Le mois d'Août vient d'apporter une nouvelle
illustration de la faillibilité aux crises de toute organisation,
quelle que soit leur compétence et bonne volonté en matière de
communication.
D'abord, tout gestionnaire de crise sait
parfaitement qu'il y a des périodes particulièrement propices au
déclenchement des crises. Le mois d'Août est en effet
potentiellement crisogène pour 3 raisons:
- D'abord parce que les responsables sont en vacances, il y a
donc plus de risques par le fait même que les responsables de la
sûreté et les dirigeants sont absents.
- Ensuite parce que les communicants sont également en vacances
et donc moins réactifs.
- Enfin, parce que les médias travaillent toujours.
Certes, la coupure n'est pas aussi
caricaturale, je veux dire seulement qu'en pleine période
estivale, il n'y a pas grand chose dans l'actualité, mais la
machine médiatique ne s'arrête jamais, il faut donc fournir de
l'info. Rappelons nous il y a 2 ans comment la presse avait monté
en épingle la mort d'un enfant dans une piscine du Club
Méditerranée en Grèce, l'accident s'était déroulé un 19 août et
aussitôt le Club s'était retrouvé accusé de négligences
criminelles alors que nous pouvons supposer qu'une telle affaire
aurait à peine dépassé la page des faits divers un mois plus tard.
Cela signifie déjà que l'intensité de la crise varie selon le
calendrier et que c'est justement quand l'attention se relâche que
le risque est majeur.
2ème leçon, cette crise montre une fois de plus la relation
détection/action. De plus en plus d'organisations évoluent vers
des systèmes de veille de plus en plus sophistiqués. Or, la crise
canicule le montre, tout comme celle du 11 septembre aux USA,
quasiment à chaque fois
qu'une crise intervient, on découvre ensuite
que la veille a parfaitement fonctionné, à chaque fois quelqu'un
avait tiré les alertes, détecté les signaux faibles, remarqué les
potentialités d'émergence de crise. Ce qui grippe ensuite, c'est
la réception du message, la capacité à comprendre en quoi et
comment cette crise potentielle peut devenir une vraie crise. il y
a ici un amoncellement de composantes psychologiques et
organisationnelles (surtout en périodes de congés) qui amènent
insensiblement vers une auto rassurance.
3ème leçon: l'impératif de cohérence des
messages. Le B.A BA de toute communication de crise réside dans le
triangle de la vertu: une attitude, un message, un porte parole.
Or en l'espèce, nous avons eu une réactivité assez tardive, un
message assez brouillé et surtout peu empathique ( la faute aux 35
heures, l'impression que ce n'était pas la peine d'expliquer les
mesures de prudence aux personnes âgées, parce que à partir d'un
certain âge , on perd la mémoire, sic ! ) et une multitude de
porte parole entre le porte-parole officiel, le ministre de la
santé, le premier ministre,..
L'ampleur de la crise n'est pas inéluctablement
liée à votre responsabilité, EDF n'était pas responsable de la
tempête de 99 et a parfaitement su gérer sa réaction technique et
communicationnelle, Le gouvernement n'est pas responsable de la
canicule, il prouve que la moindre défaillance peut provoquer une
large brèche.
Thierry Libaert
Maître de Conférences à l'Institut d'Etudes Politiques de
Paris. Enseignant en sciences de l'information et de la
communication à l'Université Paris IV (CELSA-Sorbonne). Auteur de
nombreux ouvrages dont "La communication de crise", Dunod 2001et
"La Transparence en trompe l’œil", Editions Descartes & Cie, 2003
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