L'erreur
est humaine, mais elle peut prendre un caractère inquiétant lorsqu'il
s'agit d'Organismes Génétiquement Modifiés (OGM). Les faits : aux
Etats-Unis Syngenta a commercialisé par erreur et illégalement un maïs
bt10 expérimental et ceci pendant quatre ans avant de s'en apercevoir ! Cet incident démontre par sa chronicité
à quel point il est difficile d'instituer une chaîne de contrôle
sanitaire sur les OGM.
Stratégie de communication de crise
Stratégie du silence originelle puis de la reconnaissance de la crise ?
L'erreur découverte en décembre 2004 a été révélée seulement fin
mars 2005 par la revue scientifique "Nature". La firme suisse tout comme
les autorités sanitaires américaines ont eu le temps de préparer la
communication de crise de l'affaire et de rassembler éléments et
informations. Le communiqué de presse de Syngenta sur le sujet se veut
rassurant : "Suite à l’enquête initiée par Syngenta au sujet de la
mise sur le marché non intentionnelle de maïs génétiquement modifié aux
Etats-Unis, l’EPA et l’USDA (*) ont conclu que les exigences en
matière de sécurité alimentaires étaient respectées, et que cela ne
posait aucun problème tant pour la santé humaine que pour
l’environnement. ". L'argument utilisé se veut simple : "la
protéine exprimée est identique au maïs Bt-11 autorisé à la vente",
selon Sarah Hull, porte parole de Syngenta aux États-unis. Cet argument,
purement spéculatif car il ne prend pas en considération la complexité
du vivant, devrait cependant convaincre le public.
Autorités : silence sur le sujet
L'Environmental Protection Agency (EPA), l'agence officielle de
protection de l'environnement US tout comme le département de
l'agriculture (USDA) se gardent de médiatiser l'affaire et tentent de la
minimiser. Il s'agit pourtant de 150 Km2 cultivés avec du maïs
génétiquement modifié par l'introduction d'un gène issu d'une bactérie
et destiné à produire une toxine fatale à certains insectes. Les deux
organismes de contrôle gardent un silence total sur leurs sites Internet
où nous n'avons pas trouvé de communiqué sur cette délicate affaire.
Enjeux internationaux
Il faut dire que l'enjeux est de taille : ce problème pourrait
s'envenimer et conduire certains pays importateurs à se poser de
sérieuses questions sur la qualité sanitaire des aliments
américains, ce qui inquiète les autorités outre-atlantique. Michael Rodemeyer, le directeur de Pew Initiative on Food and Biotechnology, un
think-tank basé à Washington DC, précise que "cet incident démontre
l'absence d'un système de tracabilité des OGM dans l'industrie
alimentaire aux USA". Il ajoute que les clients des États-unis sont en
droit de se poser des questions et de demander des contrôles plus
strictes. De fait et selon Nature, la Maison Blanche suit de près
l'affaire. Il faut préciser qu'il ne s'agit pas de la première erreur.
Le StarLink , du maïs transgénique produit par Aventis CropScience et
uniquement réservé à l'alimentation animal, s'est retrouvé dans la
chaîne alimentaire humaine dans le passé.
Des dangers bien réels
Si le Starlink est interdit dans l'alimentation humaine, c'est en raison
de risques d'allergies. Or, le développement de toxines par les plantes
transgéniques constitue un véritable danger en cas d’allergie. Pour
Jean-Pierre Berlan, Directeur de recherche à l'INRA, les «
scientifiques découvrent une véritable " terra incognita ", qui pose des
problèmes radicalement nouveaux parce qu'elle met en échec tout ce que
nous savons. » ce qui peut poser d’immenses difficultés en cas de
crise sanitaire. Surtout que selon Gilles-Eric Seralini, expert en OGM
auprès de l’UE, "les OGM contiennent des pesticides jamais testés sur
des cellules humaines". Un comble en matière de sécurité
alimentaire.
Premières mesures internationales
Le Japon, selon l'International Herald
Tribune, s'apprête à effectuer des contrôles sur l'ensemble des
importations de maïs transgénique US. Pour l'instant, nous n'avons pas
de réaction de l'Union Européenne, ni des autorités françaises... malgré
le principe de précaution ?
DH
Nature|
US launches probe into sales of unapproved transgenic corn
Syngenta|
Le communiqué de crise de Syngenta en anglais (Note : sur
le site web francophone de Syngenta, un clic sur le communiqué conduit à
une page inexistante...)
International Herald
Tribune|
Japan tests for modified corn from U.S.
A lire sur l'opacité concernant les dangers des OGM
Terre-net |
Maïs OGM - Le Crii-Gen « exige la levée du secret industriel »
A lire sur la multiplication des pollutions génétiques :
Inf'OGM|
L'inacceptable politique du fait accompli
(*) EPA : Environmental
Protection Agency
USDA : Food and Drug Administration and the US Department of
Agriculture
A lire à ce sujet
Génétiquement
incorrect, Gilles Eric SERALINI
L'auteur démystifie dans ce livre les concepts génétiques en
circulation et nous donne les moyens de faire la part entre certitudes
et mirages, entre avancées, risques et dangers. Clair, argumenté, ce
livre devrait être lu par tous ceux qui s'intéressent aux OGM.
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* Gilles-Éric Séralini est professeur
des universités en biologie moléculaire à l'université de Caen et ses
recherches portent sur les relations entre hormones de la reproduction,
polluants et cancers. Expert depuis 1998 au sein de deux commissions
gouvernementales françaises chargées d'évaluer les OGM avant et après
leur commercialisation, il préside aussi le conseil scientifique du
Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie
génétique (CRII-GEN).
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