Internet est né de la contre-culture et de
l'esprit communautaire des années 60. Elitistes, ses fondateurs se
comptaient par centaines, répartis dans les universités et les
centres de recherche aux Etats-Unis puis partout dans le monde.
Animés par la soif de l'aventure intellectuelle, voir
technocratique, les initiateurs de la " société en réseaux " se
nourrissaient du partage, de la création, de la réalisation et de
la reconnaissance mutuelle. C’est grâce à eux qu’Internet existe.
Même si le monde du commerce et de l’industrie s’est emparé du
réseau, le vent de la liberté continue à souffler sur le net.
Aujourd’hui, une nouvelle génération adepte du
logiciel libre, du " copyleft (1)" et du " hacking (2)" contribue
à la construction du réseau. Ceux-ci proposent de nouvelles
solutions techniques, comme le WiFi (3) et militent pour le
partage culturel. "Co- inventeurs " du net, ils en déterminent une
partie des contours. Or, c’est dans ces pratiques et dans des
communautés construites sur des valeurs nouvelles que se reconnaît
" la génération internet ". Mais ces communautés sont de plus en
plus séparées et renfermées sur elles-mêmes. Leurs membres sont
souvent imperméables aux discours qui différent de ce qu’ils
veulent entendre.
Les acteurs économiques du web tentent quant à
eux de reproduire sur internet des schémas institutionnalisés,
hiérarchiques, contingentés à une vision purement économique
d’Internet. C’est ainsi qu’en communication de crise on-line,
plutôt que de choisir la voie communautaire, les entreprises
utilisent des modèles rassurants mais peu porteurs de sens :
quelques pages web réalisées en réponse à une crise, sites web de
crise cachées prêt à être mis en ligne, l’intrusion dans les
forums et les groupes de discussion. Internet correspond à un
modèle de société en réseaux, organisé par les liens qui
conduisent d’un site à l’autre, d’une communauté à l’autre. Tant
que les acteurs économiques et politiques n’auront pas fait le pas
d’oublier le modèle hiérarchique et de s’imprégner de la société
en réseau, ils ne seront pas en mesure de communiquer efficacement
sur le net. L’échec de Vizzavi vient le démontrer : il ne suffit
pas d’injecter quelques millions d’euros dans un portail internet
pour que celui-ci créé une véritable communauté d’internautes.
Autre exemple, pour Daniel Kaplan (
www.fing.org
) " L’échec du WAP, face à l’explosion de l’échange de messages
courts, démontre que les utilisateurs attendent autre chose de
l’Internet mobile qu’un modèle de consommation passive de contenus
préformatés " et il est nécessaire " (…) d’une part, s’intéresser
aux marges et aux marginaux : les hackers, les joueurs, les
artistes. D’autre part, faire confiance à l’intelligence
collective, rechercher l’échange et le métissage des idées, même
entre concurrents. Enfin, susciter ou soutenir les expériences "
Il en va de même pour la communication de crise
on-line, les modèles sont à réviser pour les faire correspondre à
la rupture introduite par la société en réseaux. Atteindre les
internautes demande de s’adresser directement à eux à travers les
communautés qu’ils animent en s’imprégnant de leurs codes et de
leurs valeurs. Ainsi, en communication de crise on-line, la
solution consisterait à "polliniser" en s’adressant de façon
différenciée à chaque communauté cible. Mais à contrario de la
réalisation d’un site web de crise, cette appropriation des
communautés ne s’improvise pas car il faut pour cela en être un
membre ou passer par le filtre d’un membre, ceci sans cynisme, ni
volonté de manipuler car les risques de rejet sont importants.
(1) Le "copyleft" autorise la diffusion et la
modification d’une œuvre de l’esprit mais en interdit l’usage
commercial
(2) Il est nécessaire de faire la distinction
entre les " hackers " et les pirates informatiques ou
" crackers ". Les " hackers " sont à l’origine des programmeurs
géniaux qui produisent des programmes collectifs comme ce fut le
cas pour Linux.
(3) Réseaux locaux sans fil se basent le plus
généralement sur la norme 802.11b, récemment rebaptisés Wi-Fi,.
Wi-Fi permet d’échanger des données sans fil avec un débit de 11
Mbps et une portée qui dépend de la puissance des bornes, mais
peut s’étendre de 30 m à quelques centaines de mètres, voire plus
si l’on installe des relais.
Voir :
http://www.fing.org/index.php?num=2463,4
25/02/02
Rédacteur : Didier Heiderich
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