs de confidentialité sont
légitimes. Mais l'expérience montre qu'avant d'arriver à la
diffusion d'informations vraiment confidentielles il y a déjà
beaucoup à dire, à expliquer.
Le blocage n'est pas non plus une question d'argent. Cette communication-là coûte beaucoup moins cher que la publicité. Alors, où est le problème ?
Première raison : la multiplication des crises dans
lesquelles les médias constituent une caisse de résonance ne font
que renforcer les craintes et incitent au repliement. De fait, en
renonçant à répondre aux attentes extérieures ou en répondant de
façon
inadéquate, les entreprises se coupent de leur environnement et se
fragilisent un peu plus. Bien souvent, la communication
d'entreprise est vue à travers le miroir déformant des
journalistes par temps de crise. Or la question n'est pas
uniquement : quelles règles adopter au cours de la crise ? Mais
plutôt : a-t-on engagé une démarche globale d'ouverture avant et
après la crise, et vers l'ensemble des publics ? Ainsi seront
assurés les volets « cohérence et durée » de la communication
d'entreprise.
Deuxième raison : les réflexes liés à l'omniprésence
d'une communication de type promotionnel et publicitaire. En
France, on a du mal à dire les choses telles qu'elles sont, tout
en expliquant pourquoi, à oser dire simplement : « je ne sais pas
», « on attend les résultats ». Beaucoup rechignent aussi, par
temps calme, à ouvrir l'entreprise, à s'exprimer sur des sujets
qui intéressent, comme, par exemple, les procédés de fabrication,
la prise en compte de l'environnement, les modes de gestion des
hommes,
etc. On préfère ne sortir du bois que quand « tout est sous contrôle », ou que la communication est porteuse d'un message
perçu comme immédiatement « rentable » pour l'entreprise.
L'explication, actuellement ressassée, de la notion du risque zéro qui n'existe pas est une conséquence de ce comportement encore
vivace. Il s'agit donc de rester à l'écoute des préoccupations du public en communiquant sur les réalités telles qu'elles se
présentent. Ainsi seront assurés à leur tour les volets
authenticité et modestie de la communication d'entreprise.
A l'écoute du public.
Autant les entreprises sont à l'aise avec la communication par
l'achat d'espace, car c'est une démarche qu'elles maîtrisent et
depuis longtemps on paye, on fait passer un message sur mesure -,
autant elles sont déstabilisées lorsqu'il s'agit de communication
d'entreprise. Du même coup, les entreprises occultent une partie
de leur responsabilité majeure. En adoptant sans ambiguïté ce
nouveau mode de communication, elles contribueront à établir un
meilleur équilibre dans leurs relations avec le monde extérieur
en général, et avec les journalistes en particulier. Les années à
venir seront celles de la communication d'entreprise, signe d'une
société devenue mature. A l'heure de l'outil Internet, la mise en
oeuvre de cette démarche en amont est encore plus légitimée. Les
pouvoirs publics auront aussi à prendre ce train-là.
Plutôt que de craindre l'opinion et de se positionner a priori
contre, les acteurs économiques et politiques doivent faire avec.
Les passerelles, patiemment construites, hors avis de tempête,
aideront à limiter la casse en cas de crise. Surtout, elles
impulseront une nouvelle dynamique dans le développement
économique des
entreprises, liée à une intégration sereine et juste dans leur environnement.
Laure Huguet-Ponchelet, Directrice générale de Diatomée
www.diatomee.fr
Acticle paru le 27 avril 2000 dans "La Tribune"
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