« Tout homme peut dire véritablement ; mais dire ordonnément,
prudemment et suffisamment peu d'hommes le peuvent. »
Montaigne
Alors que de plus en plus d’agences créent
un département « communication de crise », forcément de
circonstance et je le crains plein d’avenir, j’ai la faiblesse de
penser que la communication de crise n’est pas une discipline.
Cette assertion n’est pas le fruit d’une
humeur. En effet, il est nécessaire de ne pas confondre
communication et gestion de crise : la gestion de crise demande
une approche spécialisée qui inclut des disciplines récentes et
parfaitement identifiées à l’image des cindyniques et de méthodes
d’organisation pointues. La communication de crise ne semble obéir
à aucune règle fondamentalement inédite : elle demande en revanche
de parfaitement maîtriser la communication financière,
industrielle, sociale, environnementale, commerciale,
publicitaire, les relations presse, la communication interne,
l’organisation de la communication au sein de l’entreprise et avec
ses partenaires naturels et conjoncturels. En situation de crise
tout doit être mis en œuvre, non seulement pour rassurer, mais
aussi pour expliquer, convaincre, motiver, peser sur l’opinion,
continuer à exister dans un environnement généralement hostile et
focalisé sur LA CRISE. A contrario de la gestion de crise, plus
qu’une discipline, la communication de crise fait appel à
l’alliance de l’excellence et de la réactivité dans des
circonstances qui ne sont pas naturelles. Les crises imposent une
intelligence instantanée, une acuité hors norme, une compréhension
de situations exceptionnelles, de pénétrer les opinions, d’agir
sur de nombreux plans de la communication. Ceci explique peut être
la tentation d’en faire une discipline. Plutôt que des équipes de
spécialistes, ce sont des personnes capables de maîtriser
l’ensemble des compartiments du jeu qui pourront être prêts à
communiquer efficacement en situation de crise. Nous avons souvent
constaté les erreurs commises dans l’approche communicationnelle
des crises. Ces erreurs semblent plus généralement être le fruit
de la sidération, du déficit de politiques prédéterminées, d’une
mauvaise appréciation de la situation, d’une incapacité à agir, de
réflexes inappropriés que l’on peut associer à une mauvaise
préparation, à une méconnaissance des véritables relais d’opinion,
à des lacunes dans la construction du discours, à un
positionnement versatile.
Lorsque éclate une crise, certaines agences de
communication sont prêtes à dépêcher des équipes spécialisées
capables de bâtir une stratégie en peu de temps, de réaliser du
média training en temps réel et que sais-je encore. Que faire
alors de la connaissance approfondie de votre histoire, de vos
rapports sociaux, de vos relations avec la presse, de votre
profil, de vos projets, de vos véritables valeurs, pourtant
indispensables dans la construction de votre communication de
crise ? La compréhension de la nature même des crises demande une
analyse de ses constituants : l’évidence n’est pas forcément le
fait. Le postulat de la crise sera différent pour le public, les
institutions, les médias, le communicant, le juriste, le juge,
l’actionnaire, l’employé. Considérer la crise sous un angle unique
est forcément – voir fatalement – réducteur : laissez le cabinet
d’avocat agir, il portera plainte contre les médias. Laissez
l’agence de com déterminer la nature du discours et elle finira
par confondre la forme et le fond.
Enfin, à l’heure où communiquer est considéré
par certains comme l’acte fondamental à accomplir en situation de
crise, à l’heure où, sous prétexte de transparence on laisse les
caméras d’une chaîne nationale filmer la préparation média
d’employés lors d’une crise, confondant ainsi méthode sur le
discours et discours sur la méthode, il semble indispensable de se
souvenir que la communication de crise ne s’adresse pas à des
analystes, mais à un ou plusieurs publics en quête de réponses, de
sens. Parfois, il semble nécessaire de rappeler les paroles de
Galilée dans Galileo Galilei, la pièce Berthold Brecht : «
Pourquoi vouloir dès maintenant nous montrer si intelligents quand
nous pourrions tout juste être un petit peu moins bêtes ? » (1)
Dans les nouveautés du site, vous trouverez un
dossier intitulé « Plan média de crise » destiné à vous fournir
des indications sur votre gestion médiatique de crise. Ce dossier
ne traite qu’un bout de la lorgnette : n’hésitez donc pas à
participer à CCC, à faire valoir vos points de vue et à contribuer
à la réflexion à propos de cette non-discipline qui en a
véritablement besoin.
(1) Galileo Galilei, Berthold Brecht , 1938
Voir :
http://www.cite-sciences.fr/apprendre/francais/sciences/dossier/lecture/pages/page_20_1.htm
Contact : info@communication-sensible.com
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