La guerre représente le stade ultime de la crise et la
révélation des tortures irakiennes en est une illustration.
D’abord et s’il en était encore besoin, elle nous montre
l’extraordinaire faculté amplificatrice des nouvelles
technologies. Nous savions que le téléphone portable avait eu un
effet accélérateur massif et il existe de multiples exemples où
les victimes ou témoins d’une crise préviennent les médias dans
les secondes qui suivent l’accident alors que l’entreprise n’a pas
encore reçu l’information. La crise irakienne nous prouve
aujourd’hui l’effet des appareils photos numériques, l’image se
retrouve directement sur le Net et se révèle alors insaisissable.
Le moindre clic et Internet se charge de leur médiatisation
internationale.
Au niveau des messages, nous assistons à la quasi-totalité des
argumentaires possibles :
• La minimisation : cela ne concernerait que quelques soldats
américains
• La contre-attaque : n’oublions pas l’essentiel, les 3.000
morts dans les twins towers le 11 septembre 2001 (J. Lieberman)
• Le détournement : l’assaut contre les bastions chiites et les
troupes de Moktadar al Sadr
• Le fusible potentiel : Donald Rumsfeld
• La stratégie de la reconnaissance : le président américain
promet un rapport complet sur les exactions en Irak.
Nous avons également l’impression diffuse de l’existence de
scénarios de repli ultime comme la capture « soudaine » de Ben
Laden, comme excellent moyen de détourner l’attention médiatique
et de retrouver la posture du vainqueur – libérateur.
Cette affaire illustre également le décalage entre la gestion
de la crise et la simple communication de crise.
On sent que Georges Bush a dû être parfaitement briefé par ses
collabora-teurs : « montrez-vous humain, bouleversé ». Certes,
mais si dans le même temps on découvre que l’administration
américaine était parfaitement au courant des exactions et que rien
n’avait été fait, l’argument emphatique revient en effet boomerang
pour anéantir toute crédibilité.
L’attentat en Espagne et le renversement du gouvernement
espagnol ont montré que l’opinion publique pouvait reconnaître les
fautes des gouvernements mais qu’elle ne supportait pas le
mensonge. Bill Clinton en avait déjà fait l’expérience.
Sans tomber dans les dérives et illusions de la transparence,
peut-être faudrait-il envisager que la vérité est sans doute la
seule « stratégie » possible en situation de crise. Sans écarter
l’argument moral (heureusement), cette position repose d’abord sur
l’idée que désormais toute activité est potentiellement
susceptible de publication. « Désormais, il y aura toujours un
témoin d’un événement qui prendra une photo » (Christian Caujolle,
directeur de l’Agence VU, Libération, 11 mai 2004).
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