Notre perception du monde a changé :
aujourd’hui, nous ne faisons plus confiance aux grands discours et
nous nous réfugions dans nos tribus ce qui rend difficile toute
forme de communication de masse, surtout en période sensible.
Le rejet généralisé - " Tous les
mêmes ! " L’état, les industriels, les politiques, les patrons,
les syndicats, les agriculteurs, les entrepreneurs, les
fonctionnaires… Les Français doutent de tout et de tous à
l’exception de quelques personnages charismatiques – plus ou moins
populistes - et encore. De l’affaire du sang contaminé à la vache
folle nous avons tous (ou presque) fini par perdre confiance dans
nos institutions et nos entreprises. Soumis aux lois du marché
dictées par les USA, scandalisés par la corruption de nos
politiques au plus haut niveau de l’état, licenciés par des
entreprises qui nous demandent en permanence de faire des efforts,
effrayés par la chaîne alimentaire, stressés par la
dépersonnalisation des relations clients / fournisseurs, trahis
par une justice à double vitesse, ruinés par la bourse ou encore
rejetés dans les bas fonds de la société, plus aucune soupe
généraliste ne pourra nous être servie.
Ainsi nous sommes devenus des " antipollution "
plutôt que des écologistes. Notre confiance, nous la plaçons dans
nos sentiments en rejetant les faits ce qui a pour conséquence de
dérationaliser notre perception du monde. Nos yeux, pourtant plus
ouverts, ne nous permettent plus d’appréhender un univers que nous
sentons dominé par des intérêts qui nous dépassent.
La fin de la communication de masse - Ce
rejet nous pousse à nous retrancher dans des tribus qui possèdent
des lois, des coutumes, des usages, un fonctionnement et des
pensées qui nous rassurent. Dans ces environnements de plus en
plus imperméables, nous filtrons en permanence l’épouvantable
masse d’informations à laquelle nous sommes soumis. Cette réaction
de défense a pour effet de créer de vives tensions entre notre
vision de la réalité et l’ensemble des structures (et méta
structures) sur lesquelles repose notre société. Avec ce malaise
généralisé, réaliser de la communication de masse devient
réellement difficile quel que soit le contexte. D’abord, sans
véritable originalité ou intérêt immédiat parfaitement identifié
pour la cible, votre message a toutes les chances de se perdre.
Ensuite, vous serez systématiquement mis en examen : les superbes
publicités d’Orange ne modifient en rien l’image de marque de
France Télécom, on les trouve belles et c’est tout. Seuls les
messages simples et informatifs font mouches " 30% de réduction
sur… " " Le gel –i- fixe vos cheveux " : convaincre, orienter,
influencer, faire rêver passent par d’autres canaux.
Le bouche à oreille - Car ce malaise de
la société ne veut pas dire mal être. Au chaud dans nos tribus, la
confiance et le bien-être existent avec le bouche à oreille pour
se forger une opinion. La solution pour nous atteindre consiste
donc à faire savoir et à laisser les contaminateurs faire leur
travail dans chaque tribu : c’est le marketing viral. Ce processus
reste identique en situation sensible mais vous ne serez pas
toujours à l’origine de la contamination sauf dans quelques cas
comme pour le retrait de produits défectueux ce qui désamorce
immédiatement la plupart des critiques.
Il s’agit donc en situation de crise de fournir
en premier l’information et ceci afin de la maîtriser. Dans le cas
contraire, vous entrerez dans une spirale qui risque de vous faire
détester par les " anti-vous ". La solution consisterait alors de
trouver un ou plusieurs personnages charismatiques membres des
tribus cibles qui viendront vous soutenir. Ce fut le cas pour les
essais nucléaires " complémentaires " de Mururoa vites oubliés en
France après que le débat plaça les " anti " en position de
défense (*) lorsque Haroun Tazieff vint soutenir qu’il n’y avait
aucun danger pour l’environnement.
Communiquer sur les valeurs - En
définitif, les temps à venir vont être difficiles pour tous ceux
qui voudront communiquer. La proximité, le respect, l’honnêteté
vont devenir les clés de toute forme de communication, y compris
en période de crise. Il vous faudra des prescripteurs capables de
diffuser vos messages dans les différentes communautés : eux seuls
pourront convaincre efficacement leurs entourages que vous
respectez leurs valeurs.
Néanmoins communiquer sur les émotions en
jouant sur la perception se fera souvent au détriment du fond.
Ainsi tout revers sera dévastateur, pour vous et pour vos
prescripteurs : choisissez le terrain des valeurs si vous pouvez
honorer vos engagements. Mais n’oubliez pas que chaque tribu a ses
propres valeurs qui différent des autres : il vous faudra prendre
et affirmer des positions (**) y compris dans votre communication
sensible.
Finalement – Vous ne pourrez plus faire
l’unanimité sauf contre vous et particulièrement si vous êtes
incriminés. Ciblez, prenez position, dénoncez à votre tour mais
toujours à bon escient, ne vous montrez pas calculateur, trouvez
les relais vers les communautés et les tribus que vous visez et
agissez. Dans tous les cas ne promettez plus la lune et des
lendemains qui chantent, mais simplement de bien faire votre
travail même si vous vendez du rêve…
(*) La contestation devint suspecte à partir du
moment où le doute se propagea sur la réalité des risques liés aux
essais nucléaires. A partir de cet instant, les protestations
furent ressenties comme des manœuvres essentiellement politiques
ce qui les décrédibilisa.
(**) Tout comme J2M qui rassure les américains
et les investisseurs sur son appartenance à leurs communautés au
détriment de son image en France.
25/01/02
Rédacteur : Didier Heiderich
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