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La communication de crise, vraiment une spécialité ?
par Didier Heiderich, Mars 2003 « Tout homme peut dire véritablement ; mais dire ordonnément, prudemment et suffisamment peu d'hommes le peuvent. » Montaigne Alors que de plus en plus d’agences créent un département « communication de crise », forcément de circonstance et je le crains plein d’avenir, j’ai la faiblesse de penser que la communication de crise n’est pas une discipline. Cette assertion n’est pas le fruit d’une humeur. En effet, il est nécessaire de ne pas confondre communication et gestion de crise : la gestion de crise demande une approche spécialisée qui inclut des disciplines récentes et parfaitement identifiées à l’image des cindyniques et de méthodes d’organisation pointues. La communication de crise ne semble obéir à aucune règle fondamentalement inédite : elle demande en revanche de parfaitement maîtriser la communication financière, industrielle, sociale, environnementale, commerciale, publicitaire, les relations presse, la communication interne, l’organisation de la communication au sein de l’entreprise et avec ses partenaires naturels et conjoncturels. En situation de crise tout doit être mis en œuvre, non seulement pour rassurer, mais aussi pour expliquer, convaincre, motiver, peser sur l’opinion, continuer à exister dans un environnement généralement hostile et focalisé sur LA CRISE. A contrario de la gestion de crise, plus qu’une discipline, la communication de crise fait appel à l’alliance de l’excellence et de la réactivité dans des circonstances qui ne sont pas naturelles. Les crises imposent une intelligence instantanée, une acuité hors norme, une compréhension de situations exceptionnelles, de pénétrer les opinions, d’agir sur de nombreux plans de la communication. Ceci explique peut être la tentation d’en faire une discipline. Plutôt que des équipes de spécialistes, ce sont des personnes capables de maîtriser l’ensemble des compartiments du jeu qui pourront être prêts à communiquer efficacement en situation de crise. Nous avons souvent constaté les erreurs commises dans l’approche communicationnelle des crises. Ces erreurs semblent plus généralement être le fruit de la sidération, du déficit de politiques prédéterminées, d’une mauvaise appréciation de la situation, d’une incapacité à agir, de réflexes inappropriés que l’on peut associer à une mauvaise préparation, à une méconnaissance des véritables relais d’opinion, à des lacunes dans la construction du discours, à un positionnement versatile. Lorsque éclate une crise, certaines agences de communication sont prêtes à dépêcher des équipes spécialisées capables de bâtir une stratégie en peu de temps, de réaliser du média training en temps réel et que sais-je encore. Que faire alors de la connaissance approfondie de votre histoire, de vos rapports sociaux, de vos relations avec la presse, de votre profil, de vos projets, de vos véritables valeurs, pourtant indispensables dans la construction de votre communication de crise ? La compréhension de la nature même des crises demande une analyse de ses constituants : l’évidence n’est pas forcément le fait. Le postulat de la crise sera différent pour le public, les institutions, les médias, le communicant, le juriste, le juge, l’actionnaire, l’employé. Considérer la crise sous un angle unique est forcément – voir fatalement – réducteur : laissez le cabinet d’avocat agir, il portera plainte contre les médias. Laissez l’agence de com déterminer la nature du discours et elle finira par confondre la forme et le fond. Enfin, à l’heure où communiquer est considéré par certains comme l’acte fondamental à accomplir en situation de crise, à l’heure où, sous prétexte de transparence on laisse les caméras d’une chaîne nationale filmer la préparation média d’employés lors d’une crise, confondant ainsi méthode sur le discours et discours sur la méthode, il semble indispensable de se souvenir que la communication de crise ne s’adresse pas à des analystes, mais à un ou plusieurs publics en quête de réponses, de sens. Parfois, il semble nécessaire de rappeler les paroles de Galilée dans Galileo Galilei, la pièce Berthold Brecht : « Pourquoi vouloir dès maintenant nous montrer si intelligents quand nous pourrions tout juste être un petit peu moins bêtes ? » (1) Dans les nouveautés du site, vous trouverez un dossier intitulé « Plan média de crise » destiné à vous fournir des indications sur votre gestion médiatique de crise. Ce dossier ne traite qu’un bout de la lorgnette : n’hésitez donc pas à participer à CCC, à faire valoir vos points de vue et à contribuer à la réflexion à propos de cette non-discipline qui en a véritablement besoin. (1) Galileo Galilei, Berthold Brecht , 1938 Voir : http://www.cite-sciences.fr/apprendre/francais/sciences/dossier/lecture/pages/page_20_1.htm (c) 2003 - Tous droits réservés |